Algérie : les manifestants réclament une "nouvelle indépendance"

Ils sont des milliers à manifester dans les rues d'Alger pour le 37ème vendredi consécutif. Une date qui coïncide avec les 65 ans du début de la lutte armée contre le colonisateur français.
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Algérie manifestations pour une nouvelle indépendance
Alger, le 1er novembre 2019
©AP/Fateh Guidoum
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Le 1er novembre 1954, le Front de libération nationale (FLN) tout juste créé déclenchait la "Révolution algérienne" et la lutte armée pour l'indépendance, avec une série d'attentats simultanés sur le territoire algérien. Décrété "Fête de la Révolution", le 1er novembre est férié en Algérie.

"Les aînés ont combattu la France, nous on combat le système mafieux qui a confisqué notre indépendance", a déclaré à l'AFP M'hand, retraité de 63 ans, parti à 05H00 du matin de Boumerdès, à une quarantaine de km à l'est d'Alger, pour rejoindre la capitale. Comme lui, de nombreux Algériens venus d'autres régions ont fait le voyage jusqu'à Alger pour manifester. Et ce malgré les nombreux points de contrôle de gendarmerie qui provoquent d'importants embouteillages aux entrées de la ville ou l'absence totale vendredi de trains vers la capitale. Le métro d'Alger est également fermé vendredi.
 

Appels à la mobilisation sur les réseaux sociaux


"#Hirak_du_1er_novembre", "#Envahissons_la_capitale": ces derniers jours sur les réseaux sociaux, ces nouveaux hashtags en arabe avaient appelé les Algériens à converger massivement vers la capitale, théâtre des plus importantes manifestations.
Certains, venus de province, ont passé la nuit sur les trottoirs. Hocine, la vingtaine, et ses quatre amis venus de Lakhdaria, à une soixantaine de kilomètres, ont passé la nuit dans leur voiture. "On a mis la France dehors en 1962, mais on n'a pas profité de la liberté avec ce régime qui n'a pas changé depuis. On veut une Algérie nouvelle", a dit le jeune homme.
                  

Enseignante retraitée, Nadia Foufa, 62 ans, se souvient avoir défilé le 5 juillet 1962, lors de la proclamation de l'indépendance: "J'avais cinq ans et on était heureux de cette indépendance. Mais maintenant, nous sommes enchaînés et il n'y a aucune liberté".  Depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux, de nombreux "tracts numériques" appelaient à manifester massivement. "Vous êtes tous concernés. Appel au peuple algérien pour qu'il se prépare à (...) prendre d'assaut la capitale par millions et en provenance de toutes les wilayas (préfectures) le vendredi 1er novembre, jusqu'à faire tomber tous les bandits" au pouvoir, proclame l'un d'eux.

"L'Histoire se répète. 1er novembre 1954-2019. Les 48 wilayas dans la capitale" pour une nouvelle "guerre de libération", peut-on lire sur un autre.
                  

Refus de la présidentielle du 12 décembre

                  
Depuis qu'il a obtenu, début avril, la démission du président Abdelaziz Bouteflika, le "Hirak", "mouvement" informel sans structure officielle ni dirigeant, ne faiblit pas et réclame désormais le démantèlement du "système" au pouvoir depuis 1962.
Et il s'oppose massivement à la présidentielle que le pouvoir organise le 12 décembre, considérant qu'elle ne vise qu'à régénérer ce "système".

Le pouvoir, qui estime avoir répondu aux revendications avec le départ de Abdelaziz Bouteflika et la mise sous les verrous de personnalités "corrompues", cherche de son côté à minimiser l'ampleur du mouvement. Mercredi, le général Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'armée et homme fort du pays depuis la démission d'Abdelaziz Bouteflika, a assuré que le scrutin recueillait l'"adhésion totale" des citoyens.

Des propos contredits par les "Dégage Gaïd Salah ! Il n'y aura pas de vote cette année !" qui emplissent les rues et répondent aussi au discours télévisé jeudi du président par intérim Abdelkader Bensalah exhortant les Algériens à voter massivement en décembre.

Outre la forte mobilisation vendredi, de nombreux Algériens ont aussi participé à un défi sur internet, consistant à se filmer, seul ou en groupe, en disant: "Je suis un Algérien et je suis un élément du Hirak". Une réponse ironique aux récents propos de Abdelkader Bensalah affirmant au président russe Vladimir Poutine que l'ampleur du mouvement était "exagérée" et se limitait à "quelques éléments (qui) sortent dans la rue chaque semaine".