L'Alliance Française de Tsiroanomandidy à Madagascar dans le documentaire "Alliance(s) Française(s)".
C’est l’une des actrices majeures de la Francophonie ! L’Alliance Française fêtait, ce vendredi 21 juillet, son 140ème anniversaire. Instrument de diffusion de la langue française à travers le monde, le réseau des Alliances françaises est aujourd’hui présent dans 135 pays. En Afrique et dans l’Océan indien, il est présent dans 34 pays. Quelle place occupe l’Alliance Française sur le continent africain ? Quel est son rayonnement ? Et à quels défis est-elle confrontée ?
"La langue française n’appartient pas à la France et aux Français", c’est ce qu’a affirmé le président français le 21 juillet 2023, et pour cause. A l’occasion, des 140 ans de l’Alliance Française - et dans le cadre du Congrès mondial des Alliances Françaises qui s'achève ce samedi 22 juillet - Emmanuel Macron rencontrait, à l’Élysée, les grands acteurs du réseau à travers le monde. Des acteurs venus du monde entier et notamment d’Afrique. En effet très présentes sur le continent, les Alliances Françaises s’y développent fortement. Malgré cet essor, leur présence dans certains pays africains est parfois contestée, les établissements étant accusés d’être au service des visées hégémoniques de la France.
1883 : Naissance de l'Alliance Française sous l'égide de Paul Cambon et de Pierre Foncin. Elle a alors pour mission "la propagation de la langue française dans les colonies et à l’étranger".
1884 : La première Alliance Française d’Europe ouvre à Barcelone.
1886 : L’Alliance Française de Paris est reconnue d’utilité publique.
1902 : Première Alliance à Montréal et création d’une Fédération des Alliances Françaises aux États-Unis.
1917 : Première Alliance aux Antilles et en République dominicaine.
1944 : Réouverture de l’Alliance Française de Paris après la guerre.
2007 : Création de la Fondation Alliance Française. Elle sera renommée en 2020 Fondation des Alliances Françaises.
Avec près de 830 établissements à travers le monde, le réseau des Alliances Françaises s’impose comme un acteur majeur de la Francophonie. En Afrique, les Alliances Françaises sont particulièrement bien implantées et sont en plein essor, avec une présence dans 34 pays. On compte aujourd'hui 110 établissements répartis en Afrique et l’Océan indien.
Nous progressons du côté de l’Afrique anglophone.
Bernard Cerquiglini, linguiste et vice-président de la Fondation des Alliances Françaises
"En Afrique, nous sommes présents dans quatre zones majeures", rappelle le linguiste Bernard Cerquiglini, également vice-président de la Fondation des Alliances Françaises. "Il y a évidemment une importante présence dans les zones traditionnelles que sont le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest", dit-il, ajoutant : "Nous sommes vraiment opérationnels dans le domaine de la langue française plutôt en Afrique de l’est et nous progressons du côté de l’Afrique anglophone. Il y a des établissements à Addis-Abeba, à Nairobi… De nouveaux projets se font également dans d’autres pays anglophones". Parmi les lieux de forte présence de l’Alliance Française, Bernard Cerquiglini cite également l’Afrique du Sud. Il existe aujourd’hui 22 établissements répartis sur toute l’Afrique australe.
Les Alliances Française dans le monde en 2022.
Depuis qu’il est à la vice-présidence de la Fondation des Alliances Françaises en 2020, le linguiste constate en effet "un fort désir de français" dans les zones anglophones du continent. Un désir auquel il se dit d’ailleurs être attentif. "Les pays des Grands Lacs, et les pays d’Afrique anglophone en général, se rendent compte que le bilinguisme est important. Il y a une demande de français dans les pays comme le Rwanda, le Burundi… Même au Kenya ! Le pays se rend compte que, pour les langues internationales, l’Afrique est bilingue. A cela s’ajoute les grandes langues africaines bien sûr".
Nombre d'Alliances françaises par pays, sur la base des 763 Alliances Françaises (sur 829) ayant répondu au questionnaire annuel 2022.
