Burkina Faso – Ghana : crise diplomatique après les propos du président du Ghana sur Wagner

Le Burkina Faso convoque le 16 décembre l'ambassadeur du Ghana suite aux propos du président ghanéen. Nana Akufo-Addo a affirmé lors d'un entretien avec le chef de la diplomatie américaine que Ouagadougou a "conclu un arrangement" avec le groupe paramilitaire russe Wagner. 
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Supporters du Capitaine Ibrahim Traore paradent dans les rues de Ouagadougou avec un drapeau russe, le 2 octobre 2022.  
Supporters du Capitaine Ibrahim Traore paradent dans les rues de Ouagadougou avec un drapeau russe, le 2 octobre 2022.  
© AP Photo/Sophie Garcia, File
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Le Burkina Faso a qualifié de "très graves" le 16 décembre les propos tenus deux jours plus tôt par le président ghanéen Nana Akufo-Addo selon lesquels Ouagadougou avait "conclu un arrangement" avec le groupe paramilitaire russe Wagner.

"Nous avons écouté l'ambassadeur du Ghana et lui avons fait savoir la position du gouvernement qui juge très graves les propos venant d'un chef d'Etat, de surcroît d'un pays ami et voisin", a déclaré le ministre délégué chargé de la Coopération régionale, Karamoko Jean Marie Traoré.

Plus tôt dans la journée, l'ambassadeur du Ghana au Burkina avait été convoqué et s'était entretenu avec M. Traoré tandis que l'ambassadeur burkinabè à Accra avait été rappelé pour consultations.

"Ces 48h ont été marquées par les propos du président Nana Akufo Addo sur une prétendue passation de marché entre le gouvernement de la transition et une société privée russe. Une note verbale de protestation a été adressée au Ghana", a expliqué le ministre Traoré, affirmant que le Burkina était "profondément affecté" par ces déclarations.

Le 14 décembre, lors d'une entrevue à Washington avec le secrétaire d'État américain, Antony Blinken, le président ghanéen Akufo-Addo a assuré que le Burkina avait "conclu un arrangement pour, comme le Mali, employer des forces de Wagner".

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"Je crois qu'une mine dans le sud du Burkina leur a été allouée comme une forme de paiement pour leurs services", a-t-il ajouté, précisant que selon lui "les mercenaires russes sont à la frontière nord" du Ghana.
 
Mine d'or à Bouda, Burkina Faso
Mine d'or à Bouda, Burkina Faso, en février 2020. De nombreux mineurs se retrouvent sans travail car les groupes djihadistes tentent de prendre le contrôle d'une des activités les plus lucratives du pays.
© AP Photo/Sam Mednick)

Ne pas "semer le doute"

Lors de son entretien avec le ministre, l'ambassadeur du Ghana, Boniface Gambila Adagbila, a assuré que les propos de son président "ne visaient pas à condamner le Burkina Faso, ni à semer le doute dans les esprits", selon le compte-rendu de la rencontre, publié par le ministère des Affaires Etrangères burkinabè.

"L'intention était surtout d'attirer l'attention des partenaires afin de susciter un grand intérêt à l'endroit du Burkina Faso", a ajouté l'ambassadeur, cité dans le communiqué.
En réponse, le ministre Traoré a estimé que le "Ghana aurait pu entreprendre des échanges avec les autorités burkinabè sur la question sécuritaire afin d'avoir les bonnes informations".

Dans plusieurs pays d'Afrique francophone, Moscou mène une campagne d'influence active notamment sur les réseaux sociaux et jouit d'un soutien populaire grandissant quand la France, ex-puissance coloniale, y est de plus en plus vilipendée.

Plusieurs pays accusent la junte au pouvoir au Mali d'avoir recours aux services de Wagner, réputé proche du régime de Moscou, ce que Bamako dément.

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La question d'un éventuel rapprochement avec la Russie se pose également au Burkina depuis le coup d'État du 30 septembre, le deuxième en huit mois, qui a porté au pouvoir le capitaine Ibrahim Traoré, alors que le pays peine à faire face à des attaques djihadistes meurtrières récurrentes depuis 2015.

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Le 12 décembre le Premier ministre burkinabè, Apollinaire Kyélem de Tembela, a rencontré à Moscou le vice-ministre russe des Affaires étrangères Mikhail Bogdanov pour évoquer "les questions prioritaires du renforcement des relations" entre les deux pays, selon un communiqué du ministère russe des Affaires étrangères.

Interrogé sur ce voyage, le porte-parole du gouvernement burkinabè n'a pas souhaité faire de commentaire. Apollinaire Kyélem de Tembela avait affirmé fin octobre qu'il n'excluait pas de réexaminer les "rapports" de son pays avec la Russie.

"Nous essaierons, autant que possible, de diversifier nos relations de partenariat jusqu'à trouver la bonne formule pour les intérêts du Burkina Faso. Mais il ne sera pas question de nous laisser dominer par un partenaire, quel qu'il soit", avait-il dit mi-novembre.