Au Soudan, le chef de l'armée déclare Khartoum "libérée" des paramilitaires

Le chef de l'armée soudanaise a déclaré Khartoum "libérée", depuis le palais présidentiel, mercredi 26 mars 2025. Il y est arrivé au terme d'une offensive lancée par ses troupes pour reconquérir la capitale aux mains des paramilitaires. 

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Le chef de l'armée soudanaise a déclaré, mercredi 26 mars 2025, Khartoum "libérée", depuis le palais présidentiel. 

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"Khartoum est libérée, c'est terminé", a déclaré après presque deux ans de guerre le général Abdel Fattah al-Burhane, le dirigeant de facto du Soudan, dans un discours diffusé par la télévision publique.

Le général Burhane est arrivé au palais présidentiel en treillis militaire, le poing levé. Il était accompagné de soldats qui scandaient "Dieu est grand", tout en parcourant le bâtiment dévasté, aux fenêtres explosées, les couloirs encombrés de lits de combattants.

Malgré ce coup majeur porté aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), commandées par le général Mohamed Hamdane Daglo, des analystes soulignent que la guerre qui a éclaté en avril 2023 est loin d'être terminée.

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L'armée contrôle à présent l'est et le nord du Soudan. Les paramilitaires, qui ont conquis presque toute la vaste région du Darfour, dans l'Ouest, ont annoncé mercredi la création d'une nouvelle alliance qui contrôle des parties du sud du pays.

270 morts parmi les civils 

Mardi 25 mars, l'armée a été accusée d'avoir mené au Darfour l'une des frappes les plus meurtrières depuis le début de la guerre. Des témoins ont fait état d'au moins 270 morts dans un bombardement lundi sur un marché de Tora, au Darfour-Nord. 

Mercredi, ce sont 825 000 enfants qui ont été piégés par les combats qui font rage autour d'une ville assiégée du Darfour, a alerté l'Unicef. Un "enfer" vécu à cause de ces violences et de la malnutrition généralisée. L'armée a démenti viser les civils. L'AFP n'a pas pu confirmer ce bilan de source indépendante.

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Le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, Volker Türk, s'est dit "profondément choqué". Les civils "continuent d'être tués sans discernement, mutilés et maltraités presque quotidiennement", a-t-il ajouté.

Les FSR plus présents dans le centre de Khartoum, selon des témoins

Après un an et demi de défaites, l'armée soudanaise a renversé la situation fin 2024 en s'imposant dans le centre du pays avant de lancer en janvier une offensive vers la capitale, d'où elle avait été chassée après le début de la guerre.

Le porte-parole de l'armée, Nabil Abdallah, a annoncé que les troupes avaient repris l'aéroport international, où les FSR étaient positionnées depuis le début de la guerre. La semaine passée, elles ont aussi repris le palais présidentiel de Khartoum, la banque centrale, le siège des services de renseignement et le Musée national.

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Dans cette capture d'écran d'une vidéo, des familles soudanaises se saluent alors qu'elles se réfugient dans une école après avoir été évacuées par l'armée soudanaise des zones autrefois contrôlées par les Forces de soutien rapide paramilitaires.

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Interrogées sur cette progression, les FSR n'ont pas répondu aux sollicitations de l'AFP. Deux sources médicales ont indiqué que les FSR avaient évacué l'hôpital Tamayoz, situé juste au sud de l'aéroport, qu'elles utilisaient pour soigner leurs combattants.

3,5 millions d'habitants ont fui la capitale

À Port-Soudan, sur la mer Rouge, où se sont réfugiés des centaines de milliers de déplacés, des centaines de personnes ont célébré la victoire de l'armée à Khartoum, criant "un peuple, une armée", a rapporté un correspondant de l'AFP.

Au moins 3,5 millions d'habitants de Khartoum ont été contraints de fuir en raison des combats, selon les Nations unies. Des millions d'autres, incapables ou ne voulant pas partir, ont dû affronter la faim, subir des violences et les bombardements de la part des deux belligérants, d'après l'ONU et des organisations de défense des droits humains.

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La guerre a fait des dizaines de milliers de morts, déraciné plus de 12 millions de personnes et provoqué une crise humanitaire majeure. Les États-Unis ont imposé des sanctions aux généraux Burhane et Daglo, accusant spécifiquement ce dernier de génocide au Darfour. 

L'or, le nerf de la guerre

Parallèlement, l'industrie de l'or est en plein essor au Soudan. Mais au lieu de profiter à la population de ce pays l'un des plus pauvres du monde, le métal jaune est devenu via les Émirats arabes unis le nerf de la guerre entre l'armée les paramilitaires.

Le conflit a décimé l'économie de ce pays d'Afrique de l'Est. Mais le gouvernement soutenu par l'armée a annoncé en février des exportations d'or record en 2024. La demande pour les énormes réserves d'or du Soudan, longtemps convoitées par des investisseurs tels que le groupe mercenaire russe Wagner, est "un facteur clé de la prolongation de la guerre", a déclaré l'économiste soudanais Abdelazim al-Amawy.

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"Pour comprendre la guerre au Soudan, il faut suivre la trace de l'or, et elle nous conduit aux Émirats arabes unis", explique Marc Ummel, chercheur auprès de l’ONG Swissaid, chargée de suivre la contrebande d'or africain vers cet État du Golfe.

Un responsable des Émirats arabes unis a rejeté "les allégations de contrebande d'or en provenance du Soudan" et réfuté "toute affirmation sans fondement concernant la contrebande ou le profit de l'or".

Mais selon des sources gouvernementales soudanaises, du secteur aurifère et des documents de Swissaid, la quasi-totalité de l'or du Soudan finit aux Émirats, via des circuits commerciaux légaux ou clandestins.

64 tonnes d'or produites en 2024

En février, la Sudan Mineral Resources Company, une entreprise publique, a indiqué que 64 tonnes d'or ont été produites en 2024, contre 41,8 tonnes en 2022, avant la guerre.

Si l'or a rapporté 1,57 milliard de dollars aux caisses de l'État, selon la Banque centrale "près de la moitié de la production passe en contrebande à travers les frontières", a déclaré Mohammed Taher, directeur de la SMRC, depuis Port-Soudan, la capitale de facto du pays.

À près de 2 000 km de là, à la frontière entre le Soudan, le Soudan du Sud et le Centrafrique, des mines qui font partie de l'empire aurifère des FSR sont en pleine expansion. La grande majorité de l'or des deux camps est acheminée illégalement au Tchad, au Soudan du Sud et en Égypte, avant d'être exportée aux Émirats, selon des sources de l'industrie minière.

En mars, le Soudan a déposé une plainte auprès de la Cour internationale de justice, accusant les Émirats de complicité dans le "génocide" commis par les FSR au Darfour. Abou Dhabi a dénoncé un "coup de pub" et a accusé l'armée "d'atrocités".

Selon Mohammed Taher, 90% de l'or soudanais est exporté vers les Émirats, mais d'autres marchés, comme le Qatar et la Turquie, sont envisagés.