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©TV5MONDE / Reportage : I.Taoufiqi - Images : C. Alline - Montage : R. Monjanel
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"Bargny : "l'émergence à tout prix ?"

C'est l'histoire d'un ancien village de pêcheurs, qui se bat contre une future centrale à charbon. Bargny, à 35 km de Dakar. Bientôt le futur bassin industriel du Sénégal. La population est vent debout contre une industrie polluante. Les autorités mettent en avant le potentiel en termes de création d'emplois. "Bargny, l'émergence à tout prix...?", un reportage d'Ilhame Taoufiqi, de Clément Alline et de Robin Monjanel. 

Loin du tumulte, et des rêves de grandeur du président sénégalais, Abdou répète les même gestes depuis 35 ans. Pécheur de père en fils, comme près de 60% des hommes de Bargny. Abdou est aussi Lebou, communauté majoritaire ici.


La mer, nous  les Lebous nous la cherissons. Dieu nous a créés et nous a placés à coté de la mer pour que nous puissions en  vivre. La mer c'est tout  pour nous, les Lebous.Abdou, pêcheur à Bargny

Le "Plan Sénégal Emergent", Abdou en a entendu parler. Tous les jours dans son horizon se dresse l'un de ses projets phares : la centrale électrique à charbon. Mais Abdou n'apprécie pas ce projet : "La centrale nous n'en voulons pas ni aujourd'hui ni demain. La pêche peut être menacée, les produits sont acides et si ça s'infiltre dans l'eau ça peut nuire aux poissons. Si les poissons trouvent de l'acide ici dans la mer, ils vont partir d'ici"

La centrale électrique au charbon, plantée là, au coeur de Bargny est sur le point d'être mise en marche. Sur le papier le projet fait rêver, puisque  grâce à elle 3 millions 500 mille Sénégalais devraient bientôt sortir de  l'obscurité.

Espoir pour le Sénégal... menace pour une partie des Bargnois 

La menace est d'abord pour les 1 000  femmes qui sèchent et fument le poisson chaque jours depuis des années au pied de la centrale à charbon. Fatou samba est la présidente de Xelcom , la coopérative des transformatrices de poissons... jusque là prospère :


Le site fait vivre plus de 50% de la population de Bargny, le site est plus que capital.

Fatou samba, présidente de la coopérativce de poissons Xelcom

Mais le site de Xelcom selon elle, est en sursis, menacé, car la loi sénégalais est claire : une industrie de catégorie 1, comme cette centrale à charbon est censée respecter une zone tampon vierge de 500 mètres, ce qui n'est visiblement pas le cas.


La principale menace c'est cette centrale à charbon qui se trouve collée au site. Avec les produits toxiques et les produits  alimentaires nous savons que ça ne va pas de pair.

Et pourtant la direction de la centrale, la CES, fait tout pour entretenir des relations de bon voisinage. Ce jour là, un container est offert aux aux femmes de Xelcom pour stocker leurs produits. Cadeau de la maison. Et c'est le chargé de communication de la CES qui le livre en personne. La CES veut rassurer :  toute les normes environnementales seraient respectées. Le charbon qui sera brulé ici ? Sans risque.


Le charbon que nous utilisons est de très bonnes qualité. Il n'y a pas de métaux lourds dans ce charbon.

Badara Gueye, responsable Environnement & Communauté de la CES

Le charbon serait lavé, lui conférant des propriétés "quasi écologiques". Nous avons demandé l'avis d'un expert, Serigne Laha yade, qui contredit la thèse de la CES : "Il y a du plomb de l'arsenic dans les fumées et même si le charbon est de bonne qualité, on ne peut pas tout effacer."

La cheminée mesure 150 mètres pour disperser les fumées le plus loin possible. Un systeme de mesure en continue des émissions et un filtre électrostatique ont été installés pour réduire les risques de pollution. Selon les responsables, les poussières seraient inoffensives. Mais l'étude en question a été commandée par la CES elle-même. L'air de Bargny est dejà totalement saturé en particules fines très dangereuse pour la santé et ce à cause de la  cimenterie active depuis 70 ans : la centrale à charbon n'arrangera rien . Le trio de responsables de la centrale finit par l'admettre, il y a un prix à payer pour se developper, comme l'un d'eux le souligne :  "On regarde pas si on va polluer, on regarde le développement énergétique du pays".

Opposition

Le droit de polluer au nom du développement, Daouda Gueye ne peut s'y résoudre.
Ingénieur de formation, il coordonne  un collectif de Bargnois opposés à la centrale. 
3 plaintes ont été déposées contre les bailleurs du projet, des plaintes qui n'ont rien donné. Daouda Guète persiste : 



Il y  a des habitations qui sont à moins de 400 mètres de la centrale, il y a l'école qui est à moins de 500 mètres, et ils disent qu'ils sont à plus de 600 mètres : c'est archifaux, vous verrez que cette centrale est assise à l'intérieur des populations de Bargny !Daouda Guète, ingénieur de formation

Ce jour là, au pied de la centrale le quartier de Minam se mobilise. Les figures du collectif  sont là. Fatou Samba en premiere ligne :


Nous les femmes de la coopérative, nous menons ce combat contre la centrale ! Nous devons être à l'avant poste ! personne n'est mieux placé que les femmes !
Fatou Samba, figure du collectif de Bargnois contre la centrale

Le développement, le maire de Bargny en sa propre vision, sa ville n'a-t-elle pas été choisie pour être le coeur du Plan Sénégal Emergent ? Abou Ahmed Seck voit les choses en grand. Ce qu'il prefere mettre en avant c'est d'avoir pensé aux pêcheurs victimes de l'érosion côtière. Selon lui,  Près de 1000 d'entre eux seront relogés à 5 km de la mer. Menacés par la mer qui avance, la centrale  électrique à charbon et bientot un  port vraquier et minéralier les pêcheurs de Bargny sont étouffés. Bargny accueillera pourtant l'un des plus grand port en eau profonde d'afrique de l'ouest :
12 millions de tonnes de marchandises seront debarquées ici, dont du phosphate, du charbon, du pétrole, des produits chimiques. Alors que 70 % des Bargnois vivent de la pêche et ses dérivés...