Fil d'Ariane
« Pour créer les conditions d’un engagement total de tous autour de l’essentiel qui est de recouvrer l’intégrité de notre territoire, en plus des mesures déjà en cours, j’ai décidé […] de la création de Comités Locaux de Dialogue pour la Restauration de la Paix, dont la mission est d’initier des approches avec les membres des groupes en rupture de dialogue avec la Nation. » C’est en ces termes que Paul-Henri Sandaogo Damiba, président du MPSR, le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration, et président de la transition burkinabé, a appelé à un dialogue avec certains groupes rebelles dans son discours télévisé à la nation de ce premier avril 2022.
Burkina Faso : le premier ministre dévoile sa feuille de route
Faute de précisions, l’on s’interroge légitimement sur les groupes concernés par cet appel au dialogue comme sur les objectifs poursuivis par la junte au pouvoir à Ouagadougou. La démarche s’inscrit dans la droite ligne de celle de ses prédécesseurs. Le régime de l’ancien président Roch Marc Christian Kaboré, aujourd’hui en résidence surveillée dans la capitale burkinabé, aurait négocié avec les terroristes avant les élections de 2020. A l’époque, il s’agissait d’éviter au pays une crise institutionnelle, en plus de la grave crise sécuritaire dans laquelle il est toujours plongé.
L’appel au dialogue du président de la transition Paul-Henri Sandaogo Damiba aurait ainsi pour but de permettre à tous les enfants du Burkina Faso qui, par naïveté ou par choix intéressé, notamment sur le plan pécuniaire, ou même mus par une farouche volonté de vengeance, de sortir de la spirale du terrorisme. Dans cette optique, des contacts auraient déjà été noués avec des responsables communautaires et religieux des régions du Sahel, du nord, de l’est ou encore de la Boucle du Mouhoun, située dans le nord-ouest du pays.
Nous sommes donc loin du schéma malien, puisque les négociations avec les groupes djihadistes tels que l’EIGS, l’État islamique dans le grand Sahara, ou encore le GSIM, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, n’est pas à l’ordre du jour. Ces comités locaux de dialogue auront pour principale mission, de mettre en œuvre des processus locaux de démobilisation, désarmement et réinsertion. Il s’agit en effet de convaincre la jeunesse burkinabé de déposer les armes, tout en les aidant à se réinsérer dans le tissu social.
Certains observateurs estiment cependant que tous les groupes terroristes sont peut-être concernés par cet appel au dialogue. « Je crois que tous les groupes rebelles, tous ces gens qui sont dans la zone des trois frontières et qui sèment la terreur et la désolation au sein des populations, tant civiles que militaires, sont concernés par cet appel. Le président Damiba a compris qu’aujourd’hui, il ne faut pas chercher de grandes solutions ailleurs, il faut travailler avec les leaders locaux, avec la jeunesse, qui, à cause du chômage et des difficultés de la vie quotidienne, peut répondre à l’appel des djihadistes. », nous précise Morin Yamomngbe, directeur de la publication du journal d’information en ligne Wakatsera.
Le premier message du président Damibe s’adresse aux Burkinabés qui ont pris les armes contre leur propre pays
Ismaël Ouedraogo, DG de Burkina Info TV
Même son de cloche chez notre confrère Ismaël Ouedraogo, directeur général de la chaîne privée Burkina Info TV : « Le premier message du président Damiba s’adresse aux Burkinabés qui ont pris les armes contre leur propre pays ; toutes ces personnes qui ont pris les armes contre leurs frères, leurs sœurs, leurs cousins… Le deuxième message s’adresse peut-être aux groupes armés qui ont des filiations avec Al-Qaïda, ou qui viennent du Niger ou du Mali, ou même qui ont des ramifications jusqu’en Libye. » Il faut préciser au passage qu’au Burkina Faso, avant le terrorisme actuel, il existait une insécurité quasiment structurelle liée aux bandes armées dont certains étaient constitués de jeunes désœuvrés. Beaucoup estiment d’ailleurs qu’une partie de cette jeunesse s’est fondue dans les groupes terroristes actuels.
Alors que les attaques terroristes se multiplient depuis l’arrivée au pouvoir de la junte, les populations burkinabés semblent s’impatienter. Le discours du président Paul-Henri Damiba avait aussi pour but de les rassurer. Il s’est donné cinq mois pour évaluer les résultats des choix et des décisions qui ont été prises jusque-là. Ce même vendredi 1er avril, le président Damiba a reçu en audience Jean-Claude Kassi Brou, le président de la Commission de le CEDEAO, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest. Au cours de leurs discussions, le président Paul-Henri Damiba aurait apporté des clarifications au sujet de la transition en cours.
Rappelons que lors du sommet extraordinaire de la conférence des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO, le 25 mars dernier, à Accra, au Ghana, sur la situation du Mali, de la Guinée et du Burkina Faso, la conférence avait notamment exigé la « libération inconditionnelle et sans délai » du président Roch Marc Christian Kaboré, ainsi que la « finalisation d’un chronogramme acceptable de la transition au plus tard le 25 avril 2022. Passé ce délai, avait alors prévenu l’organisation sous-régionale, des sanctions économiques et financières entreront immédiatement en vigueur. Et s’agissant de l’ancien président Kaboré, des négociations seraient actuellement en cours, en vue au moins d’un assouplissement des conditions de sa résidence surveillée.