Afrique subsaharienne : le manque d’emploi favorise-t-il le recrutement des groupes extrémistes ?

Dans une enquête, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) explique que le manque d'emploi permet majoritairement aux groupes extrémistes d’attirer de nouvelles recrues en Afrique subsaharienne. Comment s’explique cette dynamique ? Éléments de réponse.
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Mali terrorisme
Des combattants d'un groupe islamiste partent après avoir réalisé une amputation publique à Tombouctou, au Mali, le 16 septembre 2012.
AP Photo, archives.
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Plus que l’idéologie religieuse, le manque de travail représente le principal facteur de recrutement des groupes extrémistes en Afrique subsaharienne. C’est le constat que dresse le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), dans son rapport publié le 7 février 2023. 

Cette enquête est basée sur le témoignage de près de 1 200 anciens membres de groupes extrémistes violents, issus de huit pays (le Burkina Faso, le Cameroun, le Tchad, le Mali, le Niger, le Nigeria, la Somalie et le Soudan) d’Afrique subsaharienne. Un quart d’entre eux mentionnent le manque d'opportunités d’emploi comme principale raison de leur adhésion. Ce chiffre augmente de 92% par rapport au précédent rapport de 2017.

Djihadisme social

Qu’est-ce qui fait que le manque d’emploi est la principale source de recrutement des groupes djihadistes et plus généralement terroristes ? « En ce qui concerne les facteurs économiques, on constate un faible niveau de confiance dans le gouvernement et une déception quant à l’offre de moyens de subsistance, ainsi que la situation économique mondiale et l’impact du Covid-19, explique Nirina Kiplagat, conseillère régionale pour la consolidation de la paix dans une interview à l’AFP. Cela permet de voir et de supposer que les aspects économiques sont devenus un facteur d’attraction plus important pour les groupes extrémistes violents. » 

Il n’y a pas forcément une interprétation unique à la mobilisation armée des civils.Magali Chelpi-den Hamer, chercheuse associée à l’IRIS

« Il y a toujours plusieurs raisons pour lesquelles les jeunes rejoignent les groupes armés, analyse Thierry Vircoulon, chercheur associé à l’IFRI (Institut français des relations internationales). Il y a en effet leur situation socio-économique, mais aussi le besoin de protection, parce qu’ils sont dans un environnement qui est dangereux, donc cela représente un élément d’autodéfense. », poursuit-il. Le chercheur ajoute qu’« il y a aussi des motivations religieuses, qui en règle générale ne sont pas prédominantes. » Cet ensemble représente « un djihadisme qui est surtout social. »

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« Il n’y a pas forcément une interprétation unique à la mobilisation armée des civils », explique de son côté Magali Chelpi-den Hamer, chercheuse associée à l’IRIS. Selon elle, « la théorie des "causes perdues" est très répandue dans l’imaginaire collectif. C'est-à-dire que l’on va prendre un jeune qui n’a pas d’emploi et lui proposer de l’argent pour l’inciter à rejoindre un groupe. » Cependant, la chercheuse estime que la situation est plus complexe que cela. 

Point de basculement 

« Ce n’est pas parce l’on est sans emploi que l’on rejoint des groupes extrémistes, poursuit Magali Chelpi-den Hamer. C’est aussi parfois selon des logiques de protection. » En effet, « quand on se trouve dans une zone assiégée, il est possible de partir si l’on possède les finances nécessaires », détaille la chercheuse. « Mais lorsque l’on a pas les ressources suffisantes, il faut rester, car ils sont au mauvais endroit au mauvais moment. » Dans ces cas-là, rejoindre un groupe extrémiste permet d’assurer ses arrières selon Magali Chelpi-den Hamer. 

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Par ailleurs, près de la moitié des personnes interrogées par le PNUD mentionnent un événement déclencheur spécifique les poussant à rejoindre ces groupes. Pour près de 71% d’entre eux, ce « point de basculement » est lié à des violations des droits humains, souvent commises par les forces de sécurité de l’État. « Le problème ne se trouve pas uniquement au niveau des forces de sécurité, qui ont commis un certain nombre de bavures qui sont bien documentées dans les médias, estime Thierry Vircoulon. Il y a surtout de plus en plus de milices communautaires. »

C’est au sein de ces écosystèmes de conflit que de nombreux groupes extrémistes violents ont été en mesure d’exercer leur influence.Nirina Kiplagat, conseillère régionale pour la consolidation de la paix

« L’insécurité est un facteur très important et nous constatons que les zones à haut risque ont tendance à être des zones qui se trouvent également dans des écosystèmes de conflit », détaille Nirina Kiplagat. « C’est au sein de ces écosystèmes de conflit que de nombreux groupes extrémistes violents ont été en mesure d’exercer leur influence », poursuit-elle. 

Derrière le djihadisme, il y a la faillite de la politique du développement.Thierry Vircoulon, chercheur associé à l'IFRI

Y a-t-il des solutions ? 

Si les raisons d’adhésion aux groupes extrémistes sont connus, existe-t-il des solutions pour s’en extraire ?  Thierry Vircoulon est pessimiste. « Pour lutter contre la pauvreté, on n’a pas tellement de solutions », regrette le chercheur. « Derrière le djihadisme, il y a la faillite de la politique du développement, poursuit le chercheur. Le développement du Sahel, c’est 60 ans d’échec. »

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De son côté, Magali Chelpi-den Hamer est plus optimiste. Elle évoque des « programmes de démobilisation et de réinsertion destinées aux personnes concernées, qui proposent de suivre une formation ou de monter une activité économique. » La chercheuse reconnaît toutefois une lacune à ces dispositifs. « Ils arrivent souvent plusieurs années après que les personnes concernées aient rendu les armes, précise-y-elle. En termes de timing, c’est rarement opportun. » Par ailleurs, « la question du financement représente toujours un noeud très difficile dans les sociétés qui se relèvent de la guerre et qui n’ont pas énormément d’argent, reconnaît Magali Chelpi-den Hamer. Toutefois, ils servent aussi de symboles forts d’apaisement. »