Fil d'Ariane
“Nous devons agir maintenant et travailler ensemble pour empêcher cette crise de devenir incontrôlable”. Le 14 février dernier, la responsable des Nations unies au Burkina Faso s’alarme. Plus d’un million d’hommes, de femmes et d’enfants ont besoin d’aide : jamais le pays n’a connu telle situation. “Les besoins humanitaires ont connu une forte augmentation au cours de la dernière année”, précise Metsi Makheta.
En cause, l’insécurité qui gangrène le Burkina Faso. A ce jour, rien ne semble empêcher les attaques et les enlèvements qui se multiplient désormais un peu partout dans le pays. “On assiste à un encerclement du Burkina Faso avec l'ouverture de nouveaux fronts”, explique le chercheur Nicolas Desgrais.
La dernière attaque en date, le 15 février 2019, a eu lieu près de la frontière togolaise. Un prêtre espagnol et quatre douaniers burkinabé ont été tués. L'attaque aurait été menée par une vingtaine d'individus armés, selon une source sécuritaire citée par l'AFP. Mi-janvier, un Canadien avait été enlevé et retrouvé mort quelques heures plus tard.
Depuis 2015, entre 300 et 500 personnes, principalement Burkinabé, auraient été tuées à travers le pays.
Derrière ces attaques, plusieurs groupes djihadistes. Le premier d’entre eux, Ansaroul Islam qui opérait dans la région septentrionale du Soum a été rejoint par le GSIM, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans d’Iyad Ag Ghaly et plus récemment par le groupe Etat islamique dans le grand Sahara. Initialement actifs au Niger, ces derniers, emmenés par Abou Walid Al-Saharoui, opèrent désormais dans l’est du Burkina Faso.
Un déplacement qui s’explique par l’action de la force Barkhane : “un des principes était de dire qu’il fallait couper les groupes djihadistes des zones dans lesquels ils sont implantés, explique Nicolas Desgrais. Il fallait les déraciner pour les priver de l’appui des populations locales”. Un appui que les combattants de l’EIGS n’ont pas eu de mal à reconquérir côté burkinabé. Il faut dire qu’ils ont su trouver les mots auprès de populations locales très remontées contre le pouvoir central et ses politiques foncières et forestières. La présence de fils de dignitaires locaux au sein du groupe djihadiste a facilité son implantation : “le mode opératoire prouve qu’il s’agit d’individus maîtrisant parfaitement le terrain et la forêt, donc natifs de la région et expérimentés dans l’art de la guerre”, déclarait le chercheur Mahamadou Savadogo dans un entretien au Monde en septembre 2018.
Face à cette expansion préoccupante des groupes djihadistes sur son sol, le pouvoir burkinabé semble pour l’heure tout à fait impuissant. Au cours des dernières semaines, l’armée a subi une vaste réorganisation : nouveau chef d’état-major général, nouveau chef pour l’armée de terre ou encore nouveaux responsables des trois régions militaires du pays. Mais, signale Nicolas Desgrais, le principal souci de l’armée burkinabé réside dans ses effectifs : “l’armée burkinabé, comme les armées sahéliennes, fait face à une multiplication de ses contrats opérationnels et reste très engagée à l’extérieur dans les opérations de maintien de la paix”. Ouagadougou fournit notamment à la MINUSMA, la mission onusienne au Mali, son contingent le plus important, plus de 1700 soldats.
Face à la crise sécuritaire dans son pays, le président Roch Marc Christian Kabore pourrait d’ailleurs se résoudre (selon les informations de la Lettre du Continent) à rapatrier l’un des deux bataillons présents au Mali.