Amadou Toumani Touré : la mort de l'ancien président du Mali

L'ancien chef de l'Etat malien, Amadou Toumani Touré, dit ATT, s'est éteint dans la nuit du lundi 9 et mardi 10 novembre en Turquie à l'âge de 72 ans. De retour au pays depuis 2019, il venait de subir une opération du cœur à l'hôpital Le Luxembourg de Bamako, qu'il avait fondé avec son épouse, avant d’être transféré en Turquie. Après avoir dirigé une période de transition au début des années 90, il fut président de la République du Mali du 8 juin 2002 jusqu'au coup d'Etat du 22 mars 2012. Retour sur le parcours de cet acteur incontournable de société malienne. 

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Amadou Toumani Touré
L'ancien président malien Amadou Toumani Toure à New Delhi (Inde), le 8 avril 2012.
AP Photo/Pankaj Nangia.
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Amadou Toumani Touré voit le jour le 4 novembre 1948 à Mopti, dans l'ancien Soudan français, l'actuel Mali. Il se dirige initialement vers une carrière d'instituteur en s'inscrivant à l'école normale secondaire de Badalabougou.

Il intègre finalement l'armée où il occupe plusieurs postes de haut rang après avoir suivi des formations au Mali et en ex-URSS :  il commande successivement la garde présidentielle malienne dans les années 70 puis le 33ème régiment des commandos parachutistes, les Bérets rouges, dans les années 80.

C'est en mars 1991 qu'il s'immisce sur la scène politique. Après des manifestations populaires réprimées dans le sang, il participe au coup d'Etat contre le dictateur Moussa Traoré, prend la présidence du Comité de transition pour le Salut du Peuple et assure les fonctions de chef de l’État pendant la transition démocratique. Cette période permet, en 1992, à Alpha Oumar Konaré de devenir le premier président démocratiquement élu depuis l'indépendance en 1960.

En remettant le pouvoir comme il s'y était engagé, ATT gagne ses galons de prestige et se voit affubler du surnom de "soldat de la démocratie."

(Re)voir : Mali : décès d'Amadou Toumani Touré​

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Élection présidentielle de 2002

En 2001, il demande et obtient sa mise en retraite anticipée de l’armée. Il décide de se lancer dans la vie politique en déposant sa candidature pour l'élection présidentielle de 2002.

Il est élu président de la République le 12 mai avec 64,35 % des voix au second tour. Son adversaire Soumaïla Cissé, ancien ministre, obtient 35,65 % des voix.

Tout au long de sa carrière politique, il privilégiera le consensus, caractéristique qui jouera en sa faveur avant d'être taxée de faiblesse. Il lancera, en outre, d'importants chantiers d'infrastructures destinés à la modernisation du Mali. 

Deuxième mandat (2007-2012)

Amadou Toumani Touré est réélu président de la République le 29 avril 2007 dès le premier tour. Il obtient 71,20 % des suffrages tandis que son principal concurrent, Ibrahim Boubacar Keïta, ne recueille que 19,15 % des voix.

Celui-ci conteste, à l'instar des autres candidats de l’opposition réunis au sein du Front pour la République et la démocratie, les résultats en raison de fraudes.

Coup d'état militaire de 2012

Dans la nuit du 21 au 22 mars 2012, il est renversé par un coup d'Etat, un peu moins de deux mois avant l'issue de son mandat. Les mutins du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État (CNRDRE), dirigés par le capitaine Amadou Haya Sanogo, dénoncent la gestion du conflit au nord Mali entre l'armée et la rébellion touareg du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA).

Le pays, dont les deux tiers échappent au contrôle du pouvoir central, est depuis enlisé dans une crise sécuritaire en raison notamment des agissements de groupes djihadistes affiliés à Al-Qaida ou à l'organisation de l'Etat islamique. 

(Re)voir : Il y a 8 ans, le coup d'État au Mali contre le président Amadou Toumani Touré 

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Le 8 avril 2012, exilé à Dakar, au Sénégal, depuis le coup d'Etat, il annonce officiellement sa démission et mène dès lors une vie très discrète.

Son expatriation coïncide avec l'arrivée au pouvoir de l'actuel président sénégalais, Macky Sall, avec qui il nouera des liens étroits. Il est d'ailleurs le premier dirigeant à l'international à avoir réagi, mardi matin, à sa disparition. 

Retour au pays en 2017

Menacé d'un procès pour "haute trahison", accusé de passivité d'Etat pour ne pas avoir fourni suffisamment de moyens à l'armée dans sa lutte contre l'insurrection au nord-Mali, il ne revient au pays que cinq ans plus tard, en décembre 2017, à bord d'un avion dépêché par le président d'alors, Ibrahim Boubacar Keïta, dit "IBK".

L'année précédente, l'Assemblée nationale avait, à une écrasante majorité, rejeté toutes poursuites à son encontre.

Son arrivée, avec sa femme et ses deux filles, se fait dans la liesse alors qu'il bénéficie encore d'une certaine sympathie auprès de la population et de ses partisans au sein du Parti pour le développement économique et la solidarité (PDES). Dans la foulée, "IBK" l'invite à partager, à la résidence présidentielle, "un déjeuner entre frères".
 Sa visite n'est que de courte durée et, après quelques jours, il reprend la direction du Sénégal. Son retour définitif n'intervient finalement qu'en décembre 2019. Il est alors accueilli par un millier d'affidés à son domicile privé.

Quelques jours plus tard, il participe à la célébration du 100ème anniversaire de la création de sa ville natale, Mopti, événement lors duquel il déclare : "Je m’investirai, je ferai tout ce qui est possible (en me basant) sur l’expérience que j’ai acquise, parce que je suis avant tout un soldat​. Pour la paix, la sécurité, la cohésion sociale et le vivre ensemble, je ferai tout pour Mopti, mais je ne le ferai pas seul, nous le ferons ensemble."

Le 15 septembre dernier, Amadou Toumani Touré assiste aux funérailles de celui qu'il a contribué à chasser du pouvoir, Moussa Traoré. Sont également présents ce jour-là, Amadou Haya Sanogo, à l'origine du coup d'Etat ayant destitué ATT en 2012 et Dioucounda Traoré, le président de la transition de 2012 à 2013. 

(Re)voir : Mali : hommage à l'ancien président Moussa Traoré​
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La France et les dirigeants africains réagissent

Tout au long de la journée de mardi, de nombreux témoignages de sympathie ont afflué sur les réseaux sociaux en réaction à la disparition d'ATT. A la suite de Macky Sall, son homologue ivoirien, fraîchement réélu, Alassane Ouattara, a lui-aussi fait part "de sa grande tristresse" en apprenant le décès de "[son] frère".
La France, via certains élus et son ambassade au Mali, évoque un "homme de devoir" qui "incarnait à bien des égards l’histoire récente du Mali" et rappelle "les liens d'amitié" qui unissaient Jacques Chirac à ATT. Ce dernier avait d'ailleurs organisé des funérailles dogon en l'honneur de l'ancien président français, en février dernier.
Le président burkinabé, Roch Marc Christian Kaboré, a présenté ses condoléances à "Nation malienne et à sa famille" en se rappelant d'un homme d'Etat, "qui a servi le Mali avec un sens élevé du devoir."
Le président de la transition malienne, Bah N'Daw, a quant à lui salué un "acteur majeur de la démocratie malienne" au "destin exceptionnel".
(Re)voir : Mali : quatre coups d'État et cinq décennies mouvementées 
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