Il est le correspondant à Alger de TV5MONDE mais aussi de l'ONG Reporters sans frontières. Khaled Drareni est en prison depuis près de deux mois. Ce mercredi 27 mai, la justice a rejeté sa demande de libération. Plusieurs ONG de défense des droits humains dénoncent une répression accrue contre la presse et l'opposition.
Deux mois. Voilà deux mois que Khaled Drareni attend son procès dans une cellule de la prison de Kolea à l'ouest d'Alger, la capitale. Le 27 mars, le journaliste, correspondant notamment de TV5MONDE, est arrêté pour la deuxième fois et placé en détention préventive deux jours plus tard.
La justice l'accuse "d'incitation à un attroupement non armé et d'atteinte à l'intégrité du territoire national". Khaled Drareni a, en fait, couvert quelques semaines plus tôt à Alger une nouvelle manifestation du Hirak, le mouvement de protestation né un an plus tôt pour protester contre la perspective d'un cinquième mandat du président Bouteflika et dont les revendications se sont élargies, réclamant "la fin du système".
Pour les défenseurs du journaliste, rien ne justifie cette arrestation et, a fortiori, cette détention. "Khaled Drareni n'a pas commis un seul délit dans le code pénal algérien. C'est un journaliste qui faisait son travail", explique Me Mustapha Bouchachi, l'un de ses avocats cité par l'AFP, ajoutant que "les conditions pour mettre quelqu'un en prison ne sont pas réunies (...) je considère que la loi n'est pas respectée par le système judiciaire en Algérie".
Plusieurs organisations de défense des droits humains et de la liberté de la presse ont aussi réclamé la libération du journaliste. Sans succès jusque là. Ce mercredi 27 mai, la chambre d’accusation de la cour d’Alger a confirmé le rejet de sa demande de libération provisoire.
Plusieurs détentions en Algérie
Khaled Drareni reste donc en prison. Et s’il est un détenu emblématique, il n’est pas un cas isolé. Depuis le début de la pandémie de Covid-19, les manifestations se sont arrêtées dans le pays.
Mais la répression, elle, se poursuit, selon
Amnesty International. Le 27 avril, l'ONG estimait, par la voix de Heba Morayef, directrice du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient, qu'"
à un moment où tous les regards, au niveau national et international, scrutent la gestion de la pandémie de Covid-19, les autorités algériennes consacrent du temps à accélérer les poursuites et les procès contre des militants, des journalistes et des partisans du mouvement du Hirak".
29 journalistes de 14 pays appellent à la libération du journaliste algérien Khaled Drareni dans cette vidéo d'Amnesty International Algérie :
Le Comité national pour la libération des détenus (CNLD) estime que 50 détenus d’opinion et politiques se trouvent actuellement dans les prisons algériennes. Ce mercredi 27 mai, alors que le maintien en détention de Khaled Drareni était décidé, l’activiste Hicham Sahraoui était, lui, condamné à un an de prison, dont six mois ferme par le tribunal de Ain Témouchent dans l’ouest du pays, pour "
outrage à un corps constitué et atteinte à la personne du président de la République". Lors de son procès, le parquet avait requis 9 ans de prison ferme.
Dernière illustration de la grande sensibilité du pouvoir algérien quand il est question du
Hirak et de la parole des opposants ; ce mercredi 27 mai, il a rappelé son ambassadeur à Paris après la diffusion, sur deux chaînes publiques françaises, de documentaires consacrés à la contestation.
Le Hirak, une "parenthèse" ?
L'Agence France-Presse, quant à elle, relève dans
le Quotidien d'Oran les mots du journaliste Akram Belkaïd pour qualifier le climat actuel : "
Des journalistes et des militants pour la démocratie sont enfermés sous des motifs aussi divers que variés, écrit-il,
alors qu'en réalité, c'est juste l'expression d'opinions pacifiques qui leur vaut châtiment (...) Ces initiatives liberticides relèvent du même objectif qui est de faire taire les Algériens et de leur signifier que les cinquante-six semaines du Hirak n'étaient qu'une parenthèse".