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La vidéo avait provoqué l'indignation au Cameroun. En juin, la vidéo sexuelle d'une jeune femme de 24 ans, entretenant des rapports sexuels dans le bureau d'un célèbre journaliste a été diffusée sans son consentement sur les réseaux sociaux.
Les images de la vidéo sexuelle, ou sextape, ont été tournées dans le bureau du journaliste Martin Camus Mimb, directeur de Radio Sport Info, basée à Douala, dans le sud du pays.
M. Mimb a, dans un premier temps, expliqué que deux visiteurs, la jeune Malicka et Wilfrid Eteki, chef traditionnel et ami du journaliste, avaient profité de son absence pour entretenir des rapports sexuels dans son bureau, promettant d'engager des poursuites.
Mais rapidement accusé lui-même d'avoir pris part aux ébats, M. Mimb a regretté "cette situation malheureuse". "Malicka, toi dont la dignité et l'honneur ont été bafoués, je te demande pardon", a imploré dans une lettre le journaliste, sans parvenir à éteindre la polémique.
Depuis, des internautes et associations de défense des droits des femmes dénoncent la banalisation du sexisme et des violences sexuelles au Cameroun.
Les avocats de la jeune femme, Malicka, ont déposé une citation directe pour que les deux hommes impliqués dans l'affaire soient entendus par un tribunal. Le parquet n'a pour l'heure pas donné suite et l'un d'entre eux, Guy Olivier Moteng, a annoncé un dépôt de plainte dans les prochains jours, sans préciser les motifs..
Après la diffusion de la sextape, une mobilisation est apparue sur les réseaux sociaux, pour dénoncer et sensibiliser sur les violences sexuelles et sexistes. Minou Chrys-Tayl, une des figures de cette mobilisation et militante féministe, a appelé les victimes à libérer leur parole, et des témoignages de femmes ont commencé à affluer, rapporte-t-elle.
Retrouvez mon interview sur la culture du viol au Cameroun sur @bbcafrique
— Minou Chrys-tayl (@MinouChrystayl) July 7, 2021
" L'activiste féministe Minou Chrys-Tayl initie régulièrement des campagnes sur les réseaux sociaux pour inciter les victimes d'abus à rompre le silence." https://t.co/GXENCusVVm
Le Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap) avait estimé en janvier 2016 que plus d'un tiers des femmes au Cameroun avaient subi des cas de viol ou d'agression sexuelle dans leur vie.
"Nous vivons dans une société où les bourreaux ne sont jamais attaqués, ni par la société ni par la justice", explique l'écrivain Félix Mbetbo, auteur du livre "Coupez-leur le zizi", un recueil de témoignages de victimes d'agressions sexuelles.
"En tant que femme entrepreneure, je suis confrontée au quotidien, non pas au harcèlement sexuel, mais au chantage sexuel. Lorsque je suis allée dans certaines entreprises déposer un dossier marketing pour solliciter un accompagnement, une publicité par exemple, il est arrivé, à plusieurs reprises, qu'on me dise :"Si tu me donnes la chose là (sexe), ça va aller facilement"", témoigne Valgadine Tonga. "C'est difficile en tant que femme de travailler", poursuit-elle.
L'affaire de la sextape a fait apparaître des dissensions au sein même du gouvernement : des personnalités du monde politique avaient apporté leur soutien au journaliste, dont un ministre de premier plan qui a par la suite effacé ses propos des réseaux sociaux.
Marie Thérèse Abena Ondoua, ministre de la Promotion de la femme et de la famille, a pour sa part dénoncé des "actes abominables et malsains qui font de la jeune femme un objet et un objet sexuel sans valeur".
La Commission des droits de l'Homme du Cameroun a condamné avec "force la capture et la diffusion à travers les réseaux sociaux (...) d'images et de vidéos indécentes, choquantes ou violentes, qui portent gravement atteinte à la dignité humaine".
Malicka est aujourd'hui "très affectée par le fait que son image ait été étalée à travers le monde. Son image est complètement brisée", regrette Dominique Fousse, avocate de la jeune femme. "Sa famille a décidé de la faire suivre par un psychologue. Le suivi a commencé", ajoute-t-elle.
Au Cameroun, "le problème des violences sexuelles est extrêmement fort car il y a un problème de non-reconnaissance de l'humanité des femmes", affirme Minou Chrys-Tal. Selon elle le harcèlement sexuel est un "fléau que nous retrouvons à la tête de nos institutions, dans les petits bureaux, dans les maisons avec les employées de maison".