Béji Caïd Essebsi, le candidat de Nidaa Tounès, remporte l'élection présidentielle tunisienne avec 55,68 % des voix, contre 44,32 % pour son adversaire et président sortant, Moncef Marzouki. Il devient le premier président élu démocratiquement depuis l'indépendance de la Tunisie en 1956. Qui est Monsieur Caïd Essebsi ? Voici ce qu'il faut retenir du personnage.
Favori de la présidentielle tunisienne et désormais élu avec plus de 55 % des voix, Béji Caïd Essebsi, 88 ans, est un vétéran de la politique. S'il n'incarne pas la jeunesse du pays, porteuse de la révolution de 2011, il incarne le retour à l'ordre et la stabilité. Quelques points essentiels à connaître sur "Bajbouj" (surnom de Essebsi).
Essebsi, père de quatre enfants, né dans une famille tunisoise en 1926, se réclame de la pensée de Bourguiba qu'il qualifie de "visionnaire" et "fondatrice de l'Etat moderne". Ses sympathisants apprécient d'ailleurs son parcours auprès de Bourguiba. Cette figure rassure beaucoup les Tunisiens dans ces temps d'incertitude. Ils apprécient également la manière de s'exprimer du nouveau président : celui-ci parsème ses discours de versets du Coran, de proverbes tunisiens et de blagues à l'égard de ses adversaires.
Disciple de Bourguiba, proche de Ben Ali
Cet avocat de formation est connu pour avoir parcouru un bout de chemin avec Habib Bourguiba, premier président tunisien et père de l'indépendance. Après celle-ci en 1956, il devient conseiller de Bourguiba puis son ministre de l'Intérieur, à l'époque du conflit avec son rival Salah Ben Youssef, dont les partisans ont été lourdement réprimés. Il devient ensuite ministre de la Défense et des Affaires étrangères. Dans les années 1970, il exerce le poste d'Ambassadeur de Tunisie en France avant de démissionner en raison d'un conflit au sein du parti au pouvoir en Tunisie.
En 1990-91, Essebsi est président du Parlement sous Ben Ali, l'ancien dictateur tunisien, évincé du pouvoir par la rue en janvier 2011. Ce poste lui vaut aujourd'hui de nombreuses critiques de l'opposition. Moncef Marzouki, son prédécesseur, le voit comme un produit du système déchu cherchant à reproduire l'ancien régime. Si durant l'essentiel des années 1990-2000 il s'est effacé, il ne s'est jamais opposé à Ben Ali.
De gauche à droite : Habib Bourguiba, Zine el-Abidine Ben Ali et Moncef Marzouki
Retour en politique en 2011
Au lendemain de la révolution, Caïd Essebsi est rappelé à la rescousse pour prendre le relais du premier ministre Mohamed Ghannouchi, contesté par la rue. Nommé Premier ministre provisoire en février 2011, il porte à son crédit d'avoir mené le pays vers les premières élections libres de son histoire, le 23 octobre 2011, remportées par Ennahdha (parti islamiste). Il quitte son poste le 24 décembre et laisse la place à Hamadi Jebali, secrétaire général d'Ennahdha, qui forme son gouvernement composé de membres de la "troïka" (coalition de trois partis : Ennahdha, Parti du Congrès et Ettakatol).
Président du Nidaa Tounes, parti anti-islamiste
Son parti, Nidaa Tounes, a été créé il y a deux ans. Il signifie "l'appel de la Tunisie". Souvent qualifié, à tort, de "laïque", le parti se définit plutôt comme "séculier".
Cette formation a attiré des hommes d'affaires, des intellectuels, des syndicalistes et des militants de gauche, mais aussi des proches de l'ancien régime unis par leur opposition aux islamistes. Les anciens membres du RCD, parti dissous de Ben Ali, "restent des citoyens qui (...) ont le droit de participer à la vie politique de notre pays. Autrement, c'est comme si on leur avait enlevé leur nationalité", a déclaré l'actuel président à l'AFP.
Le 26 octobre 2014, Nidaa Tounes a remporté les législatives devant les islamistes de Ennahdha, principaux adversaires. "Nous voulons un État du 21ème siècle, un État de progrès. Ce qui nous sépare de ces gens-là, ce sont 14 siècles", répète souvent M.Caïd Essebsi. Selon lui, Moncef Marzouki est le candidat des "islamistes" et des "salafistes jihadistes".
Portrait de Béji Caïd Essebsi
23.12.2014Commentaires : D. Gilberg / Montage : A. Gourichon
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Célébration de la victoire de Béji Caïd Essebsi, le 21 décembre 2014.
En guerre contre le terrorisme
L'une des priorités du nouveau président est de rétablir la sécurité dans son pays. Car depuis la révolution, la Tunisie a été le théâtre de plusieurs attaques attribuées à la mouvance djihadiste et de crises politiques à répétition. Dans la nuit de samedi à dimanche, jour de l'élection présidentielle, une unité militaire a été attaqué par un groupe armé devant une école de la région de Kairouan.
Pour lutter contre cette menace, Essebsi compte notamment moderniser et renforcer le système national de renseignement. Objectif : des services de renseignement plus performants, une meilleure structuration du commandement des armées et un meilleur équipement.
Autre priorité : relancer les programmes consacrés à la grande pauvreté et rassurer les Tunisiens sur l’unité nationale. Selon Jeune Afrique, en matière de relations internationales, Essebsi est favorable à une normalisation des relations avec la Syrie. Celles-ci ont été rompues en avril 2012 sur la décision de Moncef Marzouki. Béji Caïd Essebsi souhaite une amélioration des relations tuniso-égyptiennes qui sont ternies depuis les déclarations de l'actuel président à la tribune de l'ONU en septembre 2013. Ce dernier avait condamné le président égytpien, Abdel Fattah al-Sissi, pour le renversement du président islamiste Mohamed Morsi.
Lors de sa campagne électorale, Béji Caïd Essebsi s'est fait le chantre du "prestige de l'Etat", ruiné selon lui par M.Marzouki qu'il présente comme un "extrémiste" soutenu par des "salafistes djihadistes". Mais dès dimanche soir, après le scrutin, il a appelé les partisans du président sortant à travailler avec lui.