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Vendred 21 octobre, le train Intercity de Camrail a déraillé dans la localité d'Eseka, à 200 km de Yaoundé. AP Photo/Joel Kouam
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Accident de train au Cameroun: après le choc, l’heure de l’enquête

Cinq jours après l’accident de train dans la localité d’Eseka qui a fait au moins 80 morts et plus de 500 blessés, de nombreuses questions restent en suspens. Le drame aurait-il pu être évité ? Quels sont les responsables ? Une enquête judiciaire vient d’être ouverte pour faire la lumière sur cette catastrophe. 
Après le choc, la colère et les questions. Alors que le Cameroun a observé un jour de deuil national lundi 24 octobre pour marquer la solidarité du pays avec les victimes de l’accident d’Eseka, la polémique au sujet des responsabilités de l’accident commence à enfler. C’est d’ailleurs pour faire la lumière sur cette catastrophe ferroviaire qu’une enquête judiciaire a été ouverte mardi 25 octobre, a annoncé le parquet de la Cour d’appel de la région du Centre dont dépend la ville d’Eseka. 

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Pour le moment, aucune raison officielle n’est avancée pour expliquer le drame mais les familles de victimes demandent au gouvernement et à Camrail, filiale du groupe Bolloré Transports & Logistics, de prendre leurs dispositions. Pointé du doigt, le groupe Bolloré va indemniser les proches des victimes à hauteur de 1 million et demi de francs CFA, soit 2 300 euros par famille.

Vitesse « anormalement élevée » et surcharge

Le train qui a déraillé vendredi 21 octobre à la mi-journée près de la gare d’Eseka, à 200 km au sud de Yaoundé, la capitale, circulait à une vitesse « anormalement élevée » avant la catastrophe a indiqué mardi Eric Melet, président de Bolloré Africa Railways. « On a des éléments qui semblent montrer que le train en approche était à une vitesse de l'ordre de 80-90 km/h dans des zones où il aurait dû être à des vitesses beaucoup plus basses» , a déclaré ce haut responsable de Bolloré Transport & Logistics.

Le train était également bondé au moment de l’accident, car quelques heures auparavant, un pont s’était effondré sur l’axe routier reliant les deux villes, rendant impossible toute circulation. Les voyageurs avaient donc été redirigés vers le train. 
 

« Cet afflux aurait lui-même conduit les opérateurs de la Camrail à doubler les wagons, faisant passer le convoi de neuf à dix-sept rames. La responsabilité du transporteur est donc ici engagée », explique l’écrivain camerounais Eugène Ebodé dans une tribune du journal Le Monde. Mais selon Eric Melet, on ne peut parler de surcharge dans le cas de l'accident. « Rien ne permet de dire aujourd'hui que l'on était en surcapacité, par contre toutes les places étaient occupées », assises et debout, a-t-il expliqué. Malgré ces explications, de nombreux Camerounais « dénoncent la cupidité des responsables de la compagnie ferroviaire qui a entassé les passager au mépris des règles de sécurité », assure de son côté un journaliste de Camerpost.

En effet, « une telle surcharge était-elle supportable sur un réseau décrié depuis des années pour sa fragilité, voire son délabrement ? », s’interroge Eugène Ebodé. L'entretien de l'ensemble de la voie ferrée, des bâtiments et des infrastructures ferroviaires du réseau sont l’affaire de Camrail, et donc de Bolloré.

Possible problème technique ? 

A la surcharge du train s’ajoutent désormais des rumeurs autour d'un problème de frein sur les wagons rajoutés à la dernière minute, que Camrail aurait ignoré. Mais Hamadou Sali, le président du conseil d’administration de la compagnie s’est défendu sur RFI. « Une enquête judiciaire, une enquête administrative, une enquête technique ont été ouvertes. Ces enquêtes vont permettre de déterminer les responsabilités. Il y a eu un problème, on nous a saisis, on a mis les dispositifs que nous mettons toujours en place. Le système de freinage a été contrôlé. La base de Douala a été saisie, a donné son OK après ces vérifications ». 

Samedi, la compagnie ferroviaire avait assuré que des « enquête techniques étaient menées (…) pour déterminer les causes de cet effroyable accident » et que « leurs conclusions, dès qu’elles seraient connues, feraient l’objet d’une communication ». 

« C’est la volonté du groupe en coordination avec les autorités au fur et à mesure où les informations sont connues de les faire connaître pour que tout le monde puisse comprendre les circonstances de ce drame, a assuré à RFI, Eric Melet. Aujourd’hui, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions, ce sont des catastrophes complexes qui en fait se produisent avec l’alignement de beaucoup de paramètres qu’il faut d’abord analyser. »
 

Une double responsabilité ?

Si certaines accusations semblent plutôt se tourner vers la filiale de Bolloré Transport & Logistics, (que nous n'avons pas réussi à joindre depuis l'accident NDLR), plusieurs observateurs constatent que la coupure de la route reliant Douala à Yaoundé est une conséquence de la négligence de l’Etat camerounais au sujet des infrastructures de transport. « L'accident ferroviaire et le nombre de victime très élevé est en partie du à la coupure de la route dans la matinée du vendredi 21 octobre. Des crédits ont pourtant été débloqués pour l'entretien de cette route, souligne le journaliste de Camerpost. Alors pourquoi cela n'a-t-il pas été fait ? Qui est responsable ? Les Camerounais s'interrogent et pointent du doigt les dirigeants qui n'anticipent pas et attendent que le pire se produise pour agir ».  

Ce drame peut-il faire changer les choses au Cameroun où la sécurité concernant les transports est très souvent négligée ? Chaque jour, des accidents de voitures ont lieu, dûs au non respect des règles de sécurité mais aussi à cause du mauvais état du réseau routier. L'axe Douala-Yaoundé est une "route de la mort" tout au long duquel gisent des cadavres de voitures et de camions par centaines.
 
carte eseka
La ville d'Eseka se trouve à 200 km de la capitale Yaoundé. Capture d'écran Google map
Au Cameroun, les infrastructures sont mal entretenues voire inexistantes dans ce pays, rongé par la corruption. Cet accident vient donc rappeler qu'il est urgent pour les pouvoirs publics, comme pour les compagnies privées, de rénover des axes laissés à l'abandon, d'entretenir des infrastructures vieillissantes, de faire respecter les mesures de sécurité obligatoires, etc... 

Ce drame a également mis en lumière l'état catastrophique des hôpitaux publics. En effet, les victimes ont dû être transportées dans des hôpitaux de Douala ou Yaoundé, à respectivement 200 et 100 kilomètres d'Eseka.