Burkina Faso : des résidents Français et Européens désapprouvent l'attitude de Paris

Des résidents Français et Européens déplorent la mise en œuvre des mesures prises par la France notamment le classement en zone rouge de la totalité du pays et l'interruption de la délivrance de visas. Ils publient une lettre ouverte ce 19 septembre qui plaide pour le maintien des relations amicales entre citoyens des différents pays.

Image
Le cinéma Neerwaya, une des salles projetant des films sélectionnés par le festival de cinéma pan-africain FESPACO

Le cinéma Neerwaya, une des salles projetant des films sélectionnés par le festival de cinéma pan-africain FESPACO qui s'est déroulé à Ouagadougou en février dernier. Cette manifestation était jusqu'à récemment soutenue par le gouvernement français.

© AP Photo/Sophie Garcia
Partager 3 minutes de lecture

"Nous voulons préserver le vivre-ensemble", c'est un des mots d'ordre exprimé par Erwan Bouvier, un des porte-parole du collectif. Cet entrepreneur français de Bobo Dioulasso, habitant le pays depuis une vingtaine d'années fait partie de ceux à l'origine du collectif composé de Français, d'Européens et de bi-nationaux, issus de "tous horizons politiques".

Chargement du lecteur...

Dans une lettre ouverte, accompagnée d'une pétition publiée ce 19 septembre, les signataires soulignent "des mesures unilatérales et contre-productives aux impacts dramatiques pour les personnes."

Ils font référence en particulier à l'arrêt de la délivrance de visa aux ressortissants burkinabè et au classement de l'ensemble du pays en zone rouge. Mais la France a également suspendu toute aide publique au développement de la coopération, y compris culturelle et réduit ses effectifs consulaires.

Chargement du lecteur...

Depuis le coup d'État de janvier 2022, les relations diplomatiques entre la France et le Burkina Faso se sont tendues. La France a retiré ses troupes déployées sur place dans le cadre de l'opération "Sabre" à la demande des militaires au pouvoir à Ouagadougou avec à leur tête le capitaine Ibrahim Traoré.

Chargement du lecteur...

 

En octobre 2022, l'Institut français de Ouagadougou est victime d'importants dégradations.

Le gouvernement militaire demande le départ de l'ambassadeur Luc Hallade à la fin de l'année. Depuis il n'y a pas de nouvel ambassadeur sur place, celui proposé en août 2023 n'ayant pas été agréé par les autorités burkinabè.

Et depuis le 7 août, plus aucun visa n'est délivré pour les artistes en provenance du Burkina Faso, du Mali et du Niger. La mesure a fait l'objet d'une circulaire distribuée le 14 septembre par toutes les DRAC (Direction régionale de l'action culturelle) françaises aux organismes organisant des concerts, provoquant l'indignation de nombreuses personalités.

"Des familles séparées"

Les mesures mises en place au Burkina Faso ont des conséquences graves au quotidien. "Des familles binationales sont séparées, des artistes ne sont plus en mesure d'exercer leur métier, des médecins burkinabè ne peuvent partir se former en France, des étudiants et chercheurs qui pensaient pouvoir y poursuivre leurs études ou leur recherche, notamment après l’obtention de bourses, sont bloqués…" soulignent les signataires.

Erwan Bouvier nous le confirme : ses enfants bi-nationaux nés au Burkina Faso ne peuvent aller retrouver l'autre partie de leur famille en France.  "Des lycéens ayant brillament passé leur Bac sont empêchés de poursuivre leurs études en France" nous confie-t-il.

Coup d'État au Niger

Le collectif relie l'édiction de ces mesures "injustes et injustifées" à la prise de position du gouvernement burkinabè, solidaire avec le Mali du régime issue du coup d'État du 26 juillet au Niger.

Pour leur part, certains membres du collectif assurent ne pas constater d'aggravation de la situation sécuritaire dans les villes de Ouagadougou, Bobo Dioulasso et Koudougou classées désormais en zone rouge par les autorités françaises. 

"Il n'y aucun problème avec les autorités burkinabè" nous confie notre interlocuteur. "Certes, nous sommes dans un pays en guerre" mais lui ne ressent pas de craintes pour sa sécurité au quotidien. 

Bien que venant d'horizons très différents, les membres du collectif ont senti la nécessité de former "un front commun" face au silence des représentants des autorités françaises. "Nous n'avons eu aucun signe de la représentation française" déplore Erwan Bouvier parlant même d'être "laissés à l'abandon".

La dernière mesure portant sur les adoptions est encore plus durement ressentie, les dossiers mettant plusieurs mois, voire des années à se bâtir. Apprendre que désormais les adoptions internationales étaient arrêtées, fut un coup très dur pour certains. L'avenir de nombreuses familles en devenir "dont l'enfant est ici au Burkina" est remis en question.

Pour le collectif, ces décisions "viennent alimenter les tensions, et la rancoeur, fragiliser les relations de qualité qui existent entre citoyens de nos
différents pays."
Ils soulignent "la multitude de liens personnels et professionnels entre familles, associations, entreprises, artistes, étudiants, chercheurs, etc. qui sont garants du bien-être et du développement social et économique des citoyens de nos nations. Ces liens doivent être préservés, perdurer et se renforcer, indépendamment des tensions diplomatiques actuelles entre nos États."

Et cet entrepreneur de Bobo Dioulasso de conclure "J'adore ce pays, je ne souhaite qu'y rester", nous confiait un des signataires.

Les mesures que souhaite le collectif "Mieux vivre ensemble au Burkina Faso" :                                                                                                                          - L'annulation du classement en zone rouge des villes de Ouagadougou, Bobo Dioulasso et Koudougou ;
- La reprise de la coopération (scientifique, académique et culturelle) et des actions d’appui au bénéfice des populations burkinabè ;
- La reprise immédiate de la délivrance de visas aux ressortissants burkinabè, par exemple par l’instruction des dossiers par voie électronique.