Le couvre-feu instauré dimanche a été levé ce lundi matin, mais Bangui reste toujours paralysée après les violences meurtrières de ce week-end. A la mi-journée, trois manifestants réclamant le départ de la présidente ont été tués par les Casques bleus.
La ville de Bangui reste paralysée ce lundi, malgré la levée du couvre-feu instauré la veille par le gouvernement de transition pour rétablir le calme. Des barricades ont été érigées sur les principaux axes de la ville, dans un climat d'extrême tension après un week-end de violences meurtrières et de pillages.
La plupart des chauffeurs de taxis et des commerçants ne travaillent pas, de peur d'être agressés ou dévalisés. En fin de matinée, plusieurs centaines de personnes étaient rassemblées non loin de la présidence, demandant notamment à la communauté internationale de
"ramener la paix" en Centrafrique, rapporte l'AFP de source militaire.
Les forces françaises de l'opération Sangaris et de l'ONU (Minusca), présentes pour tenter de stabiliser le pays après les massacres de 2013-2014, sont actuellement positionnées à différents endroits de Bangui. Lundi, en milieu de journée, trois manifestants ont été tués par les Casques bleus, selon une source hospitalière.
Violences meurtrières
Le couvre-feu instauré dimanche n'a pas été respecté car des pillages ont été signalés dans la nuit de dimanche à lundi dans divers quartiers et des tirs ont retentis à plusieurs reprises.
"La gendarmerie, le ministère de la Défense et la radio d'Etat ont été attaqués cette nuit par des individus armés", a indiqué à l'AFP sous couvert d'anonymat une source militaire centrafricaine.
"L'attaque a été repoussée faisant des victimes parmi les assaillants", a ajouté cette source.
Les pillages de commerce, de maison, d'entrepôts et les violences ont fait plus de 20 morts et une centaine de blessés, selon des sources médicale et hospitalière.
Détonateur
L'assassinat (dont le motif n'est pas établi) d'un conducteur de moto-taxi dans le quartier de PK-5, samedi 26 septembre au matin, a servi de détonateur à ce regain de violences. Le PK-5 est un quartier majoritairement musulman et fut l'épicentre des massacres intercommunautaires à Bangui en 2013-2014. Il représente le dernier bastion des musulmans chassés des autres quartiers par les milices chrétiennes anti-balaka.
Quatre questions à Antoine Glaser, écrivain et journaliste spécialiste de l'Afrique.
Comment expliquer ce regain de violence ? Pouvait-on le prévoir ?
Très honnêtement, il est très difficile de savoir s'il s'agit simplement d'une flambée de violence liée à des jeunes des quartiers qui n’ont absolument aucune perspective et qui sont complètement abandonnés, ou si cela s'apparente encore à un problème confessionnel entre musulmans et anti-balaka (majoritairement chrétiens).
Dans ce pays, il n’y a eu aucune réconciliation nationale. Et toute une partie de la Centrafrique est encore occupée par des gens de l’ancien président François Bozizé et par des gens de la Séléka de Michel Djotodia. Ce pays est complètement à la dérive.
Selon vous, ces violences sont-elles liées aux prochaines élections, normalement prévues avant la fin de l'année ?
Non, je ne crois pas du tout qu'elles soient liées aux futures élections. La majorité de la population a moins de 15 ans et ne pense qu'à sa survie au quotidien. L’un des leurs a été égorgé donc il y a eu des règlements compte. Selon moi, cela ressemble beaucoup plus à un problème de confrontation entre des jeunes de quartier qui sont complètement abandonnés.
C’est la France qui souhaite qu’il y ait des élections dans ce pays, parce que élections signifie possibilité pour la France de se retirer et de laisser le travail aux Nations-Unies. Ces élections sont surtout importantes pour la communauté internationale pour que le pays retrouve un ordre constitutionnel qui est la base pour pouvoir avancer. Mais dans la réalité, on voit pas tellement comment des élections crédibles peuvent se tenir dans les conditions actuelles.
Il n'y a pas non plus de coïncidence entre ces événements et le déplacement de la présidente à l'Assemblée générale de l'ONU, à New York ?
Je ne pense pas que cela soit une stratégie de déstabilisation de Catherine Samba Panza quand elle n’est pas là.
Mais ce que je trouve incroyable, c'est que Catherine Samba Panza et le responsable gabonais pour la Minusca sont tous les deux à New-York pour présenter une sorte de bilan et les perspectives de la Centrafrique, en disant que le pays a retrouvé son calme. On voit bien que tout cela n'est qu'un vernis qui ne correspond absolument pas aux réalités sur le terrain.
La situation est-elle inquiétante ?
Je pense que l'on peut s’inquiéter de ces nouvelles violences car il n'y a pas de couverture médiatique de l’ensemble du pays. On ne sait même pas ce qu’il se passe réellement dans les régions, cela reste opaque. La Centrafrique est vraiment un pays en déshérence et il y a peut être eu des violences ailleurs dont personne ne parle.