"Bien mal acquis": la CIJ renvoie la France et la Guinée équatoriale dos à dos

Suite du bras de fer entre la France et la Guinée équatoriale dans l'affaire dite des "biens mal acquis"... Ce mercredi 6 juin 2018, la Cour internationale de justice (CIJ) a rendu son arrêt lié aux poursuites françaises à l'encontre du vice-président équato-guinéen Teodorin Obiang.
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La CIJ
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La France et la Guinée équatoriale entretiennent des relations tendues depuis que Teodorin Obiang, vice-président du pays africain, a été condamné en octobre dernier par la justice française. Il était accusé d'avoir mené un train de vie somptueux et fait des dépenses faramineuses avec les fonds publics de son pays, un petit Etat pétrolier d'Afrique centrale, où plus de la moitié des habitants vit sous le seuil de pauvreté.

Jugé depuis 2016 par contumace devant le tribunal correctionnel de Paris, Teodorin Obiang a ainsi écopé de trois ans de prison avec sursis et 30 millions d'euros d'amende, également avec sursis, dans cette affaire dite des "biens mal acquis".

Selon le tribunal, le fils de Teodoro Obiang, qui dirige la Guinée équatoriale d'une main de fer depuis 1979, s'est frauduleusement bâti en France un patrimoine de plusieurs dizaines de millions d'euros. Au nombre de ses acquisitions : une partie de la collection d'art d'Yves Saint Laurent et de Pierre Bergé d'une valeur de plus de 18 millions d'euros, des voiture de luxe, des bijoux, montres et vêtements de marque, des grands crus, ainsi qu'un hôtel particulier de plusieurs milliers de mètres carrés, dans le XVIe arrondissement, un des quartiers les plus huppés de Paris.

Malabo avait porté le différend devant la Cour de Justice Internationale (CIJ), principal organe de justice de l'ONU, basée à la Haye, estimant que la France n'était pas compétente pour juger sur ce dossier. De son côté, Paris a toujours contesté la compétence de la CIJ dans cette affaire et a accusé Malabo de vouloir "paralyser" la procédure pénale française contre M. Obiang. Après deux ans de procédure, la Cour a statué mercredi sur son champ de compétences pour juger divers éléments de ce dossier.
 

La CIJ se dit incompétente sur les questions de "criminalité organisée" et d'"immunité"

Sur la question de fond, à savoir si Paris peut juger un ressortissant d'un pays étranger au sujet de biens acquis frauduleusement en France, la Cour a rejetée la requête de la Guinée équatoriale qui dénonçait la compétence pénale excessive que la France se serait attribuée pour juger des faits présumés liés au délit de blanchiment d’argent. "La Cour n’a pas compétence sur la base de l’article 35 de la
convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée", a déclaré le juge président de la CIJ, Abdulqawi Ahmed Yusuf.

La Guinée-équatoriale dénonçait également une violation de l'immunité de Teodorin Obiang. Là encore, la CIJ s'est déclarée incompétente, acceptant la requête de la France et déboutant le plaignant, Malabo.
 

La CIJ se dit compétente sur la question du statut "diplomatique" de l'immeuble avenue Foch

La Guinée-équatoriale alléguait également que les autorités françaises n'avaient pas le droit de perquisitionner l'hôtel particulier de six étages de la famille Obiang, située au 42, avenue Foch, à Paris.

Cette propriété de luxe est présentée par Malabo comme une mission diplomatique équato-guinéenne dans la capitale française. La France estime de son côté que sle régime équato-guinéen tente de faire passer un immeuble privé, pour un bien public à usage diplomatique, alors qu'il s'agissait en réalité de la demeure personnelle de Teodorin Obiang. En 2012, les autorités françaises ont ainsi saisi la propriété et les biens qui s'y trouvaient.

Sur ce point, par contre, la CIJ s'est déclarée "compétente pour se prononcer sur le statut en tant que locaux diplomatiques de l'immeuble", a déclaré le juge mercredi. Compétence qui inclut toute demande relative aux pièces d'ameublement et autres objets se trouvant dans les locaux. Voilà qui risque de relancer le bras de fer entre Paris et Malabo qui espère récupérer ses biens... La Cour devrait se pencher sur l'affaire lors de prochaines audiences.
                  

Une affaire sensible car liée à d'autres dossiers de "biens mal acquis"

La condamnation de M. Obiang établit un précédent pour la France qui a longtemps fermé les yeux sur les allégations faites à l'encontre de dirigeants africains accusés de corruption ou de détournement de fonds publics investis dans l'immobilier parisien et les produits de luxe.

La justice française a également enquêté sur des accusations de corruption contre le président de la République du Congo, Denis Sassou Nguesso, et sur l'ancien président du Gabon, Omar Bongo, et ses proches.