Boualem Sansal: l'heure du jugement en appel pour l’écrivain franco-algérien

Arrêté le 16 novembre à l’aéroport d’Alger, l’écrivain franco-algérien va connaître son jugement en appel ce mardi pour avoir porté atteinte "à l'unité nationale" en estimant que l'Algérie avait hérité sous la colonisation française de territoires appartenant jusque-là au Maroc. La possibilité d'une grâce présidentielle lors de la fête de l'Indépendance le 5 juillet prochain est également espérée par ses soutiens. 

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L'écrivain Boualem Sansal sur le plateau de L'invité, émission de TV5MONDE, le 18 octobre 2024.

L'écrivain Boualem Sansal sur le plateau de L'invité, émission de TV5MONDE, le 18 octobre 2024.

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Boualem Sansal va connaître ce mardi 1er juillet son jugement en appel après avoir été condamné, pour "atteinte à l'unité nationale", à cinq ans de prison et 500000 dinars algériens d'amende, en première instance le 27 mars.

On lui reproche notamment ses déclarations en octobre 2024 au média français d'extrême droite Frontières, où il estimait que l'Algérie avait hérité sous la colonisation française de territoires appartenant jusque-là au Maroc.

Le 24 juin lors d'une audience devant la Cour d'appel d'Alger, le Parquet a requis cette fois 10 ans de réclusion à l'encontre de l'écrivain.

"Où est-ce qu'on va comme ça?"

"C'est de la littérature. La Constitution algérienne garantit la liberté d'expression et de conscience. Cela n'a pas de sens", avait alors expliqué Boualem Sansal à propos de ses déclarations controversées, selon des propos rapportés par l'AFP présent lors de l'audience. 

"La Constitution décrète la liberté d'expression et on fait un procès pour de la littérature. Où est-ce qu'on va comme ça?", avait-il ajouté.

L'écrivain, âgé de 80 ans et atteint d'un cancer de la prostate, selon ses proches, fait l'objet d'une âpre lutte diplomatique entre l'Algérie et la France depuis son arrestation à Alger le 16 novembre. 

Depuis, les deux pays traversent une crise diplomatique sans précédent, marquée par des expulsions de diplomates de part et d'autre, des restrictions pour les titulaires de visas diplomatiques et un gel de toutes les coopérations.

Le 6 mai, l'Assemblée nationale française a adopté une résolution appelant à la "libération immédiate" de l'écrivain, et à subordonner au respect des "engagements internationaux en matière de droits humains" toute "coopération renforcée" entre l'Algérie d'une part, la France et l'Europe de l'autre.

Si en France, Boualem Sansal fait l'objet d'une intense campagne de soutien politique et médiatique, en Algérie, où il n'est pas très connu, peu de personnalités l'appuient. Des prises de positions pro-israéliennes de l'écrivain rediffusées sur les réseaux sociaux lui ont valu l'hostilité d'une partie de l'opinion publique algérienne pour laquelle la cause palestinienne est sacrée.

Jusqu'à présent, les multiples demandes de libération ou d'une grâce du président algérien, Abdelmajid Tebboune, en faveur de Boualem Sansal provenant de France, y compris du président Emmanuel Macron en personne, sont restées lettre morte. 

L'espoir d'une grâce?

Le célèbre écrivain Yasmina Khadra a plaidé début juin pour sa libération "le plus rapidement possible" lors d'une rencontre avec le président Tebboune. "J'ai fait mon devoir d'écrivain. S'il y a une petite chance, il faut la tenter", a-t-il dit.

"Assez, c'est assez. Il faut maintenant que le pouvoir algérien comprenne que la France défend ses citoyens".

Noëlle Lenoir, présidente de son comité de soutien en France sur Europe 1 mardi. 

Au comité de soutien, "nous sommes ulcérés par l'attitude du gouvernement algérien qui n'a rien à gagner ni sur le plan européen (...) ni vis-à-vis de la France", a-t-elle ajouté.

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Il n'est pas rare que les autorités algériennes procèdent à des grâces présidentielles lors de grandes fêtes nationales comme le 5 juillet, jour de la fête de l’Indépendance, ou le 1er novembre, jour de la fête de la Révolution. 

En 2020, c'était près de 3500 détenus dont la peine avait été raccourcie. En 2022, plus de 1000 individus avaient bénéficié d'une grâce à l'occasion de l'avènement du mois de Ramadan en avril, et près de 15000 le jour de l'indépendance. 

(Re)voir : Annonces et grâce présidentielle en Algérie : "C’est un geste d’apaisement envers les militants du Hirak

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La dernière grâce du président Abdelmadjid Tebboune remonte à novembre 2024. Elle a permis au journaliste Ihsane El Kadi, condamné en appel en juin 2023 à sept ans de prison dont cinq ans ferme, de sortir de prison au bout de deux ans d'emprisonnement. 

Le journaliste, dirigeant d’un des derniers groupes de presse privés d’Algérie (Interface Médias, qui comprend Radio M et le site d’information Maghreb émergent) était poursuivi pour « financement étranger de son entreprise » dans le but « de se livrer à des activités susceptibles de porter atteinte à la sûreté de l’État ».

Son arrestation avait suscité une vague de solidarité parmi ses collègues et les militants des droits humains en Algérie et en Europe. Une pétition lancée par l’ONG Reporters sans frontières pour obtenir sa libération avait recueilli plus de 10 000 signatures.