Cette contre-campagne réjouit Abdou Semmar, figure de la blogosphère et opposant au régime. "L’effet boomerang est désastreux. Le pouvoir en place a complètement négligé le Web comme outil de propagande. Le régime appuie sa campagne sur le contrôle des grands médias traditionnels. Seulement un peu plus de 2,5 millions de personnes lisent régulièrement la presse, contre quelque 13 millions d’internautes", décrit le rédacteur en chef du journal en ligne indépendant,
Algérie Focus. Symbole de cette négligence, l’équipe de campagne du président algérien a tout simplement oublié d’acheter les noms de domaine correspondant à son candidat. La page
www.bouteflika2014.com abrite ainsi un faux site parodique où Cheb Khaled avoue son soutien à Bouteflika par "amour du whisky". Le compte twitter officiel de Bouteflika, pour sa part, semble en déshérence et ne compte que quelques dizaines d’abonnés. "Face à cette Algérie sclérosée, proche des années 1970, se dresse une autre Algérie, celle du peuple et des jeunes. Elle se retrouve dans la blogosphère, les réseaux sociaux, les plateformes de partage de vidéos," décrit Abdou Semmar. La blogosphère est apparue au moment des émeutes de janvier 2011 en Algérie, selon l’opposant. Le développement de cette contre-culture politique reste, en outre, nourrie par la démographie algérienne. "Plus de 70% des Algériens ont moins de 30 ans. Et la jeunesse est plus familière des nouvelles technologies. Elle s’est emparée de ces outils pour s’exprimer avec un génie propre à l’Algérie, celui de l’autodérision et de l’humour face à la tragédie", précise Abdou Semmar. Une telle liberté de ton, sous un régime autoritaire, peut surprendre. "L'Algérie a connu une parenthèse démocratique entre 1988 et 1991. Une forme de liberté d'expression est restée", analyse abdou Semmar. Sidali Kouidri Filali, 35 ans, porte parole du mouvement civil de contestation de l’élection présidentielle ‘Barakat’ ("Ça suffit"), abonde dans le même sens : "Beaucoup de jeunes se méfient des médias contrôlés par le pouvoir. L’information se trouve sur le Web et elle peut être faite par les internautes. La première preuve tangible du bourrage des urnes par le régime a été fournie par la vidéo d’un jeune électeur lors des dernières législatives." Le jeune opposant met surtout en exergue le potentiel de mobilisation des réseaux sociaux : "En quelques clics, un appel à manifester peut être lancé. Nous n’étions que cinq lors de notre premier rassemblement, puis 30 au moment des premières arrestations. Aujourd'hui, plus de 30 000 personnes nous suivent sur
Facebook. Le pouvoir en place a voulu nous coller l’image d’un mouvement civil essentiellement composé de membres issus de l’élite d’Alger. Facebook nous a fait sortir de l’anonymat et nous touchons aussi les citoyens hors d’Alger. Des manifestations ont lieu chaque jour dans plusieurs ville du pays", explique le blogueur.