L'évènement célébrant 15 ans de carrière de la star congolaise Fally Ipupa était très attendu et devait être une fête. Onze morts, dont deux policiers ont trouvé la mort dans des débordements qui auraient eu lieu dans et autour du stade des Martyrs. Le flou demeure autour des circonstances du drame. Les autorités pointent la responsabilité des organisateurs du concert. L'entourage du chanteur, joint par TV5MONDE, ne veut communiquer publiquement. Que sait-on du drame qui a coûté la vie à 11 personnes ?
Au lendemain du concert, le dimanche 30 octobre le Vice-Premier ministre de l’Intérieur et de la Sécurité Daniel Asolo se rend sur place. À l'extérieur du stade des Martyrs, devant les caméra et les micros de la presse, il déclare vouloir lancer une enquête sur l'organisateur du concert.
Selon le ministre il ne fait aucun doute :
"la police s'est bien comportée" dit-il en la félicitant
. La faute incombe à ceux qui ont organisé le concert qui
"doivent être sévèrement punis".
11 morts, dont deux policiers
Le ministre ajoute que
"les dégâts humains s'évaluent à 11 personnes décédées (...) y compris deux policiers". Un premier bilan, donné par l'Agence congolaise de presse (ACP) citant le chef de la police de Kinshasa, Sylvano Kasongo, faisait état de huit morts dont un policier.
Le ministre Daniel Asolo a présenté ses condoléances aux familles endeuillées, mais aussi déploré que des
"dégâts humains et matériels" soient fréquemment enregistrés lors de manifestations dans ce stade de 80.000 places.
Selon ses propos, diffusés par le site d'information Actualité.cd, cité par l'AFP, il y avait trop de monde dans l'enceinte du stade. L'organisateur
"est allé au-delà de 100%" de sa capacité,
"il doit se présenter et dire à la République pourquoi a-t-il ainsi mal organisé cet évènement qui a conduit les gens à la mort".Un manque de sécurité ?
"C'est une bousculade" qui a causé ces décès.
"Les mélomanes étaient étouffés", selon le témoignage d'un officier de police présent samedi soir dans le stade recueilli par l'ACP, l'Agence de presse congolaise. Selon des témoins, les spectacteurs se pressaient jusque
"dans les couloirs".
Toujours selon l'agence de presse congolaise, qui avait une équipe au stade, la police avait mis en place trois cordons pour sécuriser la pelouse, la tribune VIP et le podium. Mais
"sous la pression de la foule, des policiers n'ont pu tenir longtemps". Cette accusation est rejetée par l'organisateur. Sur la
radio Top Congo FM, il déclare que
"toutes les dispositions sécuritaires avaient été prises, plus de 2500 policiers avaient été mobilisés et même police et justice militaire étaient présents avec agences de gardiennage privées et une centaine d’agents sanitaires". Un problème de sur-jauge ?
Les organisateurs affirment avoir vendu 80.000 places assises et 5000 debout pour la pelouse. Une vente conforme à la capacité d'accueil du stade pour un concert. Les autorités, elles, affirment que la vente de billets était
"au delà de 100%" de la capacité de l'enceinte.
Sur cette vidéo tournée par l'entourage de l'artiste on voit que le stade est plein sans réellement pouvoir juger si le stade est en sur-jauge.
À nos confrères de RFI, les organisateurs assurent que la sur-jauge n’est pas de leur fait. Alors, y-a-t-il eu un dysfonctionnement de la billetterie ? Le manager de Fally Ipupa, co-producteur et co-organisateur du spectacle, affirme que ni les techniciens ni les équipes médicales n'ont constaté de bousculades et qu'il cherche en vain depuis 48 heures à rencontrer des familles des victimes à Kinshasa. Selon ses affirmations, 80 000 places assises et 5000 places debout ont été vendues.
Une vidéo expliquant comment accéder au stade, reprise par différents opérateurs et diffusée sur les réseaux sociaux, en français et en lingala, avait été préparée en amont du concert.
Les accès y sont clairement indiqués. Or les organisateurs, sur la radio TopCongo FM, affirment qu'une seule des huit portes du stade était ouverte.
Le lendemain du concert Fally Ipupa apprend ce qui s'est passé. Interviewé dimanche 30 octobre par un journaliste de Reuters il fait part de sa peine et compatit avec les familles tout en s'interrogeant sur le nombre exact de morts.
Fally Upupa interviewé le 30 octobre 2022 à Kinshasa.
Le musicien publie un communiqué sur sa page Facebook déplorant le drame.
Les organisateurs soulignent que très peu d’images ont filtré des évènements, or beaucoup de spectateurs filmaient avec leur téléphone portable.
Quels sont les spectateurs qui peuvent témoigner, s’interrogent-ils sur la radio TopCongoFM, rappelant que les abords du stade n’étaient sécurisés que par la police nationale.
Ils appellent aujourd’hui à une
"vraie" enquête
"afin que soient dégagées les responsabilités".
Des membres de l'entourage de Fally Ipupa, joints par téléphone par TV5MONDE, n'ont pas souhaité s'exprimer publiquement.
Fally Ipupa, une carrière qui dépasse les frontières de la RDC
Fally Ipupa est né à Kinshasa le 14 décembre 1977. Il commence sa carrière au sein du groupe Quartier latin de Koffi Olomidé, grand maître de la rumba congolaise.
Déjà star en Afrique, il élargit progressivement sa popularité : il est le premier artiste congolais à obtenir un disque d´or en duo avec Booba sur le titre "Kiname" (plus de 20 millions de vues).
Sur son dernier album "Tokooos" sorti fin 2020, il invite R. Kelly, Aya Nakamura, MDH et Keblack.
En août 2014, Fally Ipupa voyage avec les quarante-sept dirigeants africains invités par Barack Obama au sommet États-Unis-Afrique. Il est ambassadeur de l'Unesco.
Le 28 février 2020, des violences ont eu lieu en marge de son concert parisien dans l'Accor Arena (anciennement Palais Omnisport de Bercy). Une cinquantaine de personnes ont été placées en garde à vue. La plupart ont donné lieu à des alternatives aux poursuites ou à un classement sans suite.
Deux hommes seulement ont été convoqués en mars 2022 au tribunal correctionnel de Paris pour avoir brûlé leur propre voiture. Seul l'un d'eux, le propriétaire du véhicule, s'est présenté à l'audience. "On voulait coûte que coûte faire annuler ce concert", a déclaré à la barre ce technicien de maintenance de 31 ans. "On est dans un mouvement qui manifeste pacifiquement, on avait demandé l'autorisation au préfet de police mais qui nous l'a refusé." En ne prenant pas position politiquement, le chanteur Fally Ipupa est de fait "une arme du régime autoritaire congolais, de soft power. C'est la perception qu'en a la diaspora congolaise qui vit ici, exilée", a-t-il soutenu. Dans sa plaidoirie, l'avocat du propriétaire de la voiture, Maître Félix Alfonsi a mis en avant l'histoire personnelle de son client, qui a fui la RDC à l'âge de 15 ans.
Il a été condamné à 150 jours-amende à 10 euros conformément aux réquisitions.
(RE)voir : "Tokooos II" : le nouvel album évènement de Fally Ipupa