Fil d'Ariane
Interpellé le 7 mars alors qu’il couvre une marche à Alger, Khaled Drareni est maintenu en garde à vue trois jours durant avant d’être présenté devant le procureur du tribunal de Sid M’Hamed.
Il est inculpé d’ incitation à "attroupement non armé". Et plus grave encore, d'"atteinte à l’unité nationale". Il est alors placé sous contrôle judiciaire.
Mercredi 25 mars, la Cour d’Alger annule le contrôle judiciaire et prononce le mandat de dépôt. Quatre jours plus tard, Khaled est arrêté à son domicile par la police. D’abord détenu à El-Harrach, en proche banlieue d’Alger, où dorment depuis l’an dernier nombre d’oligarques déchus, il est finalement conduit à la prison de Koléa, dans la wilaya mitoyenne de Tipaza.
Ses parents et ses avocats ne l’ont su qu’après son transfert. Il y rejoint d’autres détenus d’opinion, dont Karim Tabbou, une des figures du Hirak.
L’injustice que subit mon fils est d’autant plus insupportable qu’elle s’accompagne d’une campagne odieuse qui est orchestrée contre lui pour mettre en doute son patriotisme.Sid-Ahmed Drareni, le père de Khaled Drareni, extrait de sa lettre ouverte au président algérien Abdelmadjid Tebboune
Le moment d’incrédulité passé -le pays est alors au plus fort de la « guerre » contre le coronavirus-, l’arrestation de Khaled Drareni suscite une ample vague d’indignation, parmi ses confrères en Algérie et à l’étranger.
Et d’abord en France, où il collabore à divers médias dont TV5MONDE. Reporters sans frontières (RSF), dont il est le correspondant attitré, proteste contre la détention du reporter et les entraves, en dépit des promesses du gouvernement, à la liberté d’informer. Khaled Drareni est en effet le quatrième journaliste détenu en Algérie après Saïd Boudour, Sofiane Merakchi et Abdesami Abdelhai, sous les verrous, eux, depuis plusieurs mois.
« L’injustice que subit mon fils est d’autant plus insupportable qu’elle s’accompagne d’une campagne odieuse qui est orchestrée contre lui pour mettre en doute son patriotisme », s’indigne le père de Khaled, dans une lettre ouverte adressée au président Abdelmadjid Tebboune. « Khaled a toujours fait son travail de journaliste en professionnel. Et en patriote », plaide Sid-Ahmed Drareni, qui rappelle, au passage, son passé de « moudjahid », vétéran de la guerre d’indépendance. En Algérie, le chantage au patriotisme reste une fibre sensible. Quoiqu’usé jusqu’à la corde, cet expédient n’en reste pas moins infamant.
Il n’empêche. Le fils d’un « martyr » de la guerre d’indépendance, un authentique héros national algérien, Pierre Audin, fils de Josette et Maurice Audin, ne tarde pas à lancer un solennel « Libérez Khaled Drareni », dans les colonnes du quotidien l’Humanité.
« Le pouvoir algérien, déplore le fils du militant communiste du FLN supplicié par les paras français, ne supporte pas ce qui lui échappe. C’est aussi pourquoi le peuple algérien ne supporte plus ce système ». Cet appel a dû réconforter notre confrère, lequel a si souvent couvert le Hirak depuis la justement bien-nommée place… Maurice-Audin, en plein centre d’Alger.
Un autre appel, émanant d’une douzaine d’ONG nationales et internationales, dénonce avec force le harcèlement judiciaire des journalistes, au mépris de l’article 50 de la Constitution, et exhorte le pouvoir algérien à libérer sans tarder
Khaled Drareni, arbitrairement détenu.