Blaise Compaoré dans l’embarras ?
Durant ses nombreux mandats, de 1987 à 2014, Blaise Compaoré n’a jamais encouragé la justice à faire la lumière sur l’assassinat de son prédécesseur. Et pour une grande majorité des Burkinabés, ainsi que pour les proches du révolutionnaire, il serait même à l’origine de l’assassinat. "Qui l’a tué ? Ici au Burkina, on ne se pose plus la question, on le sait. Ce sont ceux qui ont pris le pouvoir après son assassinat qui l'ont tué. Maintenant pourquoi ont-ils fait ça ? C'est une réponse que l'on a pas encore," affirme Hien Jonas.
Malgré les procédures administratives et judiciaires engagées par Mariam Sankara (en 2008, la Cour africaine des droits de l'Homme avait ordonné l'autorisation des expertises nécessaires mais le gouvernement Compaoré ne s'est jamais résigné à le faire) l'affaire a stagné durant près de trois décennies.
Interrogé en avril 2014, un membre du gouvernement de Blaise Compaoré répondait : « On ne sait pas pourquoi c’est si long ». Une déclaration qui n'étonnait pas le président de la Fondation Thomas Sankara au Burkina Faso : « Vous savez ce que valent les démocraties chez nous en Afrique. Celui qui est aujourd'hui au pouvoir est à l'origine de la mort de Sankara. Tant qu'il sera au pouvoir et que les justices africaines ne seront pas totalement indépendantes, c'est tout à fait normal que cela traîne ».
Avant la chute du président Compaoré, la Présidence ne s’exprimait pas sur cette affaire. Victorien Sabadogo, le coordinateur du système d’information du gouvernement de l'époque, se voulait très clair: « au nom de la séparation des pouvoirs, le gouvernement ne peut pas commenter cette affaire. Il serait accusé de vouloir donner des orientations et de s’immiscer dans les affaires de la justice. Le gouvernement a une position mais il attend que la justice donne son verdict, car elle est indépendante ».
Difficile à croire pour Mariam Sankara interrogée en avril dernier. La veuve a déposé une plainte contre X et entamé de nombreuses procédures, restées sans suite. « Les procédures que Mariam Sankara a entamées sont périmées, selon Antoinette Ouedraogo, avocate de l'Etat burkinabé. En droit interne, aucune instance ne peut obliger le Burkina Faso à faire une enquête sur la mort de Thomas Sankara. »
L’exhumation du corps de l’ancien président, si tant est que ce soit bien lui, permettra peut-être de faire la lumière sur les circonstances de sa mort. Car officiellement, le certificat de décès indique toujours une "mort naturelle".
Au Burkina Faso, comme dans de nombreux pays d’Afrique, Thomas Sankara reste un modèle pour ceux qui ont vécu sous son régime, mais également pour la nouvelle génération. Avant-gardiste sur de nombreux sujets, comme le droit des femmes, le développement durable ou encore la diminution du train de vie de l’État, il a également ouvert son pays à l’international. Sa veuve le qualifie de "visionnaire". Il est d’ailleurs, souvent repris et cité par une panoplie d’artistes africains comme Awadi ou Tiken Jah Fakoly, qui accusent les gouvernements de tirer leur pays vers le bas.