Fil d'Ariane
Aux premières loges, les presses écrites marocaine et tunisienne se sentent concernées par les événements en Algérie.
"On ne se mêle pas de ce qui ne nous regarde pas. Loin de là. L'Algérie, ça nous regarde. C'est ce pays voisin et frère", précise l'édito de Liberation, au Maroc. Il condamne sans appel le scénario d'un 5ème mandat du président Abdelaziz Bouteflika : "la triste mascarade a trop duré. Il est grand temps de mettre fin à ce pitoyable cirque. L'Algérie mérite mieux, beaucoup mieux que cette image ridicule que certains ethnarques servent au monde. Qu'on laisse cet homme, autrefois fort, se retirer en douce pour partir en paix".
Une prise de position qui tranche avec Le Matin de Casablanca, proche du pouvoir, qui reprend des dépêches de l'agence officielle MAP mais relève qu'"en Algérie, tout porte à croire que le vent du changement a soufflé. [...] les imposantes marches de vendredi et dimanche derniers [22 et 24 février] ont montré la voie à tous les Algériens et surtout brisé le mur de la peur."
En Tunisie, un éditorialiste de L'Économiste Maghrébin observe avec appréhension les péripéties de son voisin. " 'Quand l'Algérie éternue, le Maghreb s'embrouille', dit un observateur. Dans la situation actuelle, une déstabilisation algérienne remettrait en cause les équilibres fondateurs de l'aire arabe. Qu'on y prenne garde ! Pour la sauvegarde du pays frère, du voisinage immédiat et de l'ensemble euro-méditerranéen."
"Aux larmes , Algériens ! " titre l'édito de La Presse. Ce quotidien national tunisien, estime que "plus rien ne peut arrêter ces âmes libérées de l'omerta et cette grogne populaire, même pas une grenade lacrymogène !"
Mais au-delà du cercle maghrébin, les presses francophones d'Afrique subsaharienne brillent par leur silence. Le quotidien gouvernemental sénégalais Le Soleil est totalement absent. Son homologue ivoirien Fraternité Matin s'est enfin décidé, le 7 mars, à rapporter en bref la manifestation des avocats algériens. Mis à part quelques dépêches ou brèves, aucun éditorialiste n'exprime la moindre opinion. Même constat dans la presse francophone d'Afrique centrale ou de Madagascar dans l'Océan Indien.
Au sud de la bande sahélo-saharienne, la presse du Burkina Faso sort du lot. Commentant les défections de certains soutiens de Bouteflika, L'Observateur Paalga se range du côté des manifestants. "Une chose est sûre : même les citadelles les plus inexpugnables peuvent se prendre de l'intérieur. Et il faut espérer que des désertions comme celles que viennent d'effectuer les anciens combattants vont se multiplier et obliger le grabataire de la Zéralda à renoncer à ce qui pourrait être le mandat de trop".
Dans ce contexte, le vice-ministre de la Défense algérien, le général Gaïd Galah, agite "l'épouvantail d'une nouvelle guerre civile, c'est une forme de chantage que fait l'armée qui se pose en garante de la stabilité et de la sécurité de l'Algérie", selon le journal ouagalais.
Le Pays relève lui la prise de position franche des Etats-Unis en soutien "au peuple algérien et son droit à manifester pacifiquement" qui contraste avec la position de la France, "confinée dans l'équilibrisme et la réserve".
Pour le journal burkinabé, "plus assourdissant est cependant le mutisme du continent africain. L'Union Africaine semble avoir perdu la langue. Ce silence est condamnable car l'organisation panafricaine manque, comme à l'accoutumée, un rendez-vous crucial, celui de se montrer proche des peuples africains. Elle confirme ainsi qu'elle est un syndicat des chefs d'Etat africains".