Selon l’Académie Malagasy, relayée par nos confrères de RFI, moins de 16% de la population de Madagascar, ancienne colonie française, parlerait aujourd’hui le français.
[Madagascar] C’est une particularité dans les Alliances Françaises d’Afrique
Jean-Pierre Bertrand, réalisateur du documentaire "Alliance(s) Française(s)
Si la langue est de moins en moins parlée par les jeunes malgaches, ils sont toutefois de plus en plus nombreux à s’inscrire à l’examen "Delf/Dalf" de français,[Diplôme d'Étude en Langue Française, ndlr], organisé par les Alliances Françaises du pays. "C’est une particularité dans les Alliances Françaises d’Afrique", affirmait d'ailleurs Jean-Pierre Bertrand sur le plateau de TV5MONDE, le 18 juillet dernier. Réalisateur du documentaire "Alliance(s) Française(s)", dont la chaîne francophone est partenaire, il expliquait qu’avec 29 établissements sur son territoire, Madagascar est l’un des pays d’Afrique qui compte le plus de comités. Sa spécificité : un enseignement tourné vers la petite enfance.
Son argument s’appuie sur le témoignage de Narindra Rabemanana, directrice de l’Alliance Française de Tsiroanomandidy, à l'ouest de la capitale. Dans le documentaire, elle explique en effet que, dans sa ville, "les gens, pour beaucoup, sont agriculteurs et éleveurs. Ils envoient leurs enfants à l’Alliance pour apprendre le français parce que dans les universités, c’est la langue française qu’on utilise le plus souvent".
L'Alliance Française en Afrique
"Une logique de réciprocité" et "un dialogue interculturel", certains ne sont pas de cet avis et accuse l’Alliance Française de relent néocolonialiste.
En mai puis en juin 2023, l’Alliance française de Ziguinchor, au Sénégal, a été incendié à deux reprises et presque entièrement détruite lors d’importantes manifestations en soutien à l’opposant politique Ousmane Sonko. [Ziguinchor, ville située dans la région de la Casamance, ndlr]. S’il est difficile de déterminer les raisons exactes de ces incendies, ils s’inscrivent dans le contexte d’une forte défiance, en Afrique de l’Ouest, à l’égard de la politique de la France sur le continent.
Associer l'Alliance Française à la Françafrique est une erreur historique absolue
Bernard Cerquiglini, linguiste et vice-président de la Fondation des Alliances Françaises
Au travers des Alliances françaises, "la langue française est proposée comme une langue en partage pas comme une perspective hégémonique mais plutôt dans une perspective de promotion de la diversité et de l’interculturel", expliquait au contraire Marc Cerdan à TV5MONDE. Sur ce point, il est rejoint par le réalisateur Jean-Pierre Bertrand et par le vice-président de la Fondation des Alliances Françaises, Bernard Cerquiglini, qui souligne l’importance du caractère associatif de ces établissements. "Certes nous avons été créés par des Français mais ces Français ont décidé de passer par la voie associative. Il s’agissait de diffuser la langue et la culture française mondiale par le biais de l’association. Que l’on nous associe à la Françafrique est une erreur historique absolue". Il ajoute : "Contrairement à l'Institut français, avec qui nous travaillons par ailleurs mais qui émanation de l'État, c’est à chaque fois un comité local qui est à l’origine de la création d’une Alliance Française. Nous, nous la soutenons et nous restons en disant : 'Ce sont des Maliens, des Sénégalais ou même des Ukrainiens qui ont décidé de créer une Alliance Française, avec notre soutien'. Que l’on ne nous associe pas à la Françafrique, à un colonialisme ou même à un néocolonialisme. Nous aidons une libre expression d’intérêt pour la langue et la culture françaises dans sa diversité".
Pour continuer à aider cette "llibre expression d’intérêt", l’Alliance Française et ses acteurs vont devoir relever de nouveaux défis. "Les défis c’est, à travers cette langue, d’avoir une promesse plus universelle, de la réciprocité et la capacité de s’ouvrir au monde avec une langue en partage, qui n’est pas que la langue de la France mais la langue de la Francophonie et qui interagit avec les pays dans lesquels elle est", conclut Marc Cerdan.