Fil d'Ariane
Le président de la Centrafrique Faustin Archange Touadéra a annoncé le 30 mai qu'il soumettrait au référendum une nouvelle Constitution. Cela lui permettrait de briguer un troisième mandat, ce que lui interdit l'actuelle loi fondamentale. La date a été fixée au 30 juillet par décret du gouvernement.
Faustin Archange Touadéra, président de la République Centrafricaine lors du sommet de la COP.27 le 7 novembre 2022, à Charm-el-Check en Égypte.
Faustin Archange Touadéra a été élu en 2016 puis réélu en 2020 alors que moins d'un électeur sur trois a eu la possibilité d'aller aux urnes pour des raisons de sécurité. Il est accusé par l'opposition et la rébellion de vouloir, en se faisant réélire en 2025, rester "président à vie" du deuxième pays le moins développé du monde, selon l'ONU.
L'organisation internationale reproche en outre au régime du chef de l'Etat, au diapason des capitales occidentales et des ONG, d'avoir mis la Centrafrique sous la coupe des mercenaires russes de Wagner pour combattre les rebelles.
"J'ai décidé (...) de soumettre au référendum le projet d'une nouvelle Constitution", a déclaré le chef de l'État dans un message à la Nation enregistré et posté sur la page Facebook de la présidence. Il ne précise rien de son contenu.
"Il n'y aura pas de troisième mandat, mais les compteurs seront remis à zéro" avec une nouvelle Constitution, "et il y aura un nouveau mandat que tout le monde pourra briguer, y compris le président Touadéra s'il le souhaite", a cependant aussitôt affirmé à l'AFP Fidèle Gouandjika, ministre conseiller spécial du président.
Le 22 septembre 2022, Faustin Archange Touadéra avait essuyé un revers juridique quand la Cour constitutionnelle avait annulé un de ses décrets mettant en place un Comité chargé de rédiger une nouvelle constitution.
La Cour invoquait notamment le fait que le Sénat, chambre haute du Parlement et prévu dans la précédente Constitution, n'avait toujours pas été mis en place.
Le pouvoir a mis à la retraite d'office en janvier 2023 la présidente de la Cour constitutionnelle Danièle Darlan, principale artisane de l'invalidation.
Et le Mouvement Coeurs Unis (MCU) de Touadéra, archi majoritaire à l'Assemblée nationale avec l'appoint de partis satellites, a multiplié les manifestations pour fustiger la juridiction suprême et réclamer une nouvelle Constitution par voie référendaire.
"Le Peuple est au-dessus de la Constitution" et c'est "sur les demandes pressantes et légitimes du Peuple souverain de doter notre pays d'une nouvelle Constitution" qu'Archange Touadéra a annoncé ce 30 mai ce référendum dans son discours.
"Cette nouvelle constitution sera rédigée pour que M. Touadéra reste président à vie", a commenté pour l'AFP Nicolas Tiangaye, ancien Premier ministre et membre du Bloc Républicain pour la Défense de la Constitution (BRDC), une plateforme de l'opposition. "Qui plus est, la Cour constitutionnelle est illégitime depuis l'éviction de Madame Darlan et aucun référendum ne peut avoir lieu sans un président du Sénat, ce référendum se fera donc dans l'illégalité", a ajouté l'avocat.
Une guerre civile très meurtrière avait éclaté en 2013 quand une alliance rebelle dominée par les musulmans, la Séléka, a renversé le président François Bozizé. Ce dernier a mobilisé des milices d'auto-défense à majorité chrétienne et animistes, les anti-balakas, pour tenter de reprendre le pouvoir.
Des milliers de civils ont été massacrés jusqu'au paroxysme de la guerre en 2016 et l'ONU a accusé Séléka et anti-balakas de crimes contre l'Humanité, malgré la présence d'une importante force de maintien de la paix de Casques bleus.
En 2020, les plus puissants des groupes rebelles, qui occupaient alors plus des deux tiers du territoire, se sont rassemblés pour lancer une vaste offensive sur Bangui.
Le présidentTouadéra a appelé Moscou à la rescousse de son armée démunie et des centaines de mercenaires de la société de sécurité privée Wagner sont venus renforcer des centaines déjà présents depuis 2018.
Ils ont permis de sauver le régime et de repousser les rebelles de la majeure partie des territoires qu'ils occupaient et qui mènent désormais des opérations de guérilla.