Fil d'Ariane
Fils d’un riche homme d’affaires, Hervé Bopda, figure de la vie mondaine camerounaise, est soupçonné de viol et d’agression sexuelle sur « un très grand nombre de jeunes filles. » Il a été arrêté, dans la nuit du 30 au 31 janvier, après dix jours d’un déferlement de témoignages à son encontre sur les réseaux sociaux.
Hervé Bopda, suspecté de viol et d'agression sexuelle en série, a été arrêté, dans la nuit du 30 au 31 janvier 2024, à Douala.
En un peu plus de dix jours, l’histoire a eu un écho retentissant dans la société camerounaise. D’abord confinée aux réseaux sociaux, au gré des publications d’un lanceur d’alerte, la chronique se mue très vite en affaire d’État. L’ampleur de l’indignation suscitée par les plus de 70 témoignages anonymes relayés par N’Zui Manto sur X (ex-Twitter) a finalement conduit à l’arrestation, sur les coups de 2h du matin dans la nuit du mardi 30 au mercredi 31 janvier, de Hervé Bopda, dans un motel de Bonabéri, une commune de Douala.
La radio-télévision d’État, la CRTV, s’en est fait l’écho mercredi matin. « Hervé Bopda a été interpellé ce matin […] à Bonabéri. Le suspect Hervé Bopda est soupçonné d’avoir violé ou agressé sexuellement un très grand nombre de jeunes filles. […] Son arrestation ouvre la voie à la procédure judiciaire qui se chargera de répertorier des preuves contre lui. »
Fils du richissime homme d’affaires, Emmanuel Bopda Fodoup, à la tête de Boem Steel Industry, Hervé Bopda a repris le flambeau après le décès du patriarche en 2020. Amateur de mondanités et de whishy, il mène vie de nanti, fréquente les quartiers chics de Douala, au volant de belles cylindrées, montres de luxe au poignet. Il est décrit comme « intouchable » de par son portefeuille et son réseau.
La bascule intervient après la diffusion sur X d’un témoignage d’une victime anonyme, le 19 janvier. L’internaute se plaint d’avoir été giflée et menacée via une arme à feu, en pleine rue, après avoir refusé ses avances. Des passants auraient reconnu Hervé Bopda avant qu’il ne prenne la fuite. Le mode opératoire du suspect revient de manière récurrente dans les récits.
Aussitôt, sur X, le mot-clé #stopBopda accompagne des milliers de publications de citoyens lambda et de personnalités. Des supporters des Lions Indomptables, alors encore en lice dans la Coupe d’Afrique des Nations, s’affichent dans les tribunes avec des pancartes « #StopBopda ». Des établissements huppés où celui-ci a ses habitudes décident dorénavant de lui fermer leurs portes, des propriétaires d’appartements exigent à leurs locataires de ne pas l’abriter.
Outre ce déferlement, trois plaintes officielles ont été déposées auprès du tribunal militaire et judiciaire de Douala aux motifs de « viol, séquestration, enlèvement, sodomie, mise en danger de la vie d’autrui, viol en réunion, menaces à main armée, harcèlement. » Deux lignes vertes redirigent vers un collectifs d’avocats pour les victimes présumées de Douala et vers l’association Sourires de Femmes, pour celles de Yaoundé.
Le suspect, 45 ans, muré dans le silence depuis les premières révélations, n’a jamais réagi publiquement. La veille de son arrestation, « après le choc émotionnel », sa famille a partagé un communiqué. Dans celui-ci, elle affirme que Hervé Bopda « a entièrement nié les faits qui lui sont reprochés dans les témoignages anonymes actuellement publiés en indiquant avoir déposé plainte par l’intermédiaire de ses avocats pour diffamation et cybercriminalité contre les auteurs desdites publications. »
Elle déclare avoir « pris acte des nombreuses dénonciations choquantes » et souhaite que la lumière soit faite rapidement sur « cette scabreuse affaire ». Quelques jours plus tôt, la Commission des droits de l’Homme et des libertés du Barreau du Cameroun a saisi le procureur de la République près le tribunal de première instance de Yaoundé.
Celui que N’Zui Manto désigne comme « le prédateur sexuel le plus dangereux de l’histoire du Cameroun » fait aussi l’objet d’un communiqué de la ministre de la Promotion de la femme et de la Famille, Marie-Thérèse Abena Ondoa. Le texte de l’élue souligne le fait que « certains plaignants mentionnent que le susnommé a été infecté par le VIH-SIDA et qu'il propage la maladie parmi les femmes et les enfants, en particulier les jeunes garçons. »
Mme Abena Ondoa salue également le fait qu’une « plainte a été déposée auprès des autorités judiciaires compétentes » et encourage « toutes les victimes à rompre le silence afin de briser la chaîne de la violence. »
La mise aux arrêts de Hervé Bopda apparaît en Une de plusieurs titres de presse camerounais, le 1er février. L'enquête et ses enseignements sont vivement attendus par la société.