Fil d'Ariane
Les cinq candidats à l’élection présidentielle du 12 décembre en Algérie ont participé vendredi soir, à un débat télévisé inédit, mais sont restés sur des généralités. Le même jour, une foule immense a encore manifesté dans les rues de la capitale.
Pour la première fois dans l’histoire du pays, un débat télévisé réunissant les cinq candidats à la présidentielle a eu lieu vendredi 6 décembre, en Algérie.
Le format, très contrôlé, n’a pas favorisé les échanges constructifs entre les candidats, qui se sont contentés de défendre leurs programmes respectifs en restant sur des généralités.
D'abord interrogés par des journalistes sur les questions politiques, notamment sur les pratiques qui ont conduit à une crise sans précédent, les candidats se sont contentés de répondre par des lieux communs. Chaque prétendant, debout derrière un pupitre transparent, devait répondre à son tour en deux minutes chrono aux questions des journalistes.
Tous les candidats se sont proclamés, sans convaincre, proches du "Hirak", le mouvement de contestation qui secoue l'Algérie depuis le 22 février et qui rejette massivement le scrutin présidentiel.
Pendant trois heures, les cinq prétendants, Ali Benflis, Abdelmajid Tebboune, Azzedine Mihoubi, Abdelaziz Belaid et Abdelkader Bengrina -- ont utilisé leurs deux minutes strictement chronométrées pour répliquer à 13 questions relatives notamment à la situation politique, économique et sociale du pays.
Quatre journalistes étaient chargés de poser les questions: deux de la télévision (un pour la télévision publique, l'autre pour les chaînes privées) et deux pour la presse écrite, un homme et une femme de journaux privés.
Ils ont terminé en fin de soirée par un plaidoyer de trois minutes sur les aspirations du peuple algérien. Mais là encore, ils sont restés dans des généralités.
Si le ton est resté très courtois, il n'y a eu aucun débat contradictoire entre les cinq hommes, ni d'échanges directs entre eux, comme beaucoup de téléspectateurs l'espéraient. Le panel a répondu très sagement devant un auditoire tout aussi sage dans la salle.
"On est d'accord que ce n'est pas un débat. Mais une prise de parole successive des candidats sur un plateau de télévision sur le même sujet", a relevé une internaute sur Twitter, tout en soulignant qu'il s'agissait d'une "nouveauté" pour l'Algérie.
Organisé par l’Autorité nationale indépendante des élections (Anie), ce premier débat présidentiel télévisé dans l'Histoire de l'Algérie, est retransmis en direct par les chaînes de télévisions publiques et privées ainsi que la radio nationale.
Il a lieu 48 heures avant la fin d'une campagne électorale marquée par les manifestations de protestation du "Hirak". Ainsi, les candidats ont dû tenir leurs meetings électoraux sous forte protection policière.
Selon l'ONG Munathara, basée à Tunis, qui organise des débats dans le monde arabe, celui-ci "ne répond pas aux normes internationales de transparence et d'indépendance vis-à-vis de l'Etat".
"Les autorités électorales ne devraient pas organiser de débats. Elles devraient organiser des élections", regrette Belabbes Benkredda, fondateur et président de Munathara, rappelant les récentes arrestations de journalistes dans le pays.
Les opposants à la tenue du scrutin reprochent aux candidats d'avoir fait partie, à un moment ou à un autre, de l'entourage de l'ex-président Abdelaziz Bouteflika, contraint à la démission le 2 avril après 20 ans de présidence.
Vendredi, une foule immense a encore défilé à Alger contre le pouvoir, rejetant massivement ce scrutin que le régime persiste à vouloir organiser.
Pour les contestataires, les cinq candidats à la présidentielle sont tous des "enfants du système".
Aucun sondage public n'est disponible pour évaluer la possible participation au scrutin, mais l'abstention, longtemps vue comme l'unique voie de contestation d'un régime figé, était déjà forte lors des précédentes élections.