Fil d'Ariane
Trois ans de prison ferme. Le verdict a été rendu dans le courant de la matinée par le tribunal de Sid M'hamed à Alger.
Sous le coup des mêmes chefs d'accusation, les deux coaccusés de Khaled Drareni, Samir Benlarbi et Slimane Hamitouche, deux figures du "Hirak", ont quant à eux écopé chacun de deux ans de prison, dont quatre mois ferme.
Ayant déjà purgé la durée de leur peine en détention, ils ne retourneront pas en prison. Khaled Drareni, lui, était en détention provisoire depuis fin mars.
"C'est un verdict très lourd pour Khaled Drareni. Trois ans ferme. On est surpris. Le dossier est vide", a déclaré à l'Agence France-Presse Maître Nouredine Benissad, un avocat du collectif de défensede Khaled Drareni qui a l'intention de faire appel.
"Les poursuites étaient infondées. Cela relève du travail de journaliste", a estimé Maître Benissad, qui préside également la Ligue algérienne des droits de l'Homme (LADDH).
Voici le communiqué de presse in extenso de TV5MONDE :
"Le correspondant de TV5MONDE en Algérie, Khaled Drareni, en détention provisoire depuis fin mars, a été condamné aujourd’hui, lundi 10 août, à 3 ans de prison ferme pour « incitation à attroupement non armé » et « atteinte à l’unité nationale » après avoir couvert les manifestations du « Hirak », le mouvement de contestation initialement opposé à un cinquième mandat d'Adbdelaziz Bouteflika et à la corruption.
La condamnation à trois ans de prison ferme du journaliste algérien et correspondant de Reporters sans frontières (RSF) en Algérie, relève "clairement d'une persécution judiciaire", a fustigé le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire.
Cette décision d'une "justice aux ordres" "soulève le cœur et l’esprit par son caractère arbitraire, absurde et violent", a écrit M. Deloire sur son compte Twitter.
Il s’agit clairement d’une persécution judiciaire contre un journaliste qui est l’honneur de son pays. Une justice aux ordres vient de faire de Khaled Drareni un symbole qui va susciter une indignation et une mobilisation mondiales. #FreeKhaled #Freekhaleddrareni pic.twitter.com/QqK334bzYj
— Christophe Deloire (@cdeloire) August 10, 2020
Pour Souhaieb Khayati, directeur de RSF en Afrique du Nord, à travers Khaled Drareni, "c'est la presse libre et indépendante qui est visée". Khaled est devenu lui-même le symbole de cette presse "libre et indépendante" :
Le procureur du tribunal de Sid M'hamed avait requis quatre ans de prison ferme et une lourde amende à l'encontre des trois accusés, ainsi que la privation de leurs droits civiques, a-t-on appris de source judiciaire lundi 3 août.
Âgé de 40 ans, M. Drareni dirige le site d'information en ligne Casbah Tribune et travaille comme correspondant en Algérie de la chaîne de télévision française Tv5MONDE et de RSF. Il est accusé "d'incitation à un attroupement non armé" et d'atteinte à l'unité nationale" après avoir couvert le 7 mars à Alger une manifestation du "Hirak", le soulèvement populaire qui a secoué l'Algérie pendant plus d'un an jusqu'à sa suspension il y a quelques mois en raison de l'épidémie de Covid-19.
Au cours de cette audience, Khlaed Drareni avait rejeté les accusations, assurant n'avoir fait que son "travail en tant que journaliste indépendant", selon un reporter sur place. M. Drareni était jugé en compagnie de deux figures du "Hirak", Samir Benlarbi et Slimane Hamitouche, également arrêtés le 7 mars à Alger, qui eux étaient présents dans la salle du tribunal.
Plusieurs ONG de défense des droits humains et de la liberté de la presse, algériennes et internationales, ont exhorté ces derniers mois les autorités à libérer Khaled Drareni et à mettre fin au "harcèlement ciblé des médias indépendants".
"Il faut libérer Khaled Drareni, par fidélité aux idéaux de l'indépendance algérienne", avaient écrit Pierre Audin, fils du militant anticolonial Maurice Audin, et le secrétaire général de RSF Christophe Deloire, dans une tribune publiée jeudi 30 juillet par le quotidien Le Monde.
La justice algérienne a multiplié les poursuites judiciaires et les condamnations de militants du "Hirak", d'opposants politiques, de journalistes et de blogueurs.
L'Algérie figure à la 146e place (sur 180) du classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF. Elle a dégringolé de 27 places par rapport à 2015 (119e).