Cameroun : l’association camerounaise Tell And Be Africa, promeut le merveilleux dans le cinéma africain

À l’initiative de l’association Tell And Be Africa (TABA), une résidence d’écriture pour des courts métrages merveilleux africains se tient depuis le 20 mars dernier, et ce jusqu’au 02 avril prochain, à Yaoundé, la capitale camerounaise. Six jeunes cinéastes venus du Burkina Faso, du Sénégal, du Bénin et du Camerou ont été sélectionnés à partir de projets de scénarios parmi une centaine de candidatures. Ces jeunes cinéastes vont recevoir chacun un million et demi de FCFA au terme de la résidence, afin de les aider à produire leurs courts métrages dans leurs pays d’origine.   
 
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conf de presse
Conférence de presse de présentation de la résidence d'écriture Tell And Be Africa (TABA), à la Maison de la radio, à Yaoundé, au Cameroun, le 21 mars 2023, en présence (de gauche à droite) de Yolande Ekoumou Samba (réalisatrice - vice-présidente de TABA), François Marc Modzom (journaliste), Mary-Noël Niba (réalisatrice - présidente de TABA) et Sébastien Maitre (réalisateur).
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En avril 2022, l’association Tell And Be Africa (TABA), fondée et présidée par la productrice et réalisatrice camerounaise Mary-Noël Niba, lance un appel à projets de courts métrages merveilleux. Partant du constat que la jeunesse africaine ne peut être réduite aux difficultés, nombreuses, auxquelles elle est confrontée, l’association TABA souhaite à travers cette initiative, aider les cinéastes à raconter les histoires merveilleuses que vivent les jeunes africains au quotidien.

De jeunes cinéastes heureux

Pour cette première édition, l’appel s’adressait aux cinéastes qui vivent sur le continent, et qui pouvaient être disponibles pour une résidence d’écriture d’une dizaine de jours au Cameroun courant 2023. Sept mois plus tard, en novembre 2022, l’association Tell And Be Africa dévoile une liste de six personnes dont les projets ont été retenus par son comité de sélection. Parmi elles : Pingdewinde Hyacinthe Tiemtore du Burkina Faso, Régis Francky Nathanaël Tohouegnon du Bénin, Binta Diallo du Sénégal, Afunfege Evita, Amadou Bouna Guazong et Ariane Astrid Atodji, tous originaires du Cameroun.

Participants
Cinq des six participants à la résidence d'écriture Tell And Be Africa (TABA), échangent sur leurs projets respectifs, à l'hôtel Mont Fébé, à Yaoundé, au Cameroun, le 25 mars 2023.
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Un résultat inattendu pour la jeune cinéaste Evita Afunfege, originaire de Bamenda, dans le nord-ouest anglophone camerounais. « Dans ma ville natale de Bamenda, précise la jeune femme, je connais de nombreux bons scénaristes qui ont aussi soumis des projets. Voir mon nom sur cette liste était un délice. » Quant au cinéaste béninois Régis Francky Nathanaël Tohouegnon, sélectionné lui aussi pour cette résidence, il dit avoir été saisi par un sentiment merveilleux. « Je ne saurai décrire avec des mots cette sensation de satisfaction, précise-t-il. Les efforts finissent toujours par payer. »  

Une réappropriation de l’identité africaine

Depuis le 20 mars dernier et ce jusqu’au 02 avril prochain, les six cinéastes sont en résidence d’écriture à Yaoundé, la capitale camerounaise. Grâce à l’encadrement du réalisateur, scénariste et écrivain français Sébastien Maitre, ainsi que des réalisatrices camerounaises Yolande Ekoumou Samba et Mary-Noëlle Niba, chaque cinéaste est accompagné dans la réécriture de son scénario. A l’issue de cette opération, les participants recevront chacun une aide symbolique d’un montant d’un million et demi de FCFA (environ 2275 euros) pour la production de leur court métrage.  

