
Fil d'Ariane
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- Algérie : des incertitudes par-delà les frontières...
C'est le plus grand pays d'Afrique. Son armée est la seconde d'Afrique du Nord. Le séisme politique que traverse aujourd'hui l'Algérie et les perspectives qu'il ouvre pourraient remettre à plat un certain nombre de dossiers régionaux. A commencer par les relations exécrables entre Alger et son voisin marocain. "Le contentieux porte sur trois dossiers, rappelle Khadija Mohsen-Finan. A l'origine, il y a le dossier des frontières et les promesses faites par Ferhat Abbas en 1961 qui n'ont pas été honorées sur la question de l'Est du Maroc. Vient ensuite un contentieux de régime qui va, par la force des choses, évoluer car le régime ne sera plus le même en Algérie et qu'il n'y aura plus cette crispation sur l'histoire et tout ce carcan post-indépendances".
Mais, derrière ces deux premiers sujets de discorde s'en est cristallisé un troisième : le Sahara occidental. "Jusqu'à présent, explique la chercheuse, on est dans le vrai quand on affirme que l'Algérie bloquait et voulait affaiblir le Maroc. Mais qui, en Algérie, agissait ainsi ? C'est l'armée ! Ce n'est pas Bouteflika, c'est l'armée ! Aujourd'hui, les Marocains sont en droit d'espérer que le Sahara pourrait leur être donné. La modification profonde du régime pourrait être faborable aux thèses marocaines. Leur espoir est d'autant plus grand qu'à la tête de l'Union africaine, il y a actuellement Abdel Fattah al-Sissi qui est favorable au Maroc. L'Union européenne ne serait pas contre non plus . Rabat surveille certainement cela de très près".
Le règlement de ces contentieux politiques pourrait aussi débloquer certaines incongruités dans les relations commerciales entre les deux pays : "Le Maroc va-t-il à présent acheter directement son gaz algérien sans passer par l'Espagne ? questionne Khadija Mohsen-Fina. Le Maroc va-t-il acheter le phosphate algérien sans passer par la Chine ? Va-t-on sortir de ces aberrations ?" Mais "sur ce dossier, conclut la chercheuse, le règlement dépendra de 'qui va gouverner ?' J'ai le sentiment qu'on s'achemine vers une décrispation au profit d'une équipe qui mettra la priorité sur la région, la coopération, la complémentarité économique et sécuritaire. Mais c'est un idéal !"
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Déchirée par les combats entre deux factions rivales, la Libye. "Un changement de régime en Algérie peut avoir une incidence sur le contrôle des frontières entre la Tunisie et la Libye et entre l'Algérie et la Libye, estime Khadija Mohsen-Finan. Cela peut avoir d'importantes conséquences sécuritaires sur le contrôle de l'Etat islamique et Aqmi. Le renseignement algérien était très puissant dans la lutte pour la sécurité et contre les deux grands groupes terroristes. Un changement de régime et un repli sur des préoccupations internes peut modifier la donne au niveau de la géopolitique régionale et de la sécurité".
Ce même repli peut avoir des incidences sur le rôle de l'Algérie dans la crise sécuritaire au Sahel, même si "l'aide de l'Algérie n'est pas énorme mais elle prend la forme notamment d'un survol des frontières. L'Algérie est dotée d'une armée disproportionnée et d'un renseignement très important", souligne Khadija Mohsen-Finan. Néanmoins, "les vieilles traditions liées au souverainisme et aux principes de non-ingérence risquent de tomber avec une armée qui se modifie et part sur de nouvelles bases". De là à imaginer une participation de l'Algérie au G5 Sahel.
Enfin, à défaut de conflit, s'il est un bras de fer persistant qu'il sera intéressant de surveiller, c'est celui entretenu depuis près de 60 ans entre Alger et Paris. "Cela ne peut qu'évoluer, estime Khadija Mohsen-Finan. Bouteflika est le dernier de la famille FLN avec cette légitimité née de la lutte contre le colonisateur français. Aujourd'hui, avec les nouvelles générations, les préoccupations vont être différentes. On ne sera probablement plus dans des rapports conflictuels. Cette nécessité d'entretenir ces rapports conflictuels pour cultiver un nationalisme était anachronique et va probablement être désuet".