Fil d'Ariane
Jusqu’à présent, pourtant, les autorités du Burkina Faso n’avaient pas donné suite à cette revendication. Dans les faits, en tout cas, car dans les mots, la junte au pouvoir depuis fin septembre 2022 met une certaine pression.
Il y a moins d’une semaine encore, le chef de la Transition Ibrahim Traoré, s’exprimant devant les étudiants de l’Université Joseph Ki-Zerbo, l’assurait : “Peut-être que dans les heures à venir, un certain nombre d'informations tendant à revoir nos relations avec certains États. Parce qu'il faut que nous révisions beaucoup de textes. Nous voulons être souverains et je ne souhaite pas qu'il y ait de la violence comme je l'ai dit.”
L’information aura, par la suite, fuité tout au long du week-end du 20 janvier sans confirmation ni à Ouagadougou ni à Paris.
En déplacement en Allemagne, le président français l’affirmait dimanche 22 janvier au soir : “Je pense qu'il faut garder beaucoup de prudence et veiller à ce qui est une spécialité de certains dans la région, qui peuvent avoir partie liée au demeurant avec ce que nous vivons en Ukraine - à savoir nos amis russes -, ne fassent pas de manipulation. Donc nous attendons des clarifications de la part de M. Traoré sur ce sujet”.
L’information aura donc été confirmée ce lundi midi par le porte-parole du gouvernement sur les ondes de la radio-télévision du Burkina Faso (RTB) : les troupes françaises basées dans le pays ont un mois pour en partir. Et pour le journaliste Antoine Glaser, il s’agit d’une surprise car “la France a essayé, jusqu’ à la dernière minute de retarder cette décision”. Ce fin spécialiste de l’Afrique rappelle, en effet, la visite le 9 janvier 2023 de la Secrétaire d’Etat française Chrysoula Zakaropoulou à Ouagadougou et son message selon lequel “la France n'impose rien, elle est disponible pour inventer un avenir ensemble”. Le message, adressé directement au numéro un burkinabé n’aura donc pas été entendu.
Le dispositif désormais sur le départ n’est pas le mieux connu. Et pour cause : il s’agit de Forces spéciales.
Dans le pays depuis la fin des années 2000, sous la présidence de Blaise Compaoré, le COS, le commandement français des opérations spéciales a ainsi déployé au Burkina Faso environ 400 hommes hyper entraînés, spécialisés dans les missions les plus sensibles. L’opération Sabre, très bien dotée en particulier en matière de renseignement, procède chaque année à une quarantaine de missions. Elle est spécialisée dans l'élimination des grosses pointures des réseaux djihadistes. RFI rappelle ainsi en novembre, au lendemain d’une précédente manifestation “anti-Sabre”, que ses soldats ont à leur actif les éliminations de Adnan Abou Walid al-Sahraoui, chef de l’EIGS (État islamique au Grand Sahara) tué en septembre 2021 et de Abdelmalek Droukdel, chef d’AQMI (Al Qaïda au Maghreb islamique) tué pour sa part en juin 2020 près de Tessalit au Mali. Ces forces spéciales françaises viennent des commandos de marine, de l'armée de l'air ou de l'armée de terre française.
L’opération Sabre est tout à fait indépendante de l’importante mission Barkhane dont la France a annoncé récemment la fin. Par défintion secrètes, les Forces spéciales ne participent officiellement à aucune formation de l’armée burkinabé. En clair, leur départ prochain est surtout problématique pour la France dans sa volonté d’assurer la sécurité au Sahel.
Ce départ forcé du territoire burkinabé va notamment poser une question importante à la France : où aller s’installer dans la mesure où les hommes de Sabre doivent pouvoir entrer rapidement en action et donc être assez près de leur théâtre d’opération ?
Installés depuis 2018 à Kamboinsin, dans la banlieue nord de Ouagadougou, on évoque en lieu et place deux destinations. Le sud du Niger, tout d’abord. Le plus cohérent compte tenu des missions de Sabre. “Par contre, mentionne Antoine Glaser, il ne faut pas oublier que, comme le Nord du Mai, nous sommes là dans une zone d’influence algérienne. Les Algériens sont très remontés contre le G5-Sahel et ils ont leur propre stratégie. Verront-ils d’un bon œil l’installation de forces spéciales françaises dans le nord du Niger” ?
Autre option évoquée, la Côte d’Ivoire. “Jusqu’à preuve du contraire, rappelle Antoine Glaser, le président Alassane Ouattara est plutôt favorable à la présence militaire française. Qu’il s’agisse des 900 soldats de l’ancien 43e BIMA rebaptisé les Forces françaises en Côte d’Ivoire, ou encore de l’Académie internationale contre le terrorisme. Aussi, on parle d’une installation à Yamoussoukro ou dans le nord de la Côte d’Ivoire”.
Le sujet devrait être abordé à Paris le 25 janvier. Le président Alassane Ouattara déjeunera ce jour-là à l’Elysée avec Emmanuel Macron.