Maitre
Réalisateur, scénariste et écrivain français, Sébastien Maitre (de dos), fait la revue du séquencier de la jeune cinéaste camerounaise Ariane Astrid Atodji, dans la salle de travail de l'hôtel Mont Fébé, à Yaoundé, au Cameroun, le 26 mars 2023.
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Spécialisée dans la promotion de la culture africaine, l’association Tell And Be Africa se bat pour une réelle réappropriation de l’identité culturelle africaine. Elle est à l’initiative du Ciné-club N’kah [en nguemba, l’une des nombreuses langues parlées au Cameroun, N’kah signifie lumière, NDLR], qui permet au grand public, et en particulier aux jeunes, de découvrir ou de redécouvrir les films et les cinéastes africains. Quelques-uns de ces derniers sont régulièrement invités à Yaoundé ces derniers mois, pour parler de leur trajectoire et aller à la rencontre du public camerounais.   
 
TV5MONDE : Comment est née l'idée de cet appel à projets, et à quels besoins répond-t-il sur le continent ?

Mary-Noël Niba : L’Association Tell And Be Africa (TABA), dont je suis la fondatrice, a pour objectif majeur la promotion de la culture africaine. Elle milite pour une réappropriation de notre identité africaine. Sa première action a été la création du Ciné-club N’kah, qui permet au grand public et aux jeunes, de revisiter les films africains connus ou non. Cette activité met en exergue la manière dont le cinéma nous permet d’exister, de parler de nous et d’être nous-mêmes. Mais également de permettre aux jeunes et moins jeunes d’apprendre à se raconter au monde de manière positive, afin d’étouffer cette tendance misérabiliste qui caractérise notre discours habituel.

Nous pensons que pour que les Africains puissent faire face à tous les défis, ils doivent prendre conscience de leur force et de leur pouvoir de résilience.

Mary-Noël Niba, productrice et réalisatrice camerounaise

C’est ainsi que l’Association Tell And Be Africa, pour pallier une insuffisance de films inspirants qui valorisent et subliment la jeunesse africaine, a décidé de lancer un appel à projets sous le thème du « Merveilleux ». Parce que nos jeunes vivent aussi au quotidien des histoires merveilleuses, nous avons le devoir de les raconter afin de les conforter dans ce qu’ils valent vraiment, de la force qu’ils représentent pour leur devenir.

(Re)lire : "Disparition : Jules Takam, cinéaste camerounais aussi discret que talentueux"

Nous pensons que pour que les Africains puissent faire face à tous les défis, ils doivent prendre conscience de leur force et de leur pouvoir de résilience. Il faut pour cela sans cesse armer les plus jeunes en leur faisant prendre conscience de leur capacité à faire bouger les choses, à changer leur monde.

TV5MONDE :  Vous avez reçu près d'une centaine de candidatures, et vous en avez retenu six. Comment s'est déroulée la sélection ?

Mary-Noël Niba : Dans les délais, nous avons effectivement reçu près d’une centaine de projets, parmi lesquels nous avons eu du mal à trouver ce que nous recherchions. Le jury était composé de Yolande Ekoumou Samba, réalisatrice camerounaise et vice-présidente de l’association TABA, Léontine Nlomngoi, traductrice camerounaise et cinéphile, et moi-même. Pour notre sélection, nous avons tenu compte de la maîtrise de l’écriture du scénario, de la qualité de l’histoire racontée, du respect de la thématique du merveilleux et de la capacité à inspirer positivement la jeunesse.

Niba
La présidente de l’association Tell And Be Africa (TABA), la réalisatrice et productrice camerounaise Mary-Noël Niba, répond aux questions des journalistes après la conférence de presse de présentation de la résidence d'écriture le 21 mars 2023.
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Nous avons retenu dans notre liste finale, des films qui sont réalisables avec peu de moyens. Car comme vous le savez bien, le problème de notre cinéma reste les moyens financiers pour produire un projet. Nous avons également tenu à faire une sélection diversifiée des projets, aussi bien culturellement que par le genre cinématographique à explorer.

