La République centrafricaine est "au bord du génocide", selon les dernières déclarations de Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères. Depuis la prise de pouvoir par l'ancien chef de la coalition rebelle de la Séléka : Michel Djotodia, les exactions meurtrières se sont multipliées dans le pays provoquant la fuite d'au moins 400 000 personnes. Les Centrafricains vivent en plein chaos politique et humanitaire.
Menaces de sanctions, dénonciation d'un risque de "génocide": les Occidentaux poussent le régime centrafricain dans ses retranchements pour exiger la fin de plusieurs mois d'exactions contre la population. "Le pays est au bord du génocide", a asséné jeudi le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius. "Aujourd'hui c'est le désordre absolu (...) Un million et demi de personnes qui n'ont rien, même pas à manger, et des bandes armées, des bandits, etc", a souligné Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères. La veille, le président français François Hollande avait pressé la communauté internationale "d'agir" pour mettre fin au "chaos".Mardi 19 novembre, le département d’État américain avait fait état d'une situation "pré-génocidaire" dans le pays, livré à une insécurité généralisée depuis le renversement, le 24 mars 2013, du régime de François Bozizé par Michel Djotodia, à la tête de la coalition rebelle Séléka qu'il a ensuite dissoute.Les antagonismes ici sont plutôt ethniques que religieux, sur fonds de conflits traditionnels entre éleveurs nomades musulmans et paysans sédentaires, essentiellement chrétiens. Les exactions sans fin d'hommes armés issus de l'ex-rébellion et se revendiquant de confession musulmane ont provoqué en septembre et octobre dernier des explosions de violences de certaines populations, en majorité des chrétiens.A suivi un cycle de représailles et contre-représailles meurtrières entre milices d'auto-défense et ex-rebelles. Ces violences ont provoqué la fuite de dizaines de milliers de villageois chrétiens et musulmans. Elles se concentrent essentiellement dans le nord-ouest, avec comme épicentre la région de Bossangoa, et font craindre des massacres à grande échelle de part et d'autre. A Bangui, où les armes de guerre prolifèrent, la situation est bien différente, avec une multiplication récente d'actes de banditisme, meurtres, vols... Ailleurs dans le pays, des régions entières sont coupées de tout, immense trou noir où la population est abandonnée à elle-même. L'administration a disparu depuis des années, il n'y a pas de télécommunications et le réseau routier est à l'abandon.Dans ce contexte, "si les choses ne sont pas remises en ordre, il y a un risque de dissémination à partir de foyers terroristes", a souligné M. Fabius.
Michel Djotodia, président centrafricain / Photo AFP
Kony C'est dans une de ces régions, la zone des "trois frontières" (Centrafrique, République démocratique du Congo, Soudan du Sud), que se terrerait Joseph Kony, chef de la sinistre rébellion ougandaise de l'Armée de résistance du seigneur (LRA), recherché depuis des années par la justice internationale pour crimes contre l'humanité. Ses derniers fidèles sèment la terreur et font régulièrement leur apparition dans cette région d'Obo, lors de raids sanglants pour piller les villages. Le président Djotodia a confirmé jeudi être en contact avec Kony pour favoriser sa reddition. "Joseph Kony veut sortir de la clandestinité. Nous sommes en train de négocier avec lui. Il a demandé à être fourni en nourriture, le gouvernement s'est occupé de cela", a-t-il déclaré à Bangui. État en déroute Dans un tel chaos, la communauté internationale doute de la capacité du régime à redresser le pays à l'économie ruinée, dont le diamant est la seule vraie richesse, devant l'agriculture et l'exploitation forestière. Le gouvernement a d'ailleurs décidé à la mi-novembre de diviser par trois le budget de l’État 2013, en le ramenant des 395 millions d'euros initialement prévus à 131 millions. Pour stabiliser la Centrafrique, la France, ancienne puissance coloniale, veut placer la force africaine en cours de déploiement sous mandat de l'ONU et se dit prête à augmenter sa présence miliaire - actuellement de 400 hommes - à Bangui. La majorité des pays de la région soutiennent cette formule, essentiellement pour des considérations financières, la jugeant plus fiable qu'une force financée via l'Union africaine (UA). Mais des divergences existent au sein du Conseil de sécurité sur la mise sur pied d'une éventuelle force onusienne: les États-Unis ont fait savoir qu'ils n'étaient pas favorables à une telle option.