Fil d'Ariane
Un bâtiment isolé.
Il est désormais cerné par les herbes folles, et surveillé par l'unité d'élite de l'armée camerounaise. Voici, une des nombreuses écoles abandonnées dans la région du sud-ouest du Cameroun, l'épicentre de la crise anglophone.
Il y a encore quelques semaines, cette salle de classe servait de camp de base à un groupe de séparatistes anglophones. Ces hommes affrontent depuis des mois, les hommes du lieutenant-colonel Nko'o Ella.
Il dirige une unité du Bataillon d'Intervention Rapide, le BIR, les forces spéciales qui ont pris d'assaut cette école fantôme pour en déloger les sécessionnistes.
"Ils avaient établis une base ici, ils campaient ici, et je crois que là ce sont les restes de leurs vêtements, qui continuent de traîner au sol. dit le commandant de l'opération Alpha. Et le haut-gradé, d'ajouter : "vous avez la une trace de sang qui est une indication de l'un d'eux a dû fortement saigner !"
Sur le tableau, la date du dernier cours dispensé dans cet établissement.
Ils y ont fait inscrire les paroles de l'hymne de leur État autoproclamé, l'Ambazonie. Une proclamation qui a fait basculer cette crise identitaire en guerre ouverte.
Parmi les victimes collatérales, des dizaines de milliers d'élèves. Aza, est l'un d'entre eux. Il a 14 ans. Il rêvait de faire des études et de devenir maçon. Mais depuis presque deux ans, il n'a plus suivi de formation.
"À cause de cette guerre, à cause des tirs de l'armée, tous nos enseignants ont fui, et ne viennent plus à l'école. indique t-il. Cet ancien élève en classe de 4eme technique est désabusé. L'espoir que j'avais de devenir maçon est aujourd'hui perdu... Je ne sais pas quand nous pourrons reprendre le chemin de l'école.."
Des écoles qui sont aussi prises pour cibles par les séparatistes qui prônent un boycott de l'éducation dispensée par le gouvernement camerounais. De nombreux établissements comme celui-ci ont été incendiés. Des départs de feux attribués par les autorités aux indépendantistes qui dénoncent la mainmise des francophones sur le système éducatif anglophone. Des incendies incompréhensibles pour le gardien de ce lycée ravagé par les flammes.
"Il y a des gens qui ne veulent pas que les enfants étudient ou viennent à l'école," soutient le veilleur de nuit. "Les élèves avaient l'habitude de venir ici, notamment ceux qui n'avaient pas les moyens de s'acheter des livres, ils en trouvaient ici. Tous ces livres ont été brûlés !" ajoute t-il, la mort dans l'âme.
A quelques jours de la présidentielle, il n'y a toujours aucun espoir de reprise des cours dans les deux régions anglophones frondeuses. Et le nombre d'établissements fermés a encore augmenté à l'approche de cette élection à hauts risques.
Un scrutin qui verra s'affronter neuf candidats dont le président sortant Paul Biya. À 85 ans dont 36 au pouvoir, le président sortant est candidat a un septième mandat de sept ans.