TV5MONDE : La résidence a commencé depuis quelques jours. A ce stade, quel bilan pouvez-vous tirer de cette première édition ? Avez-vous eu des surprises ?

Mary-Noël Niba : Après une semaine de travaux intenses avec notre expert de ce genre d’écriture pour la jeunesse, Sébastien Maitre, réalisateur, scénariste et écrivain français, dont le film « Debout Kinshasa » a marqué notre public, nous avons eu le loisir d’explorer chaque projet tous ensemble, ou en prenant chaque candidat seul devant les encadreurs que nous sommes. Nous avons pu faire retravailler le projet de chaque participant en l’aidant à faire sortir de ses tripes les facettes de l’histoire qu’il n’osait pas explorer.

Atelier
Séance de travail avec tous les participants à la résidence d'écriture et leur encadrement, à l'hôtel Mont Fébé, à Yaoundé, le 22 mars 2023.
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C’est un peu violent et souvent très désagréable pour celui qui écrit son projet, de voir qu’on lui montre qu’il n’a pas fait 30 % ou moins de son écriture. Mais après les tensions, tout le monde est content de savoir que l’histoire et l’écriture ont été vachement enrichies. C’est le but recherché. Nous poussons les candidats à puiser au fond d’eux pour que le squelette de l’histoire soit consolidé avant d’être habillé. Nous pouvons dire que cet exercice est nécessaire, car ce n’est pas facile de se raconter, et encore plus difficile de raconter des histoires positives dans un monde où on a toujours tendance à dire que tout va mal.

Après les deux semaines de résidence, certains auront peut-être bien réécrit leur projet. Mais d’autres auront, nous l’espérons et travaillons pour, tout au moins un squelette mieux abouti, qu’ils devront habiller. Nous n’avons pas beaucoup de surprises, étant dans notre domaine de prédilection, et nous sommes suffisamment conscients des problèmes qui nous entourent.

TV5MONDE : Quand et où les six courts métrages vont-ils être réalisés, et pour quelle diffusion ?

Mary-Noël Niba : Il est prévu que les projets soient réalisés cette année, chacun dans le pays d’origine, dès que nous aurons validé la version finale du scénario et trouver les fonds en industrie ou en numéraire, à mettre à la disposition des réalisateurs et réalisatrices. Nous y travaillons depuis le début, rien de facile.

(Re)voir : "Le teaser du documentaire "La France est un label", du jeune cinéaste camerounais Amadou Bouna Guanzong (participant à la résidence d'écriture TABA)"

En ce qui concerne la diffusion, ce sont des films cinéma qui suivront, nous le souhaitons, le même circuit que ceux du genre : festivals, sortie en salles, télévisions… Et surtout, nous aurons créé une collection de films inspirants pour notre jeunesse, et pour le bonheur des cinéphiles du Ciné-club N’kah.

TV5MONDE : Quelles perspectives pour cet appel à projets, une deuxième édition aura-t-elle lieu ?

Mary-Noël Niba : Nous ne comptons pas nous arrêter à une seule édition. Nous prévoyons déjà de lancer la prochaine édition, puis d’autres au fil des années. Etant donné que le but est de rendre disponible au maximum des films de qualité, exaltant le merveilleux pour inspirer une jeunesse forte et positive.

(Re)voir : "Le court métrage intitulé Souk, du jeune cinéaste Burkinabé Pingdewinde Hyacinthe Tiemtore"

Nous avons donc pour cela besoin de l’accompagnement de tous. Nous en profitons pour remercier nos partenaires pour cette première édition, parmi lesquels le gouvernement du Cameroun, TV5MONDE, CANAL PLUS University, LUMAN Communications, CRTV (la chaîne de télévision publique camerounaise)…