Fil d'Ariane
En 2019, avant les précédentes élections législatives, la Commission électorale durcit les règles des élections législatives. Officiellement, il s’agit de mettre fin à l’éclatement excessif du paysage politique et, notamment, empêcher les micro-partis à revendications locales. Le durcissement est si drastique qu’un certain nombre de gros partis béninois se trouvent exclus du processus électoral. Seuls l’Union progressiste et le Bloc républicain, deux partis de la mouvance présidentielle, sont autorisés à se présenter. Le climat politique se tend, des violences éclatent à Cotonou et dans plusieurs villes du pays.
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A l’issue d’un scrutin massivement boudé par les électeurs, le Bénin dispose d’un “parlement monocolore”, selon les mots de l’opposition. Quelques jours plus tard, le président Patrice Talon doit même prendre la parole pour tenter de calmer les esprits. L’acharnement judiciaire qui suivra à l’encontre de plusieurs de ses opposants rend son discours d’apaisement peu convaincant a posteriori.
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Cette année, les règles ont changé. Officiellement, les élections législatives 2023 se veulent inclusives. La Cena, la Commission électorale autonome, a autorisé sept partis à présenter des candidats. Trois formations se réclament de l’opposition, les quatre autres gravitant au sein de la mouvance présidentielle.
Le politologue Expédit Ologou reconnaît que le climat est cette fois "apaisé", rappelant qu'"il y a eu des discussions entre acteurs politiques de la majorité comme de l'opposition pour aboutir à une sorte de convention démocratique sur l'essentiel à sauvegarder pour le pays".
Un certain nombre d'acteurs politiques arrêtés après les violences de 2019 et la présidentielle de 2021 ont par ailleurs été libérés, de quoi là encore, apaiser la situation.
4 + 3. Sur les sept partis prenant part au scrutin, quatre se revendiquent de la majorité présidentielle. L’Union progressiste pour le renouveau (UP-R), le Bloc républicain (BR), le Mouvement des élites engagées pour l’émancipation du Bénin (MOELE-Bénin) et l’Union démocratique pour un Bénin nouveau (UDBN).
Les trois autres formations se réclament de l’opposition : les Force cauris pour un Bénin émergent (FCBE), le Mouvement populaire de libération (MPL) et le parti Les Démocrates (LD).
Attention toutefois, si l’accès au scrutin a été assoupli, il ne faut pas pour autant s’attendre à un Parlement “multicolore” : en effet, le système proportionnel choisi fait que le résultat en voix sera converti en une répartition des sièges entre les seuls partis ayant recueilli plus de 10 % des suffrages exprimés.
Les candidats aux législatives béninoises le savent : s’ils sont élus, ce ne sera que pour trois ans, au lieu de quatre. En 2026, ils devront repasser devant les électeurs, en vertu d’une réforme constitutionnelle adoptée fin 2019, les différents scrutins seront organisés en même temps à partir de 2026. Présidentielle, législatives et locales, les électeurs s'exprimeront en même temps. Une harmonisation destinée tout d'abord à réaliser des économies : "Nous avons eu des élections législatives en 2019, en 2020, nous avons eu des élections des conseillers communaux et en 2021, nous avons eu la présidentielle. On a l’impression qu’on passe tout le temps à organiser des élections", explique un administrateur électoral aux journalistes de la Deutsche Welle.
Un mandat plus court, mais d'une importance exceptionnelle, nous confie Expédit Ologou. En effet, rappelle le politologue, "les actes des députés dans les prochains mois seront importants et décisifs sur l'histoire immédiate du pays."
Explications. Au cours de l'année 2023, le mandat de la Cour constitutionnelle arrive à échéance. Sept membres à renouveler, dont quatre seront désignés par les députés, les trois autres étant de la responsabilité du président. Cette Cour a, notamment, pour mission le contrôle des élections. A l'approche des premières élections générales de 2026, la composition de la Cour constitutionnelle revêt une importance capitale.
Autre point important soulevé par le politologue, les vélléités réelles ou supposées du président Patrice Talon de modifier la Constitution pour s'offrir un éventuel 3e mandat. Le poids de l'opposition au sein du Parlement sera là encore primordial. En effet, "la voie référendaire semble extrêment compliquée, estime Expédit Ologou. Mais la voie parlementaire nécessite une majorité des 4/5 pour le président. En clair, si l'opposition dispose d'un peu plus d'1/5 des députés, elle peut constituer une minorité de blocage rendant la tâche de la révision constitutionnelle difficile pour le pouvoir en place".
C'est une nouvauté cette année. Sur les 109 députés qui siègeront dans la nouvelle Assemblée (il y en avait 83 jusque là), 24 seront des députées. Un siège par circonscription est réservée aux femmes.
Lors de la précédente mandature, elles n’étaient que six. Une mesure saluée par les candidates en campagne dans l’un des pays d’Afrique qui compte le moins de femmes au Parlement.
Il y a quatre ans, l'abstention avait été massive. L'exclusion d'un certain nombre de partis d'opposition et l'appel au boycott lancé notamment par l'ancien président Thomas Boni Yayi avaient fait fuir les électeurs. Pourtant, la participation aux élections législatives est traditionnellement forte dans un pays "fortement politisé", rappelle Expédit Ologou, mais "c'est la première fois que le Bénin organise des élections dans un contexte sécuritaire tout à fait particulier, avec l'émergence du phénomène terroriste". Zone critique, le nord du pays frontalier avec le Niger.
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Ce point sera à suivre de près estime le politologue, "pour à la fois apprécier la capacité de sécurisation et de défense du territoire par l'Etat dans une période aussi sensible que celle des élections législatives, et ensuite, pour apprécier la capacité des des habitants de ces zones à, malgré le contexte un peu difficile, sortir encore pour aller voter".