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@TV5MONDE / Commentaire : K.G. Barzegar - Montage : A. Roux
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Algérie : le Premier ministre Abdelmadjid Tebboune limogé

Le Premier ministre algérien Abdelmadjid Tebboune a été démis de ses fonctions, ce mardi 15 août 2017, à peine trois mois après sa nomination à la tête du gouvernement. Selon des sources gouvernementales, sa vision "ne cadrait pas avec la vision du président" Abdelaziz Bouteflika.
 
Le Premier ministre algérien Abdelmadjid Tebboune, a été démis mardi de ses fonctions, à son retour de vacances , a annoncé la présidence, citée par les médias officiels.

"Le Président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a mis fin aux fonctions du Premier ministre Abdelmadjid Tebboune et a nommé Ahmed Ouyahia", jusqu'ici chef de cabinet du chef de l'Etat, a précisé la présidence dans un communiqué reproduit par l'agence APS. 

"La vision du Premier ministre ne cadrait pas avec la vision du président", a expliqué à l'AFP une source gouvernementale ayant requis l'anonymat, faisant également état de problèmes de "communication" entre les deux hommes.

Le "recadrage" de Tebboune par la présidence

Abdelmadjid Tebboune avait été nommé Premier ministre le 24 mai, dans la foulée des élections législatives du 4 mai en Algérie, remportée par le Front de libération nationale (FLN) de M. Bouteflika, parti au pouvoir depuis l'indépendance du pays en 1962.  A la surprise générale, il avait remplacé à la tête du gouvernement - dans lequel il était ministre de l'Habitat - Abdelmalek Sellal, considéré comme l'homme de confiance du chef de l'Etat.

Les médias privés algériens s'étaient fait l'écho ces derniers jours d'une "sévère" lettre de "recadrage" adressée par M. Bouteflika à son Premier ministre, critiquant notamment ses récentes mesures limitant les importations de nombreux produits. Selon la chaîne privée Ennahar TV, le chef de l’État avait notamment adressé des instructions "urgentes" au gouvernement pour lui demander notamment de "mettre fin à l’anarchie née des dernières initiatives" prises par l’Exécutif, en allusion aux mesures sur les importations.

En cause, l'opération "mains propres" lancée à l'initiative du Premier ministre et son gouvernement : elle visait à "assainir le commerce extérieur des pratiques anormales (...) afin d’atteindre l’objectif qui consiste à la réduction davantage de la facture d’importation", selon une note de la Direction des douanes (DGD) rendue publique par des médias algériens. Cette gestion des importations et de l'investissement a déplu aux importateurs et au pouvoir algériens.

En coulisses, son limogeage traduit une lutte des clans et une guerre des tranchées entre les différentes factions politiques algériennes.

Tebboune, victime de son opération "mains propres"?

En limogeant Abdelmadjid Tebboune, Abdelaziz Bouteflika se sépare donc d'un homme nommé il y a trois mois et qui jouït d'une grande popularité grâce notamment à sa croisade contre les "forces de l’argent" , l'une de ses axes de campagne électorale

Selon le politologue Rachid Tlemçani cité par l'AFP, Abdelmadjid Tebboune "a essayé de toucher aux intérêts de certains oligarques qui appartiennent au clan présidentiel" et a été victime d'une "lutte des clans" à la tête de l'Etat. Pour le média en ligne Algérie Focus, "Abdelmadjid Tebboune paie sa croisade contre les hommes d’affaires proches du cercle présidentielle".

Ces luttes de clans et d'intérêts politico-financières semblent aggravés par la vacance au sommet de l'Etat, du fait de l'état de santé du président Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis 18 ans. Interrogé ce mardi 15 août par le média algérien TSA, le Premier ministre limogé Abdelmadjid Tebboune, a déclaré : "ma fidélité au président reste entière", sans  faire d'autres commentaires.

Ahmed Ouyahia, un des hommes forts du régime

Ahmed Ouyahia, nouveau Premier ministre algérien
Ahmed Ouyahia, lors d'un rassemblement électoral à Alger, en mai 2012
©AP Photo / Paul Schemm
Abdelmadjid Tebboune, 71 ans, laisse sa place à Ahmed Ouyahia, directeur de cabinet du président Abdelaziz Bouteflika avec rang de ministre d'Etat et considéré comme l'un des hommes forts du régime algérien. Il est également le patron du Rassemblement national démocratique (RND), deuxième parti d'Algérie et allié crucial du Front de libération nationale (FLN) de M. Bouteflika.​

Homme du sérail depuis l'ère du président algérien Liamine Zeroual ( présidence de 1994-1999), Ahmed Ouyahia a déjà occupé à plusieurs reprises le poste de Premier ministre, de 1995 à 1998, de 2003 à 2006, puis de 2008 à 2012. Il occupait le poste de chef de cabinet du président depuis mai 2014.

Début août, des déclarations hostiles aux migrants d'Ahmed Ouyahia avaient suscité l'indignation des défenseurs des droits de l'Homme en Algérie qui avaient qualifié ses propos de "scandaleux" et "dignes de l'extrême-droite européenne".  "Ces étrangers en séjour irrégulier amènent le crime, la drogue et plusieurs autres fléaux", avait-il déclaré samedi 8 août 2017 à la chaîne privée Ennahar. "Ces gens-là sont venus de manière illégale (...) On ne dit pas aux autorités 'jetez ces migrants à la mer ou au-delà des déserts', mais le séjour en Algérie doit obéir à des règles", avait ajouté M. Ouyahia.

Anarchie au sommet de l'Etat?

Ce mardi, sa nomination a été saluée par son parti, le RND : "ce changement est salutaire dès lors que la démarche de son prédécesseur a atteint très vite ses limites", a déclaré Seddik Chihab, porte-parole du RND au média algérien TSA. "Pour ce qui est du poste, il le connaît très bien pour l’avoir occupé à plusieurs reprises. Il connait les difficultés auxquelles il doit faire face. Il connaît très bien la situation du pays."

Une opinion qui n'est guère partagée par ses adversaires politiques et dirigeants des partis d'opposition algériens qui dénoncent une mascarade au sommet de l'Etat. Cela "témoigne de l’anarchie généralisée qui règne au sommet de l’Etat. (...) Ahmed Ouyahia est connu comme étant un serviteur zélé du régime et l’homme des sales besognes", fustige Yassine Aissaouene, chargé de communication du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), interrogé par TSA.

Pour Ahmed Adimi, chargé de communication de Talaie el Houreyat, également cité par TSA, "ça ne se passe qu’en Algérie : on dégomme un Premier ministre trois mois après sa nomination. (...) Aujourd’hui est le temps de se poser la question qui nomine les ministres et qui les dégomme ? On le sait plus."