Pour le Finlandais Tapani Vaahtoranta, directeur du très récent Institut de leadership africain pour le développement durable basé dans la capitale tanzanienne, c'est clair : l'Afrique ne pourra pas se développer économiquement de la même façon que les pays occidentaux ou émergents car elle manquera tôt ou tard d'énergies fossiles. Il lui faut donc trouver une façon différente de se développer, un « modèle africain ». L'Institut, fondé en avril dernier par la Finlande et opérationnel début janvier 2011, veut travailler avec les gouvernement africains afin de promouvoir le développement durable, à l'aide notamment de « think tank » entre des leaders politiques africains et des experts de Finlande ou d'ailleurs.
MIROIR GROSSISSANT Un modèle économique propre à l'Afrique, c'est aussi le souhait de Norbert Lebalé, économiste spécialiste de l'Afrique à la
CNUCED : « Pensez aux dégâts causés par une exploitation abusive des matières premières dans certaines parties de l'Afrique dans les années 60-70. Les pays du nord comme la Finlande, qui ne sont pas d'anciens pays colonisateurs et qui démarrent une coopération avec l'Afrique, savent qu'il faut agir différemment. Et je crois que même les décideurs africains ont pris conscience de ça. » Cité sur
le blog ContinentPremier, l'économiste sénégalais Moustapha Kamal Gueye, chargé des qestions économiques au
PNUE, insiste lui aussi pour ne pas répéter les erreurs du passé : « Les modèles de développement économique connus jusqu'à aujourd'hui ont coûté très cher au capital nature. Entre 1981 et 2005, le PIB mondial a plus que doublé, mais au prix de la dégradation de plus de 60% des écosystèmes mondiaux. » Pour la journaliste Anne-Cécile Robert, auteur de
L'Afrique au secours de l'Occident, le continent africain révèle, comme « un miroir grossissant », l'échec d'une certaine conception du développement économique. Même
le FMI en prenait conscience [PDF] dès 2006.
MOMENT HISTORIQUE Moustapha Kamal Gueye voit un intérêt majeur pour l'Afrique à s'engager dans une économie verte : « Les opportunités sont immenses, au vu des défis qui se posent au continent dans des domaines essentiels comme l'agriculture, l'énergie et le besoin de création massive d'emplois ». Pour Norbert Lebalé, l'Afrique vit actuellement un « moment historique », idéal pour lancer de nouvelles politiques de développement : « Pour la première fois, les Africains peuvent négocier avec l'Europe, l'Asie, les États-Unis... La concurrence aidant, les Africains peuvent choisir. Et puis, il ne faut pas oublier qu'il n'y a rien ! Ce qui devient ici un avantage. » Et une aubaine pour choisir une voie privilégiant le développement durable ? Norbert Lebalé est optimiste : « L'industrialisation africaine ne peut pas se faire sans prendre en compte l'environnement et le changement climatique. C'est ça ou rien ! C'est uniquement en créant une nouvelle industrialisation verte que l'Afrique pourra s'insérer dans le système global. » Anne-Cécile Robert pense aussi que le moment est historique pour l'Afrique, aujourd'hui « obligée » d'inventer un nouveau modèle de développement. Pourquoi ? Parce que le temps a prouvé que le modèle classique y était inadéquat : « Dans l'histoire des civilisations africaines - même si elles sont très diverses - on trouve l'idée d'une symbiose avec la nature, d'une prise en compte du collectif. Or, notre modèle de développement fait tout le contraire, en étant basé sur la suprématie de l'homme sur la nature et sur l'exploitation effrénée des richesses... »