Fil d'Ariane
“Si nous trouvons un opposant au sein du parti, nous lui fabriquerons un bateau. Nous le mettrons dans la Karonge, il sera charrié vers le lac Tanganyika”. Ces mots ont été prononcés par Melchiade Nzofabarushe, ancien chef de cabinet adjoint du président Nkurunziza et ancien vice-président de la ligue des jeunes du parti au pouvoir, lors d’un meeting mi-avril. Il avait alors menacé de “nourrir les poissons” avec le corps des opposants qui voteraient non au référendum du 17 mai prochain.
#BurundiAlerte 1. la campagne de menace de mort contre tte personne de l'opposition #Abakeba (terme utilisé par le parti de @pnkurunziza pour désigner tantôt les #Tutsi du Burundi tantôt les membre de l'opposition) bat son plein sur les collines. pic.twitter.com/l3ztScpSz3
— TEDDY MAZINA (@TEDDYMAZINA) April 28, 2018
La vidéo a été diffusée le week-end dernier, et très vite le CNDD-FDD, le parti au pouvoir, s’est désolidarisé de ses propos dans un communiqué :
Moins de 48 heures après la diffusion, ce responsable politique était arrêté puis jugé par le tribunal de grande instance de Bujumbura. Il a été condamné, lundi 30 avril, à 3 ans de prison pour "menaces d'attentat contre des personnes" et "faux bruits de nature à porter atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat".
Selon l’AFP, une source interne a minimisé la portée de cette arrestation, selon elle Melchiade NZofabarushe aurait été “sacrifié sans états d’âmes car il était en disgrâce depuis plusieurs mois.”
Réelle condamnation du pouvoir ou tentative de parer aux critiques internationales à la veille du lancement officiel de la campagne pour le référendum? Depuis quelques mois, des vidéos qui appellent à la violence envers les opposants politiques au pouvoir circulent sur les réseaux sociaux. Il y a un an, des membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir, les Imbonerakure étaient déjà mis en cause dans une vidéo sur laquelle ils chantaient en kirundi, appelant à “engrosser des opposantes pour qu’elles enfantent des Imbonerakure.”
Depuis, les opposants au pouvoir dénoncent un nombre grandissant de vidéos de ce type. Elles impliquent souvent des Imbonerakure, intégrés dans le système de sécurité burundais. Les membres de cette ligue, considérée comme une milice par l’ONU, sont accusés par plusieurs ONG d’être responsables de graves violations de droits de l’Homme depuis avril 2015, aux côtés de la police, des services secrets et de l’armée.
Mi-avril, l’ONG de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch a dénoncé une répression accrue au Burundi. L’ONG accuse les forces gouvernementales et les membres du parti au pouvoir d’avoir “tué, passé à tabac et intimidé des citoyens perçus comme des opposants”, en vue du référendum du 17 mai.
Dans un rapport publié en septembre 2017, une commission des Nations Unies a conclu qu’elle avait “des motifs raisonnables de croire que des crimes contre l’humanité ont été commis depuis avril 2015, et continuent à être commis au Burundi.”
Le gouvernement rejette en bloc ces accusations, le 1er vice-président du Burundi évoque pour sa part un “complot” contre le pays.
Cette montée de la violence dans le pays inquiète d’autant plus les ONG : la campagne référendaire commence officiellement le 1er mai, la date du référendum, elle est fixée au 17 mai prochain.
Le référendum devrait permettre au président Nkurunziza, élu au pouvoir en 2005, et ré-élu en 2015 pour un troisième mandat controversé, de briguer à partir de 2020 deux mandats supplémentaires de sept ans. Le projet est vivement critiqué par la communauté internationale.