Centrafrique : les diamants, l'autre enjeu de la guerre
Souvent ignorée, rarement évoquée, l'économie du diamant en République Centrafricaine est pourtant bien réelle. Elle représente même un enjeu majeur pour les différentes factions qui ne cessent de s'affronter dans le pays. Le commerce illégal des pierreries centrafricaines fait l'objet d'une contrebande féroce, quand il ne sert pas, avec l'argent récolté, à armer et payer des mercenaires. Reportage exclusif et témoignages dans le "64', le Monde en Français"
Selon un rapport d'une agence scientifique du gouvernement américain, les sols de l'Ouest et l'Est de la RCA contiennent encore environ 39 millions de carats de diamants, ce qui représente deux fois plus que le total de la production du pays depuis 1931.
(photo AFP)
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Il y a dix huit mois, à Boda, dans l'ouest de la République Centrafricaine, les patrons de ces mines de diamants a ciel ouvert étaient musulmans. Désormais, ce sont les chrétiens qui assurent l'extraction. Ils travaillent chaque jour la peur au ventre. Tous redoutent une attaque d'hommes en armes qui leur extorqueraient leur production. Demain, la plupart des pierres sortiront du pays en contrebande, souvent par avion. Dans l'histoire de la Centrafrique, depuis l'exploitation du diamant en 1927, jamais l'argent de ce commerce n'a servi au développement du pays. En un an, les exportations légales ont été divisées par trois, ce qui donne une idée du trafic. Un rapport de l'US geological survey, une agence scientifique du gouvernement américain, publié en 2010, révélait que les sols de l'Ouest et l'Est de la RCA contenait sans doute encore environ 39 millions de carats de diamants soit deux fois plus que le total de la production du pays depuis 1931.
Le pouvoir centrafricain a longtemps puisé dans la manne diamantifère du pays. Ainsi, Jean Bedel Bokassa en raffolait. L'ex Président n'hésitait pas à offrir des plaquettes entières à ses amis étrangers. Ce qui n'est pas sans conséquence. Le 10 octobre 1979, 21 jours après sa chute, l'affaire des diamants éclate en France. Le Canard Enchaîné révèle qu'en avril 1973 Valérie Giscard d'Estaing, alors Ministre des Finances, a reçu plusieurs plaquettes de diamants. La première est estimée approximativement à un million de francs (environ 150000 euros). Le scandale est immense et pèsera au moment du scrutin présidentiel, en 1981. Ange-Félix Patassé, ancien Premier ministre de Bokassa est élu président de la RCA en 1993. Il sera propriétaire d’une compagnie minière, la Colombe Mines et, sous son autorité et avec une bénédiction intéressée , il permettra à nombre de chercheurs de se soustraire au code minier. Le journaliste Stephen Smith écrit dans Libération (9 avril 1998) : "Le 4 janvier 1996, le président centrafricain a ainsi fondé une S.A. d'un capital de 2,5 millions de francs, la «Centrafricaine de taillerie de diamant» (Catadiam), qui, six mois plus tard, a tenu son assemblée générale constitutive. Étaient alors réunis, (entres autres) comme administrateurs: Patrick Patassé-Ngakoutou, le fils aîné du président; René Koffi Bondobossu, un beau-frère du président; Pascaline Mferri, la fille aînée et directrice de cabinet du chef de l’État gabonais, Omar Bongo, lequel préside le "comité international de médiation ", censé mettre fin à l'interminable crise centrafricaine" Selon Gilles Labarthe, ethnologue et journaliste, la production de diamants en Centrafrique avoisinerait le million de carras chaque année.
Centrafrique : la malédiction des diamants du sang
Grand Angle du 64' TV5MONDE
10.06.2014Présentation : Mohamed Kaci
Invités : - Johnny Vianney Bissakonou, journaliste centrafricain en exil à Paris - Gilles Labarthe, ethnologue et journaliste, spécialiste de l'Afrique et auteur de "Sarko l'Africain"