Cameroun : ajournement du procès du correspondant de RFI

Faute de preuves, RFI demandait la relaxe de son journaliste Ahmed Abba emprisonné au Cameroun depuis plus d'un an, mais le procès a été ajourné. Poursuivi pour complicité et non-dénonciation d’actes terroristes, il risque la peine de mort et a d'ores et déjà été torturé.
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ahmed abba
Ahmed Abba, correspondant de RFI au Cameroun, en détention depuis août 2015.
Capture d'écran du Twitter de RFI
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Après 10 minutes d'audience, le procès du journaliste Ahmed Abba a été ajourné suite à l'absence des experts chargés d'analyser ses ordinateurs et téléphones. Ceux-ci doivent remettre leur rapport au plus tard le 18 décembre. Si ce délai de rigueur n'est pas respecté, la défense demandera au juge une relaxe pure et simple d'Ahmed Abba. La prochaine audience est fixée au 4 janvier 2017.

La direction de Radio France Internationale (RFI) demandait pourtant la relaxe de son correspondant en langue haoussa au Cameroun. Le journaliste comparassais mercredi 7 décembre pour complicité présumée « d’actes de terrorisme ». « Un an, quatre mois et huit jours de détention, c’est insupportable quand on est innocent ! », écrit la radio publique française, très écoutée en Afrique, dans un communiqué daté du 5 décembre.

« L'audience du 7 décembre est la neuvième de son procès. Au nom de la présomption d'innocence et de la protection de l'ensemble de nos collaborateurs, nous avons mis à sa disposition des avocats dès son arrestation. Ceux-ci se sont très vite rendus compte que le dossier était totalement vide : aucune preuve des accusations contre lui ne pouvait être étayée. Et nous avons aujourd'hui la conviction qu'il est innocent», souligne Cécile Mégie, directrice de RFI. La radio rappelle aussi que « le commissaire du gouvernement a fini par reconnaître le 3 août dernier que les témoins ‘qui devaient apporter la preuve de (sa) culpabilité’ n'existaient pas ».

« Alors qu'Ahmed Abba est en prison depuis plus d'un an sans motif réel, nous demandons donc sa libération » insiste Cécile Mangin. Dans son communiqué, RFI conclut : « Ce mercredi 7 décembre, les juges devront donc se pencher pour la neuvième fois sur le cas d’Ahmed Abba, un journaliste dont le travail, vérifiable et vérifié, est irréprochable. La direction de France Médias Monde et de RFI souhaite que cette audience soit la dernière, et que la relaxe d’Ahmed Abba soit enfin prononcée. » 

Interrogé sur RFI ce mardi 6 décembre, Jean-Marc Ayrault, ministre français des Affaires étrangères, a réaffirmé le soutien de la France à Ahmed Abba : « Nous défendons ce journaliste qui faisait son travail, nous le savons, et qui est détenu dans des conditions que nous n’acceptons pas. Nous n’avons pas cessé de multiplier les interventions auprès des autorités camerounaises. Nous allons encore le faire ces prochaines heures car nous souhaitons effectivement sa libération. » 
 

Les conditions de détention d’Ahmed Abba sont en effet déplorables. « Pendant les trois premiers mois de sa détention, nous n'avons pas su où il se trouvait. Nous avons appris ultérieurement qu'il avait été torturé puis hospitalisé. A l'issue de cette mise au secret, il a pu regagner le circuit judiciaire normal et son procès a été organisé » signale Cécile Mégie. 

« Nous tenons beaucoup à la mobilisation des représentations françaises et européennes à Yaoundé, des journalistes, de Reporters Sans Frontières et d'Amnesty International autour du procès de notre correspondant. De part son métier, de fait, un journaliste peut être en contact avec des sources qui peuvent avoir trait au terrorisme ou des actions illégales. Il est donc important de faire comprendre qu'Ahmed Abba ne peut être condamné simplement parce qu'il est journaliste.  » ajoute Cécile Mégie.

Arrêté le 30 juillet 2015 au nord du Cameroun dans le cadre d'une opération antiterroriste, Ahmed Abba est poursuivi pour « complicité d'actes de terrorisme » et « non-dénonciation des actes de terrorisme » en lien avec les jihadistes nigérians de Boko Haram. Le journaliste, qui a toujours clamé son innocence, risque la peine de mort. Cette peine est prévue par une loi controversée de lutte contre le terrorisme en vigueur depuis fin 2014.