80 ans du débarquement de Provence : l'apport décisif des soldats africains

Ils étaient tirailleurs algériens, tabors marocains ou tirailleurs sénégalais. Et il y a 80 ans ils ont libéré le sud de la France du joug nazi. Retour sur l'histoire de ce débarquement "oublié" et le rôle prépondérant de ces soldats africains. 

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Débarquement en Provence

Images du débarquement de troupes alliées en Provence le 15 août 1944. 

AP/ archives
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Dans quel contexte militaire s'inscrit ce débarquement ? 

Les Alliés ont débarqué en Normandie le 6 juin 1944. Après deux mois de combats difficiles, où les Alliés ont perdu près de 200 000 hommes (prisonniers, blessés ou morts), l'armée allemande commence à reculer. Les forces nazies cependant contrôlent encore une grande majorité du pays et notamment Paris. Les Britanniques, les Américains et les Français fidèles au gouvernement provisoire du général de Gaulle combattent depuis 1943 en Italie. 

Cette même année la Corse a été libérée. Le général en chef des forces d'alliés, Dwight D. Eisenhower, décide de déclencher un second débarquement dans le sud de la France pour prendre en tenaille les forces allemandes et libérer la majeure partie du territoire français. 

Dans la nuit du 14 au 15 août les premiers soldats débarquent dans le Var

Près de 2000 navires alliés arrivent au large des côtes du Var. Plus de 350 000 hommes s'apprêtent à débarquer en plusieurs jour sur le littoral provençal. Ces soldats sont sous le commandement de la 7ème armée américaine du général Patch. Au sein de cette 7ème armée se trouve l'armée B, une armée française commandée par le général de Lattre de Tassigny, forte de 250 000 hommes. 

SOldats

Des soldats américains débarquent sur une place de Cavalaire ce 15 août 1944 .

AP/archives

Réunie au large de la Corse, la flotte alliée s'est d'abord dirigée vers Gênes pour tromper les Allemands Mais, le 14 au soir, elle met le cap sur la côte provençale. Peu après minuit, tandis que les Rangers américains prennent pied dans les îles du Levant, les premiers commandos français s'emparent du Cap Nègre et vont conquérir une tête de pont vitale autour du Lavandou. Le débarquement vient de commencer. 

Un bombardement aérien et naval écrase les batteries allemandes du littoral varois. Vers 8 heures trois divisions d'infanterie américaines se lancent à l'assaut des places entre Cavalaire et Saint-Raphaël. Les combats sont âpres. Les défenses allemandes sont débordées.

Les soldats africains libèrent Toulon et Marseille

Le 16 août, les forces de l'armée B commencent à débarquer. Cette armée est forte de 250 000 hommes. Elle est composée majoritairement de soldats africains combattant au sein des forces de l'empire colonial français.  L'Armée "B" comptait 84.000 pieds-noirs -Français d'origine européenne installés en Afrique du Nord-, 12.000 soldats des Forces françaises libres (FFL) fidèles au général de Gaulle, et 12.000 Corses, mais aussi 130.000 soldats dits "musulmans" d'Algérie et du Maroc, et 12.000 soldats de l'armée coloniale (tirailleurs sénégalais, marsouins du Pacifique et des Antilles...).

Soldats alliés

Images de soldats alliés débarquant en Provence le 15 août.

AP

Les forces américaines vont remonter vers la Durance et la vallée du Rhône, l'armée B, elle  doit prendre Toulon et Marseille, ports vitaux pour la stratégie des Alliés.

Le 20 août, l'armée B encercle le port militaire de Toulon. Français Libres, tirailleurs algériens et sénégalais combattent pendant plus d'une semaine pour libérer la ville. Le 28 août la garnison allemande finit par se rendre. Le général de Lattre lance ensuite ses troupes vers Marseille. Aubagne, au nord de la cité phocéenne, est libérée par les Tabors marocains. 

Le général Monsabert et sa troisième division d'infanterie algérienne sont chargés de libérer Marseille. Les combats vont durer 5 jours. Les dernières défenses allemandes sont prises le 28 août par les résistants et les tirailleurs algériens. Les deux villes, Toulon et Marseille, ont été conquises avec un mois d'avance sur les prévisions. Les soldats d'Algérie, du Maroc ou d'Afrique de l'Ouest, de l'armée du général de Lattre, vont désormais remonter la vallée du Rhône pour aller combattre ensuite l'ennemi en Alsace. 

Une mémoire africaine réhabilitée 

Si l'accent a longtemps été mis sur le rôle des troupes françaises et de la Résistance dans les opérations en Provence; la place des soldats qualifiés à l'époque d'"indigènes" par l'armée française a été progressivement mise en avant ces dernières décennies.

À partir du cinquantenaire du débarquement en 1994, de nombreux chefs d’États des pays d'Afrique noire et du Maghreb ont participé aux commémorations. Ils étaient plus d'une quinzaine en 1994, en 2004 ou encore en 2014. Mais seuls Alpha Condé (Guinée) et Alassane Ouattara (Côte d'Ivoire) avaient fait le déplacement pour le 75e anniversaire en 2019.

Flotte alliée

Images de la flotte alliée au large du Var le 15 août 1944.

AP

Cette année, la présidence française annonce "une participation africaine de haut niveau" lors d'une cérémonie internationale jeudi matin à la nécropole de Boulouris, près de Saint-Raphaël, où reposent 464 soldats tués sous l'uniforme français en août 1944.

Ce succès reste un épisode souvent méconnu mais décisif de la libération de l'Europe du joug nazi, qui a de plus permis à la France de s'assoir à la table des vainqueurs grâce à l'engagement massif de ses forces. 

Une association a aussi annoncé la présence de cinq tirailleurs ayant participé aux guerres d'Indochine et/ou d'Algérie, accompagnés de cinq lycéens de Thiaroye, près de Dakar.

Le 1er décembre 1944, des forces françaises y ont tiré sur des tirailleurs africains qui réclamaient leurs arriérés de soldes après avoir été rapatriés du front, faisant au moins 35 morts.