La cour d'appel d'Alger a prononcé son verdict ce mardi 1er juillet: l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal est condamné à cinq ans de prison ferme, comme en première instance.
L'écrivain franco-algérien a entamé une grève de la faim pour dénoncer les pression exercées en prison en Algérie.
La cour d'appel d'Alger a confirmé mardi le verdict de première instance en condamnant mardi l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal à cinq ans de prison ferme notamment pour "atteinte à l'unité nationale", selon un correspondant de l'AFP dans la salle.
Boualem Sansal avait été condamné le 27 mars à cinq ans de réclusion par le tribunal de Dar El Beida, près d'Alger, notamment pour des déclarations en octobre 2024 au média français d'extrême droite Frontières, où il estimait que l'Algérie avait hérité sous la colonisation française de territoires appartenant jusque-là au Maroc.
Maintenant qu'il y a eu condamnation, on peut imaginer que des mesures de grâce, notamment en fonction de la santé de notre compatriote, soient prises.
François Bayrou, Premier ministre français
Le procès en appel a eu lieu aussi bien à la demande de l'écrivain que du parquet qui a requis dix ans de prison et 1 million de dinars d'amendes (6600 euros), soit le double de la condamnation en première instance de Boualem Sansal.
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Boualem Sansal est emprisonné en Algérie depuis plus de sept mois et au coeur d'une grave brouille diplomatique entre Paris et Alger.
Le Premier ministre français François Bayrou a réagi en espérant "des mesures de grâce" présidentielle. "La situation que Boualem Sansal subit est une situation que tous les Français et le gouvernement français trouvent insupportable, à juste titre. Maintenant qu'il y a eu condamnation, on peut imaginer que des mesures de grâce, notamment en fonction de la santé de notre compatriote, soient prises", a déclaré le chef du gouvernement français en marge d'un déplacement au ministère de l'Intérieur sur la canicule.
Par ailleurs, Paris "regrette" la confirmation en appel de la condamnation en Algérie de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal à cinq ans de prison ferme, une décision que la diplomatie française a jugé mardi "à la fois incompréhensible et injustifiée".
"La France appelle les autorités algériennes à faire preuve d'un geste de clémence et à trouver une issue rapide, humanitaire et digne à la situation de notre compatriote, prenant en compte son état de santé et des considérations humanitaires. Notre souhait est qu’il puisse être libéré et soigné", affirme le Quai d'Orsay dans un communiqué.
L'écrivain, âgé de 80 ans et atteint d'un cancer de la prostate, selon ses proches, fait l'objet d'une âpre lutte diplomatique entre l'Algérie et la France depuis son arrestation à Alger le 16 novembre 2024.
Interrogé pendant son procès en appel sur sa déclaration sur les frontières, M. Sansal a répondu: "je ne fais pas que de la politique. Je m'exprime aussi sur l'histoire", invoquant le droit garanti par la Constitution "à la liberté d'expression".
"La France a créé les frontières (de l'Algérie colonisée à partir de 1830, NDLR) mais heureusement après l'indépendance (en 1962), l'Union africaine a décrété que ces frontières héritées de la colonisation étaient intangibles", a-t-il ajouté.
L'affaire Sansal a envenimé une brouille entre Paris et Alger déclenchée en juillet 2024 par la reconnaissance par la France d'un plan d'autonomie "sous souveraineté marocaine" pour le Sahara occidental, territoire que se disputent depuis 50 ans le Maroc et les indépendantistes du Polisario, soutenus par Alger.
Depuis, les deux pays traversent une crise diplomatique sans précédent, marquée par des expulsions de diplomates de part et d'autre, des restrictions pour les titulaires de visas diplomatiques et un gel de toutes les coopérations.
Le 6 mai, l'Assemblée nationale française a adopté une résolution appelant à la "libération immédiate" de l'écrivain, et à subordonner au respect des "engagements internationaux en matière de droits humains" toute "coopération renforcée" entre l'Algérie d'une part, la France et l'Europe de l'autre.
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Si en France, Boualem Sansal fait l'objet d'une intense campagne de soutien politique et médiatique, en Algérie, où il n'est pas très connu, peu de personnalités l'appuient.
Des prises de positions pro-israéliennes de l'écrivain rediffusées sur les réseaux sociaux lui ont valu l'hostilité d'une partie de l'opinion publique algérienne pour laquelle la cause palestinienne est sacrée.
Jusqu'à présent, les multiples demandes de libération ou d'une grâce du président algérien Abdelmajid Tebboune, "un geste d'humanité" réclamé par le président français Emmanuel Macron en personne, sont restées lettre morte.
Le célèbre écrivain Yasmina Khadra a plaidé début juin pour sa libération "le plus rapidement possible" lors d'une rencontre avec le président Tebboune. "J'ai fait mon devoir d'écrivain. S'il y a une petite chance, il faut la tenter", a-t-il dit.
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Certains proches de l'auteur ont émis l'espoir qu'il soit gracié à l'occasion du 5 juillet, marquant le 63e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie.
"Assez, c'est assez. Il faut maintenant que le pouvoir algérien comprenne que la France défend ses citoyens", avait déclaré la présidente du comité de soutien en France de l'écrivain, Noëlle Lenoir, à la radio Europe 1 mardi, avant l'annonce du verdict. Au comité de soutien, "nous sommes ulcérés par l'attitude du gouvernement algérien qui n'a rien à gagner ni sur le plan européen (...) ni vis-à-vis de la France", avait-elle ajouté.