Afrique du Sud : des législatives sous le signe de l'ANC
Vingt ans après le premier scrutin post-apartheid, les Sud-Africains se rendent aujourd'hui aux urnes pour de nouvelles élections législatives. Ce scrutin qui précède la présidentielle du 21 mai prochain, devrait à nouveau être remporté par l'ANC au pouvoir depuis la victoire historique de Nelson Mandela en 1994.
Plus de 25 millions d'électeurs sud-africains se rendent dans les bureaux de vote ce mercredi 7 mai pour élire leurs 400 députés. Ces derniers désigneront ensuite le 21 mai prochain le nouveau chef d'Etat. L'actuel président Jacob Zuma - marqué par différents scandales - pourrait être reconduit pour un second mandat de cinq ans. Pour les législatives, les sondages créditent l'ANC (African national Congress) de plus de 60% contre 65,9% en 2009. Ce parti historique qui délivra les Noirs de l'apartheid reste vainqueur depuis la victoire de Nelson Mandela en 1994. Mais le vote des "Born free" ("nés libres" après l'apartheid), pourrait aller au parti d'opposition libérale DA (Alliance démocratique) crédité de plus de 20% d'intentions de vote. Le nouveau parti populiste de Julius Malema se fait aussi beaucoup remarquer. Les Combattants pour la liberté économique (EFF) prônent la nationalisation des banques et des mines, l'expropriation sans indemnisation des grands propriétaires terriens blancs et une redistribution radicale des richesses.
La campagne électorale a été émaillée de quelques incidents dans les bidonvilles et les quartiers les plus pauvres où des manifestations ont tourné à l'émeute. Les manifestants protestent contre la mauvaise qualité ou l'absence des services publics, la corruption des élus locaux et demandent plus d'emplois. Des revendications loin de la liesse populaire qui entouraient le premier scrutin ouvert à tous le 27 avril 1994 comme nous le raconte Paul Germain, rédacteur en chef à TV5MONDE qui s'était alors rendu en Afrique du Sud pour notre partenaire belge la RTBF.
Trois questions à Paul Germain, rédacteur en chef à TV5MONDE.
07.05.2014Propos recueillis par Léa Baron
Quelle était l'atmosphère en ce 27 avril 1994 ? C'était un climat d'effervescence incroyable. Il y avait une atmosphère fabuleuse en Afrique du Sud. J'y étais allé quelques années auparavant et le changement était radical. On sentait vraiment un grand espoir de la communauté noire dans ces élections. En revanche, il y avait un peu de crainte de la communauté blanche. On sait d'ailleurs qu'après les élections, beaucoup de Blancs on décidé de quitter l'Afrique du Sud. Quand on interviewait les gens, on sentait bien que ce vote représentait l'aboutissement d'une lutte des Noirs qui avait duré plusieurs décennies pour obtenir les mêmes droits. L'élection de Nelson Mandela représentait vraiment le symbole de la démocratisation du pays. C'était frappant.
“ L'héritage du combat de Mandela“
Avez-vous quelques souvenirs et anecdotes ? Les élections étaient relativement bien organisées mais il y avait quelques couacs. C'était quand même la première fois que des Noirs pouvaient voter et que donc l'ensemble de la population se rendait aux urnes. Donc, il y avait quelques dysfonctionnements, des retards. Je sais que ce n'était pas prévu mais dans certains bureaux de vote on a accordé le droit de voter aussi le lendemain tellement il y avait de monde. Au sein de la vieille génération, beaucoup d'électeurs noirs s'étaient endimanchés pour aller voter. C'était un événement ! Certains n'avaient pas de costumes très chics alors ils avaient sorti leur costume de mariage car c'était aussi une fête d'aller voter. Je me souviens avoir approché un Noir assez âgé dans une file d'attente en lui demandant ce que cela lui faisait d'avoir fait la queue pendant 7 heures et de devoir revenir le lendemain pour voter. Il a éclaté de rire et m'a dit "vous savez cela fait 30 ans que j'attends de voter. Alors 24 heures de plus c'est presque un plaisir de venir et de participer à cette acte de démocratie." Vous êtes-vous rendu dans les bidonvilles à ce moment-là ? J'ai un souvenir des bidonvilles de Soweto où on s'était rendus pour rencontrer un prêtre français qui était là depuis au moins 10 ou 15 ans. Il nous avait conseillé de venir accompagné d'un guide. Mais finalement, on y est allés sans guide et on n'a pas eu de problème. Au contraire, quand on s'est avancés vers le lieu où se trouvait ce prêtre, on a vu un Noir s'approcher de nous en disant "dites moi que je ne dois pas avoir peur". C'était l'une des premières fois qu'il voyait des Blancs dans ce quartier. il est finalement resté toute la journée avec nous. Une espèce d'amitié s'est créée. Ce sentiment de réconciliation qui s'exprimait et dont on était les bénéficiaires quelque part, était assez touchant.