Centrafrique : les Nations Unies à l'épreuve du terrain

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Centrafrique : les Nations Unies à l'épreuve du terrain
La Misca (force de l'Union Africaine) était présente en Centrafrique depuis décembre 2013 © AFP
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Les forces de l'ONU, la Minusca, viennent de prendre le commandement des opérations de maintien de la paix en Centrafrique, succédant aux forces internationales déjà déployées et notamment à la Misca (force africaine). Les Nations Unies vont déployer 7 600 hommes dans un premier temps. A terme, 12 000 soldats seront présents sur le terrain. Mais la présence des casques bleus semble n'être qu'une intervention de plus dans ce pays en proie à l'instabilité depuis de nombreuses années. 
La Minusca (force de l'ONU) a officiellement pris le relais de la Misca (force africaine), ce lundi, en Centrafrique. Elle a pour but de maintenir la paix dans un pays en crise depuis plus d'un an. Créée en avril  par la résolution 2149 du Conseil de sécurité, la force onusienne va déployer 7 600 hommes dans un premier temps et doit compter 12 000 soldats et policiers à terme. Le pays est habitué aux interventions internationales à répétitions. Du fait de son histoire mouvementée, marquée par l'instabilité, les coups d'Etat à répétition et l'incurie de ses dirigeants, la Centrafrique détient le record des interventions internationales sur son territoire. Parmi elles, la mission de la Misab (Mission interafricaine de surveillance des Accords de Bangui) en 1997-1998, les mandats de la Minurcat (2007-2010) et de l'Eufor-Tchad (2007-2009) ou encore l'opération française Sangaris qui est en cours. 
Relais 
Lors de la cérémonie solennelle à la base militaire de Bangui, le patron des opérations de l'ONU, Hervé Ladsous, a remis le béret bleu de commandant de la Mission intégrée multidimensionnelle de stabilisation des Nations Unies en Centrafrique au général camerounais Martin Chomu Tumenta qui dirigeait la Misca. Etaient présents également, la présidente centrafricaine, Catherine Samba-Panza et des représentants des forces française de l'opération Sangaris et européenne Eufor-RCA. 
Dans le cadre de ce relais de forces, les 15 membres du Conseil de sécurité de l'ONU ont souligné "l'importance pour la Minusca d'accélérer son déploiement civil et militaire (...) de façon à atteindre sa pleine capacité opérationnelle dès que possible". Ils ont réitéré aussi leur "appel aux autorités de transition à accélérer les préparatifs afin d'organiser les élections législatives et présidentielles libres, transparentes, équitables et sans exclusives prévues d'ici le 15 février 2015". Mais selon Roland Marchal, chargé de recherche au CNRS et spécialiste de la Centrafrique, "cela ne se fera pas avant au moins un an. S'il y avait eu un meilleur gouvernement, un meilleur premier ministre, je pense qu'en décembre 2015, une partie des réfugiés serait rentrée et des modalités de vote auraient été mises en place. Mais pour le moment, je n'y crois pas". Toujours selon lui, le nouveau commandement ne vas pas changer grand chose. "Il va y avoir une meilleure présence des forces internationales en province mais il faut qu'elles acceptent d'aller au combat et ce n'est pas sur qu'elles le fassent. La Misca de la fin n'est plus celle du début qui allait "au charbon" et les casques bleus, eux, n'ont pas une réputation très guerrière". 
Centrafrique : les Nations Unies à l'épreuve du terrain
Des soldats de la Mission de l'Organisation des Nations Unie en RDC © AFP
Difficulté
La tâche de la Minusca s'annonce donc ardue et de longue haleine. Si les violences intercommunautaires massives entre populations chrétiennes et musulmanes ayant fait des milliers de morts depuis décembre 2013 sont moins intenses, elles ont provoqué un désastre humanitaire avec des centaines de milliers de déplacés et contraint à l'exode les civils de régions entières.  
Début septembre, un diplomate occidental constatait, "l'Etat n'existe plus dans ce pays. On est face au néant. Il va falloir tout repenser, tout reconstruire". Et selon un rapport de l'International Crisis Group (ICG), face aux crises successives, la réponses internationale s'est à chaque fois "limitée à trois éléments importants mais insuffisants : une présence militaire, une forte assistance humanitaire et une aide budgétaire pour assurer la survie de l'administration". Pour Roland Marchal, "le vrai problème c'est la contrepartie centrafricaine. Les forces étrangères sont là pour aider un gouvernement qui n'a pas l'air très concerné par la réconciliation. Les choses traînent, il y a de grands discours, plein de séminaires... Tout ça, c'est une façon de satisfaire les gens, mais pas de changer les choses sur le terrain. On peut espérer que cette nouvelle présence de l'ONU va obliger le gouvernement à se mettre au travail mais je n'y crois pas trop. Ils sont là pour se remplir les poches mais pas pour régler les problèmes du pays".  
En attendant une amélioration de la situation, les populations centrafricaines voient se succéder les interventions internationales : soldats de toutes les origines, camions et matériel militaire sont devenus le quotidiens des habitants. Comment perçoivent-ils ces interventions ? 
Centrafrique : les Nations Unies à l'épreuve du terrain
Les violences en Centrafrique ont fait des milliers de morts © AFP
Population 
"Ils pensent que tout ce qui vient de l'extérieur va leur apporter quelque chose", assure Roland Marchal. "Pour les gens ordinaires, ça veut dire qu'on s'occupe d'eux et que les choses vont aller mieux. En plus, la présidente Samba Panza n'a plus la côte. Les gens ont perdu tout espoir dans leur gouvernement. Donc aujourd'hui, ils parient sur les Nations Unies". Cependant, certains Centrafricains restent perplexes quant à l'action de la Minusca. C'est le cas de Ange Abdoul, cadre bancaire à Bangui, qui s'est confié à l'AFP :"tout a été essayé pour permettre à la République centrafricaine une stabilisation quasi certaine. Mais c'est toujours un retour à la case départ. Pour moi le doute reste toujours permis sur l'efficacité de la Minusca".