Algérie : l'affaire Amira Bouraoui ravive des tensions entre Paris et Alger

L'Algérie a rappelé le 8 février "pour consultations" son ambassadeur en France pour protester contre "l'exfiltration illégale" présumée d'Amira Bouraoui. Comment en est-on arrivé là ? Sur le plateau de TV5 MONDE la militante franco-algérienne donne sa version des faits. 
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Amira Bouraoui sur le plateau de TV5MONDE le 9 février 2023.
Amira Bouraoui sur le plateau de TV5MONDE le 9 février 2023.
capture d'écran TV5MONDE
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La militante politique et journaliste Amira Bouraoui fait l’objet d’une interdiction de sortie du territoire en Algérie. Elle est à Tunis quand elle s’apprête à prendre un avion pour la France munie de son passeport français et qu'elle se fait arrêter par la police tunisienne le 3 février. Comment a-t-elle pu quitter l'Algérie ?

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"J'ai traversé tout simplement les frontières en voiture. Personne ne m'a aidé pour ça" explique-t-elle. 

Arrêtée à l'aéroport, elle est placée en détention provisoire par une juge tunisienne. C’est grâce à une intervention du consul de France en Tunisie qu’elle peut finalement embarquer lundi 6 février au soir sur un vol à destination de la France. Une action immédiatement condamnée par Alger qui parle d'une "exfiltration clandestine et illégale."

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La militante franco-algérienne faisait l'objet d'une interdiction de sortie du territoire en Algérie. Elle a été condamné à deux ans de prison ferme pour offense à l'Islam et pour atteinte à la personne du président de la République, le 4 mai 2020.

Quitter Alger

Tout commence le 12 novembre 2021, alors que l’interdiction de quitter le territoire algérien n’est pas encore émise par la justice. Amira Bouraoui est à l'aéroport d'Alger pour prendre un vol pour Paris. Un agent de la police des frontières la somme de rentrer chez elle. Elle écrit au procureur de la République pour lui demander que cette interdiction soit tout simplement levée.
 
Je n'ai corrompu personne, je suis tout simplement passée et ça a marché.
Amira Bouraoui
Sans réponse, elle essaye à plusieurs reprises de partir vers la France, jusqu’en septembre dernier. "Cela faisait des années quand même que j'étais sous pression, que j'avais énormément de procès, qui sonnaient comme une sorte d'épée de Damoclès" explique-t-elle.

Amira Bouraoui décide alors d’entamer sa cavale en voiture. "Je suis passé par le poste des frontières qui s'appelle Homet Bull" explique la militante. "Je tiens à préciser, aucun fonctionnaire de la police des frontières ne m'a aidé pour ça. Je n'ai corrompu personne, je suis tout simplement passée et ça a marché."

Un début de cavale en Tunisie 

Une fois arrivée en Tunisie, elle décide d’acheter un billet Tunis-Paris avec son passeport français. Mais arrivée à l’aéroport, elle est arrêtée par la douane. "Je n'avais pas de preuves de comment j'étais rentré en Tunisie, chose que je comprenais, explique la militante. J'étais prête à purger ma peine en Tunisie, en espérant qu'on me donne à un moment l'ordre de quitter le territoire. Cela m'aurait permis de prendre un billet d'avion."

La juge la remet en liberté et lui annonce qu’elle va statuer sur son cas le 23 février prochain. 

Mais en sortant du tribunal, Amira Bouraoui affirme avoir été kidnappée. "Deux agents m'ont repris mon passeport et j'ai été emmené et enfermé au niveau de la Direction générale de la police des frontières. Cette séquestration a duré pendant des heures, alors que je venais à peine de sortir des trois jours de détention."

Elle risque d'être extradée vers l'Algérie ou elle a déjà été par le passé condamnée à de la prison ferme.

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"Mon avocat avait vu que j'avais été kidnappée parce qu'il était présent face à la juge. Et là, le Consul de France à Tunis est intervenu pour me libérer."

Son avocat français François Zimeray, ancien ambassadeur de France au Danemark  dénonce : "Ma cliente a fait l'objet d'une tentative d'enlèvement et de séquestration de la part de certaines autorités dépositaires de la force publique en Tunisie, à la demande des autorités algériennes". Il menace de déposer plainte pour "enlèvement-séquestration" si elle n'est pas immédiatement libérée. 

Pour une responsable du bureau de l'ONG Human Rights Watch à Tunis, saisi de l'affaire, il ne faut "en aucun cas" renvoyer Amira Bouraoui "vers un pays où elle a été emprisonnée et fait l'objet d'une série de poursuites pour son militantisme pacifique et ses opinions".

Retrouver son fils en France

Amira Bouraoui, médecin de formation âgée de 46 ans, s'est fait connaître en 2014 avec son engagement dans le mouvement "Barakat" qui a mené une campagne contre le quatrième mandat du président défunt, Abdelaziz Bouteflika.

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Elle a tenté plusieurs fois de quitter l'Algérie ces derniers mois pour rendre visite à son fils établi en France, mais en vain, selon le site du média algérien radio M où elle animait depuis septembre une émission politique.

Amira Bouraoui remercie "tout ceux qui ont fait en sorte qu'(elle) ne (se) retrouve pas une autre fois derrière les barreaux", sur sa page Facebook, citant les ONG Amnesty International et Human Rights Watch (HRW), les journalistes et les personnels consulaires de l'ambassade de France en Tunisie.

Elle assure que son départ pour la France n'est pas "un exil" et qu'elle sera "de retour très vite" en Algérie.