
Fil d'Ariane
L'Algérie a exprimé sa "consternation" lundi après le rappel des ambassadeurs à Alger du Mali, du Niger et du Burkina Faso qui l'ont accusée d'avoir abattu un drone en territoire malien, et rappelé ses ambassadeurs dans ces pays ou différé leur arrivée, annonçant aussi la fermeture de l'espace aérien avec le Mali. Mais quelles sont les raisons plus profondes de cette crise entre Alger et Bamako ?
Images de Assimi Goita, homme fort du pouvoir militaire à Bamako et du président Tebboune à Alger. Images AP.
Le Mali mais aussi le Niger et le Burkina Faso accusent les forces algériennes d'avoir abattu un drone malien sur le territoire malien. Le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont rappelé leurs ambassadeurs à Alger, qui a aussitôt répliqué.
L'Algérie a rejeté, dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères, les "graves accusations" portées par le Mali qui affirme qu'elle a abattu l'un de ses drones sur le territoire malien. Selon Alger, les données radars de son ministère de la Défense "établissent clairement la violation de l'espace aérien de l'Algérie" par un drone de reconnaissance venu du Mali.
Le ministère de la Défense nationale algérien avait annoncé le 1er avril "vers minuit, à proximité de la ville frontalière de Tinzaouatène un drone de reconnaissance armé ayant pénétré notre espace aérien". "Il ne s'agit pas de la première violation par un drone malien de l'espace aérien de l'Algérie."
Selon le gouvernement malien, l'épave du drone a été localisée à 9,5 kilomètres au sud de la frontière avec l'Algérie.
Les relations entre le Mali et son grand voisin du nord n'ont cessé de se dégrader ces dernières années, avec déjà un rappel réciproque d'ambassadeurs en décembre 2023 qui avait duré moins de deux mois.
Le Mali reproche à Alger d'entretenir une "proximité avec les groupes terroristes", notamment dans la région frontalière, où l'armée malienne et ses alliés russes ont subi en juillet dernier de lourdes pertes face à une rébellion à majorité touareg.
En janvier 2024, la junte malienne avait annoncé la "fin, avec effet immédiat", de l'accord de paix d'Alger, signé en 2015, longtemps jugé essentiel pour stabiliser le pays. Le Mali est confronté depuis 2012 à une crise sécuritaire nourrie par les violences de groupes affiliés à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique (EI), et de groupes armés communautaires. En 2015, sous le patronage d'Alger, le pouvoir malien et une partie du mouvement Azawad avaient signé un accord de paix.
Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes djihadistes liés à Al-Qaïda, dont Ansar Dine. Ils avaient coupé le pays en deux pendant neuf mois. Ces djihadistes ont été dispersés et, en grande partie, chassés par une intervention militaire internationale lancée en janvier 2013 à l'initiative de la France avec l'opération Serval puis Barkhane. La France s'est occupée du dossier militaire. Alger a repris le dossier politique.
En juin 2015, Bamako et deux coalitions de groupes armés issus du nord du pays, la Plateforme et la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA), fédération de mouvements entrés en rébellion contre l'État, signaient, à Bamako, un accord pour restaurer la paix au Mali.
Le texte définitif avait été adopté sous une supervision internationale dont l'Algérie était la cheffe de file avec la France ou la Mission des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma).
Mais le pouvoir militaire malien arrivé aux affaires grâce à deux coups d'Etat décide de couper les liens avec la France, la Cédéao et l'ONU. Les forces françaises quittent le Mali et les soldats de la Minusma se retirent du Mali.
Le nouveau pouvoir militaire malien tente alors de se réimplanter dans le nord du pays avec le soutien de groupes mercenaires russes en 2023 au moment où se retiraient les forces de la Minusma. L'accord de paix est devenu de fait moribond. Le 30 novembre 2023 des groupes séparatistes touaregs créent le FLA, le Front de Libération de l'Azawad. Les combats reprennent entre l'armée malienne et le FLA.
En janvier 2024 Bamako décide de se retirer donc des accords d'Alger. Le FLA est basé Tinzaouatène, près de la frontière algérienne. C'est dans cette zone que le drone malien a été abattu par l'armée algérienne selon le pouvoir malien.
Carte des derniers affrontements entre des militants indépendantistes de l'Azawad et les forces maliennes.
Le Mali reproche à Alger d'entretenir une "proximité avec les groupes terroristes", notamment dans la région frontalière, où l'armée malienne et ses alliés russes ont subi en juillet dernier de lourdes pertes face à une rébellion à majorité touareg.
Alger et le pouvoir militaire de Bamako ont pourtant un allié commun, Moscou.
L'Algérie achète essentiellement du matériel russe et vient de confirmer l'achat de Sukhoi 57, l'avion de chasse russe le plus moderne.