Cameroun/ Nigéria : une frontière sous haute tension
Alors que les islamistes de Boko Haram commettent des attentats à répétition au Nigéria, le Cameroun voisin a depuis quelques mois mobilisé ses forces armées à la frontière entre le deux pays. Une manière d’empêcher les djihadistes de s’infiltrer ou de se replier au Cameroun.
Au Cameroun, le Bataillon d'Intervention Rapide (BIR), une unité d'élite de l'armée qui agit contre le grand banditisme transfrontalier, poursuit sa traque de Boko Haram. « Notre priorité est d’empêcher l’installation d’une base de Boko Haram au Cameroun » affirme une source sécuritaire camerounaise sous couvert d’anonymat. Environ 300 soldats du BIR gardent la frontière dans l’extrême nord du Cameroun. « Avant, Boko Haram s’infiltrait dans notre pays car il était une base de repli lorsque les membres de la secte étaient poursuivis au Nigéria. Mais aujourd’hui, ils se méfient car ils savent que ce ne serait pas bon pour eux d’être sur deux fronts (contre les forces nigérianes et camerounaises, ndlr) ».
Dans la nuit du 23 au 24 juin, huit membres de la secte islamiste auraient été abattus par les forces du Bataillon d’Intervention Rapide, peut-on lire sur le site de Camer.be. 48 autres djihadistes auraient été interpellés. Quelques jours avant, le BIR, aurait réussi à tuer 118 membres de la secte lors de violents combats dans l’extrême nord du Cameroun, rapporte le site d’information Afrik.com .
Les actions contre les djihadistes sont de plus en plus fréquentes et organisées. Seulement, il reste encore difficile pour le BIR de contrôler la nébuleuse, puisqu’il ne dispose par de « droits de poursuite » sur le territoire nigérian. De plus, Boko Haram bénéficierait d’une aide en provenance du Nigéria.
L’observation de la stratégie de Boko Haram et ses agissements laissent fortement penser aux soldats du BIR qu’« il y a énormément de collusion entre la secte et des personnalités politiques et militaires au Nigéria. L’approvisionnement en armes des islamistes et la faible riposte de l’armée nigériane face à certaines attaques laissent planer des doutes » confie la source sécuritaire camerounaise.
Elle explique que « lors d’une surveillance, les forces alliées (Américains) ont assisté à une attaque d’une base par Boko Haram. L’Etat major nigérian a aussitôt été prévenu mais il n’a pas réagi. Il a prétendu le contraire, sauf que nous avions assisté à la scène et nous ne les avons pas vu agir ».
Grâce à leurs contacts et leurs complices, les islamistes auraient les moyens de se ravitailler en armes via des avions militaires et porteraient des uniformes de l’armée régulière nigériane. Une stratégie qui expliquerait, en partie, le succès des attaques de Boko Haram au Nigéria. Face à ces méthodes douteuses, « certains politiques camerounais auraient de la sympathie pour ces méthodes nigérianes » suspecte cette même source.
La « complicité », c’est également ce qu’évoquait le journaliste d'origine camerounaise, Louis Keumayou, dans un article paru sur le site de TV5MONDE. En effet, en vue de l’élection présidentielle de 2015, certains hommes politiques et militaires du nord tenteraient de se rapprocher de la secte (qui contrôle une grande partie du nord du pays) pour prendre le pouvoir dans cette région.
Le BIR possède une formation de lutte contre le terrorisme qui implique la préparation aux prises d’otage et kidnappings. Début juin, trois religieux enlevés deux mois plus tôt dans le nord du Cameroun ont été libérés puis escortés par le BIR jusqu’à Yaoundé. Ils s’agissaient de deux prêtres italiens et d’une religieuse canadienne.
« Mon nez me dit qu’il y aura une autre tentative de libération très prochainement. Parmi les Chinois enlevés dans le parc de Waza mi-mai, certains sont morts. Stratégiquement, des macchabées ne leur servent à rien. Ils vont surement essayer d’échanger les Chinois encore en vie » prédit la source camerounaise.
Au Cameroun, les principales activités de Boko Haram sont les attaques à main armée, les enlèvements, le trafic d’armes et de drogue ou encore le braconnage. Après le rapt des 200 lycéennes (dont on est toujours sans nouvelles) le 14 avril dernier, les derniers faits d'actualité sont sanglants : les djihadistes s’en sont pris à des centres de visionnage des matches de la Coupe du monde et des églises faisant des dizaines de morts en quelques jours. Face à cette menace djihadiste, le Cameroun a longtemps été accusé de ne pas réagir. Lors du sommet consacré à la sécurité au Nigéria à Paris, le 17 mai dernier, le président camerounais Paul Biya avait alors pris la décision de s’engager militairement dans cette lutte contre le terrorisme. A terme, 3 000 soldats de l'unité spéciale du BIR devraient être déployés.