Afrique : dans 40% des pays du continent, être journaliste est "difficile"

Le 3 mai dernier marquait la journée mondiale de la liberté de la presse. L'occasion de faire le point sur la difficulté grandissante d’exercer le métier de journaliste dans le monde et notamment sur le continent africain.

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rd congo

La 30e journée mondiale de la liberté de la presse a eu lieu le 3 mai. En RDC, le droit de disposer d'informations fiables et plurielles n'est pas toujours respecté, et les conditions d'exercice des journalistes sont souvent dangereuses.

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RSF constate que l’exercice du journalisme est devenu "difficile" dans près de 40% des pays africains, (contre 33% en 2022).

Un phénomène nouveau vient aggraver cette situation, l’arrivée des nouvelles technologies, notamment l’Intelligence Artificielle. Cette "industrie du simulacre" comme la définit Christophe Deloire, Secrétaire général de RSF, "façonne et distribue de la désinformation et donne des outils pour la fabriquer".

(Re)voir : La désinformation sur Internet en débat

Les effets de l’Intelligence Artificielle

Pour RSF, ces nouveaux outils, qui mélangent réel et artificiel, mettent en danger le droit à l’information. Un effet dénoncé aussi par Antonio Guterrez qui a déclaré : "la vérité est menacée par la désinformation et les discours de haine, qui cherchent à brouiller les frontières entre les faits et la fiction, entre la science et les conspirations".

Le phénomène de la désinformation est vu à l’œuvre surtout en Afrique subsaharienne, selon RSF . Dans des pays en proie à des conflits et à des menaces sécuritaires "les États usent de l’information comme d’une arme au service de la propagande", peut-on lire dans le rapport. 

Lire : Vidéos anti-françaises en Afrique : "Wagner est dans une approche prosélyte"

L’influence russe en Afrique subsaharienne

Le Burkina Faso, (58e), a suspendu des chaînes internationales et expulsé des journalistes. En général, toute la zone sahélienne est en train de devenir, selon RSF, "une zone de non information".

Au Mali (113e), les autorités militaires ont suspendu les antennes de deux médias internationaux et expulsé plusieurs journalistes étrangers.

Voir : Mali : le collectif "All eyes on Wagner" publie son rapport

En République centrafricaine (98e) les médias russes RT et Sputnik exercent une influence réelle. "La défense et la promotion du narratif pro-russe contribuent à l’explosion de la désinformation sur l’ensemble du continent" affirme le rapport de RSF.

Voir : Tchad : Wagner veut déstabiliser la transition

Leurs experts ont constaté l’émergence de  "médias factices" fabriqués pour dénigrer le travail des journalistes.

Le même phénomène a été analysé en Éthiopie (130e). La guerre du Tigré a entraîné une vague d’arrestation de journalistes et favorisé une intense propagande de la part des autorités fédérales, selon le rapport. 

La République démocratique du Congo se retrouve classée 124e, notamment à cause de la situation dans la région du Nord-Kivu. Les journalistes sont pris en étau entre les injonctions des rebelles du M23 et celles des forces loyalistes, explique RSF.

Des journalistes tués ou emprisonnés

RSF rappelle que 5 journalistes ont été tués entre fin septembre 2022 et janvier 2023 au Cameroun (138e), au Kenya (116e), en Somalie (141e) et au Rwanda (131e). Les enquêtes sur le journaliste camerounais Martinez Zogo et le Rwandais John Williams Ntwali sont toujours au point mort.

Voir : Cameroun : l'immense tristesse de la famille du journaliste Martinez Zogo

Le Sénégal (104e) a chuté de 31 places notamment du fait des poursuites contre les journalistes Pape Alé Niang et Pape Ndiaye. Au Burundi (114e), la journaliste Floriane Irangabiye a été condamnée à 10 ans de prison. 

Toujours au fond du classement, l’Ouganda (133e) où la Cour constitutionnelle a annulé une disposition sur l’utilisation abusive des ordinateurs, qui criminalisait la publication de "fausses informations".

Censure des régimes autoritaires en Afrique du Nord

En Tunisie (121e) et en Algérie (136e) la situation de la liberté de la presse se dégrade sous les gouvernements des présidents Saïed et Tebboune, peut-on lire dans le rapport.

Les journalistes tunisiens y sont poursuivis lors de leur travail d'enquête, selon RSF. Également, les acquis de la révolution de 2011 seraient remis en cause quotidiennement par le gouvernement, raconte le rapport. 

Il y a exactement un an, le journaliste algérien Khaled Drareni analysait que "le recul de la Tunisie ou la progression de l’Algérie {dans le classement} s’expliquent par la méthodologie. L'Algérie monte car d’autres pays descendent. Cela ne veut pas dire que la situation de la liberté de la presse s'est améliorée, bien au contraire. En Algérie, on arrête toujours les journalistes, parfois pendant l'exercice de leurs fonctions."

Lire : Journée mondiale de la liberté de la presse : au Maghreb, les journalistes sous surveillance - entretien avec Khaled Drareni, 3 mai 2022

En effet, en Algérie, alors que la liberté de la presse est garantie par l'article 54 de la Constitution - rappelle RSF - de plus en plus de journalistes se retrouvent devant les tribunaux. Un nouveau code de l'information - particulièrement restrictif - a été adopté. Fin décembre 2022, une radio indépendante était l'objet d'un raid de la police.

Lire : Algérie : avec la perquisition de Radio M, le pouvoir achève de museler la presse libre

Au Maroc, qui perd 9 rangs pour se classer 144e sur 180, la détention arbitraire des journalistes Omar Radi et Souleiman Raissouni se prolonge. Le harcèlement d'autres journalistes continue, selon le rapport de RSF.