Burundi : les Imbonerakure défilent dans la rue

Plus de 2.000 membres des Imbonerakure organisent une marche dans le nord-est du Burundi pour une démonstration de force, qui survient dans la foulée de la nomination d'un de leurs anciens chefs à la tête du ministère des Affaires étrangères du pays. 
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Imbonerakure
Membres des Imbonerakure à la poursuite d'opposants, dans la capitale burundaise Bujumbura, le 25 mai 2015 
©AP Photo/Berthier Mugiraneza
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Plus de 2.000 membres de la très contestée ligue des jeunes du parti au pouvoir au Burundi, les Imbonerakure, ont convergé vers le chef-lieu de la province de Muyinga (nord-est), dans la nuit de vendredi 20 avril 2018 à samedi 21 avril 2018, selon les témoignages des habitants. "Nous avons été réveillés par les chants, les sifflets et les danses des Imbonerakure qui ont commencé à affluer au centre-ville vers 02H00 du matin", a expliqué à l'AFP un habitant de cette ville, sous couvert d'anonymat.

Les différents groupes en provenance de toutes les collines des environs ont continué à affluer jusqu'à 06H00, avant qu'ils ne se retrouvent sur un terrain de football notamment pour des discours. Plusieurs habitants ont assuré à l'AFP n'avoir "pas fermé l'oeil de la nuit" car ils étaient "terrorisés", ne sachant pas ce qui se passait.

"Dépecer... les ennemis du Burundi"

Cette démonstration de force s'est déroulée à moins d'un mois d'un référendum constitutionnel qui permettrait au président Pierre Nkurunziza, 54 ans et au pouvoir depuis 2005, de briguer à partir de 2020 deux mandats de sept ans. Le projet a été critiqué par la communauté internationale, notamment l'Union africaine. 

Selon une source sur place, le secrétaire provincial du parti au pouvoir CNDD-FDD, Cyprien Sinzotuma, a expliqué aux Imbonerakure qu'ils allaient "+dépecer pour les rapaces+ les ennemis du Burundi".

Mercredi, l'Assemblée nationale du Burundi a adopté un projet de loi autorisant notamment les perquisitions de nuit et sans mandat d'un magistrat. Le texte autorise aussi les forces de l'ordre à procéder à des "perquisitions multiples", visant des quartiers entiers, et donne le droit de perquisitionner des systèmes informatiques.

Le projet de loi qui doit désormais passer devant le Sénat, a été dénoncé comme une atteinte à la démocratie par la société civile et l'opposition. "Le parti au pouvoir vient d'enterrer la démocratie au Burundi", s'est insurgé Pierre-Céléstin Ndikumana, président d'un groupe parlementaire de l'opposition.

Les Imbonerakure au pouvoir

Les Imbonerakure sont intégrés dans le système de sécurité burundais. Ils quadrillent le pays, contrôlant notamment les pistes d'accès aux pays voisins comme le Rwanda et la Tanzanie pour empêcher toute tentative de s'y réfugier. Ils assurent également des patrouilles nocturnes et ont érigé de nombreux points de contrôle sur les routes.

Qualifiée de milice par l'ONU, la très contestée ligue des jeunes du parti CNDD-FDD au pouvoir a vu son influence accroître encore un peu plus cette semaine, puisqu'à l'issue d'un remaniement ministériel annoncé ce vendredi 20 avril 2018, c'est désormais Ezéchiel Nibigira, ex-ambassadeur au Kenya et ex-patron des Imbonerakure qui occupe le ministère des Affaires étrangères, remplaçant Alain-Aimé Nyamitwe, en poste depuis mai 2015.

L'annonce en avril 2015 de la candidature de M. Nkurunziza à un troisième mandat avait plongé le Burundi dans une crise politique qui a fait depuis au moins 1.200 morts et plus de 400.000 réfugiés, et sur laquelle la Cour pénale internationale a ouvert une enquête. Les Imbonerakure sont accusés par de nombreuses ONG et l'ONU d'être responsables de graves violations des droits de l'homme depuis avril 2015, aux côtés de la police, des services secrets et de l'armée.