Le 31 octobre dernier, las de la corruption de l'ancien régime et désireux de changement, les Burkinabè chassaient le président Compaoré, qui souhaitait modifier la Constitution pour se maintenir au pouvoir après 27 années de règne. Aujourd'hui, le Burkina Faso a désigné un nouveau chef de l'Etat intérimaire, le diplomate Michel Kafando, tournant ainsi la page du régime militaire qui a dirigé le pays pendant seize jours.
L'armée, aux commandes du pays depuis le 1er novembre via le lieutenant-colonel Isaac Zida, ne doit encore garder le pouvoir que quelques heures encore, une journée tout au plus. Une fois la désignation de Michel Kafando actée par le Conseil constitutionnel, les civils auront repris officiellement les rênes du pays.
Qui est Michel Kafando ?
Distingué et réservé, M. Kafando, un homme de grande taille aux cheveux légèrement grisonnants, vêtu d'un costume, a rapidement pris la parole pour prendre acte de sa nouvelle situation. "Plus qu'un honneur, c'est une redoutable responsabilité qui m'échoit, dont j'entrevois déjà les écueils et l'immensité de la tâche, a commenté M. Kafando. J'ai naturellement accepté comme chaque fois lorsque que j'ai été sollicité par le devoir et l'intérêt supérieur de la nation."
Figure de la diplomatie burkinabè, cet ancien ambassadeur de la Haute-Volta (l'ancien nom du pays), puis du Burkina Faso auprès des Nations unies (1981-1982 et 1998-2011) a également été ministre des Affaires étrangères dans plusieurs gouvernements, entre 1982 et 1983. Les objectifs énoncés sont à la hauteur des attentes du Burkina Faso : "bâtir ensemble une nouvelle société, une société réellement démocratique par la justice, la tolérance et l'union des coeurs".
Réactions
Le président François Hollande a congratulé Michel Kafando, nouveau chef de l'Etat intérimaire du Burkina Faso, se félicitant de l'adoption d'une charte de transition : "La France se tient aux côtés du Burkina Faso durant cette période clé de son histoire, a déclaré le chef de l'Etat français. Le Président de la République se réjouit de l'adoption, par les différentes parties prenantes du Burkina Faso, d'une charte de la transition qui conduira le pays jusqu'aux élections présidentielles."
Le 3 novembre dernier, l'Union africaine avait lancé un ultimatum au régime militaire, lui demandant de valider sous quinze jours ses institutions de transition et de choisir un président intérimaire. Ce lundi, l'UA salue la désignation d'une "personnalité civile" au poste de président intérimaire au Burkina Faso, signe de la "maturité politique" et du "sens des responsabilités" des Burkinabè.
Une transition en "phase" avec la révolution
La transition militaire aura donc duré une quinzaine de jours, une durée exceptionnellement courte, quand nombre de Burkinabè craignaient un coup d'Etat de l'armée et le maintien de M. Zida au pouvoir. La nomination de Michel Kafando est intervenue au bout d'une nuit de tractations. Le collège de désignation, sur cinq candidats présélectionnés, n'en a retenu que trois. L'archevèque de Bobo-Dioulasso Mgr Paul Ouédraogo, sélectionné mais qui ne souhaitait pas le poste, n'a pas été auditionné, tout comme le journaliste Newton Ahmed Barry.
"Le plus déterminant a été son exposé, très efficace", affirme Zéphirin Diabré, chef de file de l'opposition à Blaise Compaoré, l'un des 23 membres de cette instance composée de militaires et de civils, ces derniers étant majoritaires. Son programme, c'est exactement ce que les gens attendent parce que ça allait droit sur les problèmes de corruption et d'impunité. Il est extraordinairement en phase avec les attentes de la révolution."
La Constitution rétablie
Dimanche après-midi, la charte de la transition, qui doit servir de constitution intérimaire, a été officiellement signée par l'armée et les civils, dans l'euphorie générale, à la Maison du peuple de Ouagadougou. "Aujourd'hui, nous sommes ensemble pour asseoir les bases inébranlables d'une démocratie, véritable aspiration profonde de notre peuple", lançait alors le lieutenant-colonel Zida, longuement applaudi, devant le corps diplomatique et plusieurs dignitaires africains.
Le Conseil constitutionnel, à nouveau en fonction depuis le rétablissement de la Constitution, annoncé samedi par M. Zida, doit valider rapidement la charte de transition. Selon l'un de ses membres, le Conseil a déjà constaté la vacance du pouvoir et l'indisponibilité du président de l'Assemblée nationale qui aurait légalement dû prendre la suite de Blaise Compaoré à sa chute, ce que ni l'armée ni les civils ne souhaitaient. Les sages burkinabè attendaient la nomination du futur président, désormais actée, pour "prendre d'autres décisions", a ajouté cette source.