Centrafrique : un Français arrêté et accusé de "complot" et "espionnage"

Arrêté le mois dernier pour possession d’armes à feu, le Français Juan Rémy Quignolot est désormais accusé d'"espionnage" et de "complot" par la justice centrafricaine. Au même moment Paris gèle sa coopération avec son ancienne colonie qu'elle juge complice d'une campagne antifrançaise téléguidée par la Russie.

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Des troupes françaises patrouillent près de Yaloke, au nord de Bangui, Centrafrique  lors de l'opération Sangaris le 10 février 2014
Des troupes françaises patrouillent près de Yaloke, au nord de Bangui, Centrafrique  lors de l'opération Sangaris le 10 février 2014 (image d'illustration).
© AP Photo/Jerome Delay, File
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Juan Rémy Quignolot, interpellé le 10 mai dans la capitale centrafricaine, a été "placé sous mandat de dépôt, en détention provisoire", et "accusé d'espionnage, détention illégale d’armes de guerre et de chasse, association de malfaiteurs, atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat et complot", a expliqué mercredi 9 juin à l'AFP Éric Didier Tambo, procureur général près la Cour d’appel de Bangui. Le magistrat cependant n'a pas détaillé pour quels pays ou organisation Juan Rémy Quignolot est soupçonné d'avoir espionné.

Juan Rémy Quignolot lors de son arrestation le 10 mai 2021
Juan Rémy Quignolot lors de son arrestation le 10 mai 2021 à Bangui, Centrafrique (photo Facebook d.r.)

Tentative d’instrumentalisation ?

Des photos de son arrestation avaient été diffusées sur les réseaux sociaux, montrant le Français les mains liées dans le dos, un important arsenal à ses pieds. Le gouvernement l'avait alors accusé de détenir chez lui "une énorme quantité d'armes de guerre" et de se présenter comme "un journaliste".

Cette arrestation et sa médiatisation ont été dénoncée par la France comme une "instrumentalisation manifeste (...) par le biais de réseaux de désinformation liés à la promotion d'intérêts bien identifiés habitués à viser la présence et l'action de la France" en Centrafrique. La diplomatie française soupçonne la Russie qui, depuis 2018, se livre à une lutte dans ce pays très pauvre en y multipliant ses investissements notamment dans l'extraction des minerais et la coopération militaire.

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Juan Rémy Quignolot, selon des sources humanitaires, avait travaillé ponctuellement dans plusieurs organisations en Centrafrique comme garde du corps. "Il avait fait un court passage dans l'armée française dans sa jeunesse", a indiqué une source diplomatique à l'Agence France Presse.

Le procureur Tambo n’est pas entré dans les détails et n’est pas en mesure de donner une date pour le procès "mais ce sera dans les six prochains mois", en  ajoutant, quant à la peine encourue: "lorsqu’on parle d'atteinte à la sécurité intérieure, on parle de travaux forcés à perpétuité".

Présence de paramilitaires russes

Classé par l'ONU deuxième pays le moins développé du monde, la Centrafrique est en proie depuis 2013 à une guerre civile qui a cependant considérablement baissé d'intensité depuis 2018.

Depuis fin décembre, l'armée du président à peine réélu Faustin Archange Touadéra, a reconquis une grande partie de plus des deux tiers du territoire que contrôlaient jusqu'alors des groupes armés rebelles, s’appuyant sur de centaines de paramilitaires russes.

Depuis 2018, la Russie a déployé en Centrafrique des instructeurs militaires de façon officielle, mais aussi de nombreux paramilitaires. Fin décembre, Moscou a, sans jamais l'admettre, envoyé des centaines d'hommes du groupe privé russe de sécurité Wagner, dont l’appui a permis aux forces gouvernementales de repousser les rebelles.

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Le 30 mai, le président français Emmanuel Macron fustigeait cette présence en Centrafrique, dans une interview à l'hebdomadaire français Le Journal du Dimanche : "le discours antifrançais a permis de légitimer une présence de mercenaires prédateurs russes au sommet de l’Etat avec un président Touadéra qui est aujourd'hui l'otage du groupe Wagner". Quelques jours après, Paris gelait son aide budgétaire et suspendait sa coopération militaire avec la Centrafrique jugée "complice" d'une campagne antifrançaise téléguidée par la Russie.

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"A plusieurs reprises, les autorités centrafricaines ont pris des engagements qu'elles n'ont pas tenus, tant sur le plan politique envers l'opposition que sur le comportement vis-à-vis de la France qui est la cible d'une campagne de désinformation massive", commentait ce lundi 7 juin le ministère français des Affaires Étrangères, ajoutant: "les Russes n'y sont pas pour rien, mais les Centrafricains sont au mieux complices de cette campagne".