Le Ghana vient de rentrer dans le club très fermé des pays qui accueillent les ressortissants de tous les pays d'Afrique sans exiger de visa. Avant lui, seule une poignée de d'États africains sur les 54 du continent ont franchi le pas ces dernières années. Une démarche qui n'est pas sans évoquer un certain idéal panafricain d'unité.
Un train de banlieue bondé à Soweto, en Afrique du Sud, 16 mars 2020
Berceau de l'humanité, l'Afrique est par essence une terre de migrations. Mais contrairement aux images dramatiques de migrants qui tentent de gagner l'Europe au péril de leur vie, les migrations sur le continent sont avant tout intra-africaines. C'est ce que démontre le Rapport sur la migration en Afrique publié en mars 2024 par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et la Commission de l’Union africaine (CUA).
La liberté de circulation des personnes, comme celle des biens, est un objectif clairement identifié dans de nombreux textes à l'échelle continentale et intergouvernementale en Afrique comme au niveau national. Mais dans la pratique, beaucoup reste à faire.
C'est avec cette ambition que, le 3 janvier 2025, à quelques jours de son retrait du pouvoir après deux mandats successifs, le président sortant ghanéen Nana Akufo Addo a annoncé une exemption de visas pour tous les Africains dotés d’un passeport.
Il explique sa décision par sa volonté d’accélérer l’intégration à l’échelle du continent. "Il s'agit de la prochaine étape logique vers la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) et le fonctionnement du plus grand bloc commercial au monde. Ce sont des éléments essentiels à la réalisation de l'Agenda 2063 de l'UA (Union africaine) qui envisage une Afrique intégrée et connectée à l'horizon 2063", a-t-il poursuivi.
(Re)voir Ghana : les Africains exemptés de visa, symbole d'un renouveau du panafricanisme ?
Symbolique de l'idéal panafricaniste d'unité, l'exemption de visa pour tous les Africains est plus que marginale, appliquée dans une poignée de pays du continent seulement.
Pour mesurer le degré d'ouverture des pays africains envers les ressortissants des autres pays du continent, la Banque Africaine de Développement publie chaque année depuis 2016 son Indice d’ouverture sur les visas en Afrique (AVOI).
En 2024, les données sur les mobilités intra-africaines sont stables par rapport à l'année précédente. Trois types de critères sont pris en compte pour construire l'indice d'ouverture d'un pays africain envers un autre : la demande d'un visa avant le voyage ; la demande d'un visa à l'arrivée ; l'exemption de visa. On apprend que pour 47% des voyages internes à l'Afrique, les Africains ont besoin d'un visa avant de voyager, contre 46% en 2023. Les voyages avec demande de visa une fois arrivé dans le pays descend à 25% du total des déplacements intra-africains contre 26% en 2023. Enfin, l'exemption de visa concerne 28% des voyageurs africains en 2024.
Les pays africains qui ne demandent pas de visa aux ressortissants africains.
Parmi les tendances mesurées, il y a l'option du système de visa électronique, proposée par 26 pays africains, qui allège les formalités de demande de visa avant le voyage.
Le principe de réciprocité sur le plan bilatéral fait aussi partie de la boite à outils des États en matière de politique de visas. Sur ce point, les autorités du Sénégal ont fait des déclarations allant dans ce sens, par exemple avec la France.
Jusqu’à l'année précédente, le Ghana exemptait de visas les ressortissants de 26 pays africains.
Si à travers l'exemption de visa aux Africains, le pays veut développer son industrie du tourisme, la dimension panafricaine est sans doute un facteur non négligeable.
À cet égard, le Ghana mène une politique singulière de rapatriement de descendants d'Africains à l'échelle globale, notamment en direction des États-Unis. Faisant du Ghana une nouvelle patrie pour des Afro-descendants en quête d'une citoyenneté africaine.
L'archipel de l'océan Indien est le champion africain de l'ouverture. Un choix qui s'explique par son économie tournée vers le tourisme.
Lors du premier rapport de 2016, les Seychelles étaient le seul pays d’Afrique à ne pas demander de visa aux voyageurs africains. Ces derniers reçoivent un permis de visiteur à leur arrivée.
Ils doivent néanmoins présenter des documents à jour à l’aéroport international, notamment un passeport valide et des documents de voyage retour, un hébergement confirmé et des fonds suffisants pour leur séjour à hauteur de 150 dollars par jour.
Le régime de visiteur sans visa n'est pas réservé qu'à l'Afrique mais au monde entier, avec une exception notable : le Kosovo, un Etat non reconnu par le pays.
En 2018, le Bénin rejoint les Seychelles dans le classement VOI et devient le deuxième pays africain et le premier francophone n’exigeant aucun visa aux voyageurs africains.
Le président Talon a pris cette décision en janvier 2017. Elle concerne les séjours d'une durée maximale de 90 jours. Là encore, cette ouverture en matière de visa s'inscrit dans une politique de développement du tourisme dans le pays.
Dans le classement 2020, la Gambie rejoint le podium en devenant le 3e pays exonérant les ressortissants africains de visas. Une décision prise en septembre 2019 par le gouvernement gambien avec pour objectif de relancer le tourisme après le Covid en 2019.
Une politique qui porte ses fruits en 2020 puisque la Gambie figurait parmi les 20 pays au monde avec la plus forte croissance de la part du secteur du tourisme dans le PIB, avec notamment 18% de l'économie du pays et autant en termes de nombre d'emplois.
Toujours bien classé dans le classement AVOI dès 2016, le Rwanda atteint le sommet en 2023 en suivant résolument une trajectoire d'ouverture.
En mars 2020, le Rwanda renonce aux frais de visa à l'arrivée jusque-là requis pour les ressortissants de 35 pays de l'Union africaine en visite pour 30 jours maximum.
C'est deux ans plus tard que tous les pays de l'Union africaine seront désormais exemptés de visa.
Le Rwanda développe de nombreux atouts pour accroître son attractivité, initialement basée sur le tourisme mais aussi sur le secteur des affaires.
Classement
TOP 10 des pays les plus ouverts
1 - Seychelles, Bénin, Rwanda, Gambie, Ghana
6 - Nigeria
7 - Cap-Vert
8 - Guinée-Bissau
9 - Mauritanie
10 - Maurice
et TOP 10 des pays les plus fermés
45 - République démocratique du Congo
46 - Kenya, Cameroun, Algérie
49 - Égypte
50 - Soudan du Sud
51 - Érythrée
52 - Guinée Équatoriale, Libye
54 - Soudan