Algérie : les supporters de foot au coeur de la contestation du régime

Et si le mouvement de contestation du pouvoir algérien était né au sein des associations de supporters des clubs de football, avant de se propager dans la rue ? Chants politiques, slogans, face-à-face avec les forces de l’ordre, tout rappelle l’ambiance des stades du championnat algérien. Petit florilège des chants de la contestation nés dans les stades.

 
Image
USMA
Les supporters de Union sportive de la médina d'Alger sont parmi les plus virulents contre le pouvoir en place.
Capture d'écran vidéo YouTube
Partager3 minutes de lecture
 C'est une chanson, scandée dans les tribunes du stade Omar Hamadi Alger, enceinte d'un des plus grands clubs de la capitale, l'Union sportive de la medina d'Alger, l'USMA.
 La «Casa del Mouradia » est devenue aujourd'hui l'hymne de la contestation dans la rue, repris en choeur par des citoyens algériens peu habitués aux ambiances survoltées des stades. El Mouradia est le palais de la présidence algérienne, désigné comme l'épicentre d'un système mafieux. Le titre de la chanson, écrite en 2018 par le groupe de supporters Ouled El Bahdja, est un clin d'oeil à la «Casa de Papel», une série Netflix à succès.

Ouled El Bahdja est un groupe de 300 supporters de l'USMA. Leur chanson devenue un tube la «Casa del Mouradia », assimile la "maison de la présidence " à "une maison de voleurs ". Les paroles égrènent les mandats de Bouteflika : " Au premier, ils nous ont eu avec la décennie noire (ndlr : la guerre civile en Algérie dans les années 1990) ; au deuxième c'est devenu plus clair, c'est la Casa del Mouradia ;  au troisième, le pays s’est amaigri à cause des intérêts personnels ; au quatrième, la marionnette (ndlr : Abdelaziz Bouteflika) est morte, mais l’affaire continue ; le cinquième va suivre, c’est déjà acté ».
 

La vidéo des supporters reprenant en choeur les paroles contestatrices est sortie en janvier 2019. Elle a été visionnée par un peu plus de 600 000 personnes au 10 mars 2019. La chanson est reprise dans les manifestations du centre d'Alger contre le régime comme dans cette video, posté sur YouTube.
 

 Les gradins des stades de football, notamment dans l’Algérois, ne résonnent plus au rythme de chants exclusivement sportifs. La tendance, ces dernières années, est surtout à la revendication politique. Une autre vidéo de Ouled El Bahdja et des supporters de l'Union sportive de la medina d'Alger est encore plus incisive. La chanson" Y'en a marre du pouvoir" ( en français dans le texte) a été visionnée sur la plateforme You Tube plus de 7, 4 millions de fois au 10 mars 2019.
 

Une autre chanson, issue d'un autre groupe de supporters est souvent reprise dans les rues d'Alger.  Il s'agit de "Chkoun Sbana", des supporteurs de l'Union Sportive de Madinet El Harrach, autre club professionnel d'Alger. Le refrain est simple, direct et dirigé contre le régime : "Qui est responsable de notre souffrance ? quelle est la cause de nos maux ? L'État est la cause de nos maux."
 


Et les amateurs des clubs de l'Algérois ne sont pas les seuls mobilisés politiquement contre la perspective d'un cinquième mandat de Bouteflika. Par exemple, une chanson des fans du Club Sportif de Constantine dénonce la corruption, la cherté de la vie, la drogue, et évoque l'immigration comme seule solution pour s'en sortir. "Les diplômes sont devenus des passeports pour l'immigration", peut-on entendre dans les tribunes du stade Chadid Hamlaoui.
 

Depuis les premières manifestations de février 2019, les supporters sont aux avant-postes. Le vendredi 1er mars 2019, plusieurs groupes de supporters ont voulu se diriger vers le siège de la présidence.

Le stade en Algérie est un exutoire de la colère des jeunes, largement dirigée contre les autorités. Le régime en est conscient. Les matchs ont tous été suspendus depuis le début de la contestation, pour éviter que la compétition sportive se transforme en énorme rassemblement politique.